Emma Girard, 25 ans, n’a jamais eu d’a priori sur les applications de rencontres. Cette jeune femme a même rencontré son dernier petit ami, avec qui elle est restée trois ans, grâce à Tinder.
Pourtant, ces jours-ci, plus de six mois après son retour sur les plateformes de rencontres, Emma ressent une certaine fatigue.
Cela me déprime un peu de passer du temps sur Hinge.
Même si elle reconnaît les aspects positifs de telles plateformes, cette diplômée en architecture, qui se dit plutôt timide de nature, est agacée de voir toujours apparaître des profils similaires à l’écran.
Je trouve que cela ressemble beaucoup à consommer des profils, à rechercher constamment [trouver] mieux, regarde toujours [pour voir] s’il y en aura d’autres
se lamente-t-elle.
Au Canada, près de 9 % de la population de plus de 15 ans a utilisé des sites ou des applications de rencontres, selon les données de 2022 de Statistique Canada.
Phénomène récent
Ce phénomène, appelé fatigue amadou
est encore très peu étudié, selon Maude Lecompte, chargée de cours au Département de sexologie de l’UQAM.
Maude Lecompte est chargée de cours au département de sexologie de l’UQAM.
Photo : - / Emma Guerrero Dufour
Selon elle, l’épuisement que ressentent certains utilisateurs est imputable au temps passé sur les plateformes, au fonctionnement même des applications qui permettent parfois un très grand nombre d’interactions ainsi qu’aux codes sociaux qui s’y développent.
Vous n’êtes peut-être pas la seule personne à discuter avec quelqu’un que vous avez rencontré sur l’application. Il y a donc tout cet aspect de compétition qui augmente le besoin d’être rapide dans ses interactions, ce qui peut aussi alimenter la fatigue.
explique ce chercheur, dont la thèse de doctorat porte sur Tinder.
Si certaines applications ont connu une baisse d’utilisation au cours des dernières années, c’est davantage parce que les utilisateurs recherchent des plateformes qui répondent mieux à leurs besoins spécifiques que parce qu’ils reviennent aux méthodes traditionnelles pour trouver l’amour, selon Maude Lecompte.
Cette baisse est très observée sur les applications les plus populaires, peut-être au profit d’applications moins quantitatives et plus qualitatives en termes de datation.
précise-t-elle.
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Les applications de rencontres comme Tinder déçoivent de nombreux célibataires.
Photo : iStock
-Jouez au fantôme
Tout le monde fantôme et tout le monde fait fantôme et, à un moment donné, tu as un peu la nausée
déplore également Emma Girard.
Le ghosting dont elle parle se produit lorsqu’une personne met fin à une interaction ou à une relation avec une autre en disparaissant sans avertissement.
Pour Maude Lecompte, le ghosting est devenu une norme comportementale en ligne.
Ce qui a été documenté, c’est que fantôme en soi, une, deux fois, oui, sur le moment, ça peut être difficile à vivre, mais ça n’a pas d’effet délétère à moyen terme. C’est plutôt la répétition qui peut contribuer à une certaine détresse psychologique.
précise le chercheur.
Quitter les applications ?
Les applications de rencontres n’ont jamais rien fait pour moi. J’avais Tinder avant, mais je l’ai retiré parce que j’ai réalisé que je l’utilisais juste pour la validation
» raconte Damien, 20 ans, qui étudie au baccalauréat en enseignement à l’UQAM.
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Damien (à gauche), Gabriel (à droite), Léa-Rose et Charlotte (que l’on ne voit pas), tous enseignants du baccalauréat à l’UQAM.
Photo : - / Emma Guerrero Dufour
Son camarade de classe, Gabriel, 21 ans, admet avoir supprimé et réinstallé son application à plusieurs reprises. Je pense qu’il y a un gros manque de transparence à ce sujet. Le but est que vous vous fassiez glisser [choisir]. Alors, peux-tu vraiment être toi-même ?
se demande-t-il.
Cependant, il existe encore des options pour ceux qui souhaitent s’éloigner des plateformes en ligne, notamment des soirées de rencontres qui continuent d’être organisées à travers le pays.
Le mouvement de rencontre lente avec un visant justement à ralentir le rythme des rendez-vous, explique Maude Lecompte, doctorante en sexologie.
C’est l’idée de favoriser des rencontres de qualité plutôt que le plus grand nombre, à l’image de ce que proposent les applications les plus populaires. […]de revenir aux rencontres où l’on prend le temps de découvrir l’autre, de réfléchir à notre rencontre et de faire des choix qui nous conviennent et respectent nos valeurs
précise-t-elle.
Des applications comme Once ont vu le jour pour répondre à ce besoin.
Après avoir décidé de supprimer définitivement l’application qu’elle utilise, Emma Girard a changé d’avis. Là, il y a une personne qui m’intéresse et je recommence à lui écrire… Je pourrais faire une belle rencontre
espère ce Montréalais, qui n’exclut pas non plus l’idée de participer à des activités de rencontres pour célibataires.