EEntre astuces, petites phrases astucieuses et arguments fallacieux des accusés, les dialogues entendus dans le quotidien des prétoires sont parfois savoureux.
Raccourci machiste. En février, un quinquagénaire a été jugé pour « violences du conjoint de la victime ou du concubin lié à la victime par un pacte civil de solidarité », qui, selon les termes du président du tribunal correctionnel de Bordeaux, s’est transformé deux fois en « violence domestique volontaire ». Un concept très personnel et légèrement machiste qui laisse penser qu’il y a dans son esprit des violences conjugales… involontaires.
Lunaire. Son nom ? “Ça dépend. Le terrien ou l’extraterrestre ? », demande l’accusé qui se présente comme un « moudjahid de l’espace », milliardaire, propriétaire d’un palais sur Saturne. Dans la box, il s’étire, fait des pompes, puis des tractions, boit, se promène, attrape la mousse du micro et chante. “Tu ne veux pas plutôt un concert ?” » « Le tribunal n’est pas une salle de spectacle », rétorque le président qui, avec patience mais fermeté, le ramène sur terre.
Événement. Le président avait prévenu. Tolérance zéro pour les téléphones portables qui perturbent les débats. Cela vaut également pour les avocats. En février, l’un d’eux s’est rendu sur la pointe des pieds avec ses stagiaires à la comparution immédiate. Il n’a pas mis son smartphone sous silence qui, visiblement, sonne. Interpellation immédiate, le président lui ordonne de quitter la salle sous les yeux étonnés des écoliers. « Il fallait être là au départ pour mon événement ! »
Le président rappelle à l’accusée son passé d’héroïnomane, « ou de femme héroïnomane, je ne sais pas ce qu’on dit maintenant », dit-il très sérieusement.
Coquille. Erreur de frappe ou de dictée. En avril, lors du procès pour meurtre et tentative de meurtre, une faute de frappe a été commise dans l’ordonnance de mise en accusation, dont un extrait a été lu à l’audience. Une altercation aurait commencé à partir d’une chaise « client », placée en travers du chemin de l’un des protagonistes. Nous parlons d’une chaise pliante.
Hé mec ! Il y a des termes impossibles à féminiser, même avec la meilleure volonté du monde ! En mars, lors de l’audience de comparution immédiate, le président a rappelé à l’accusée son passé d’héroïnomane, « ou de femme héroïnomane, je ne sais pas ce qu’on dit maintenant », dit-il très sérieusement. On dira que c’est la fatigue…
Identité erronée. Il y a des fans inconditionnels de rugby parmi les policiers bordelais. Chargés en 2021 de traquer et de surveiller un suspect nommé Romain Barros, condamné en novembre pour le meurtre d’un retraité, ils ont indiqué un tout autre nom sur leur rapport. Il s’agit en fait de l’identité de Thomas Ramos, le rugbyman qui apparaît sur le reportage ! Pas étonnant que l’accusé affirme ne pas se reconnaître sur les photos !
Choqué! « En vérité, il a été choqué et surpris que ses empreintes digitales et son ADN soient sur les lieux de deux cambriolages qu’il nie avoir commis », plaide une avocate qui n’obtient pas… la relaxe demandée en mai, pour son client jugé pour cambriolages.
Excentrique. En juillet, un homme a été jugé pour corruption de mineur. Il consulte un psychiatre depuis son arrestation. « Sur quoi travaillez-vous ? » demande le procureur adjoint. « Sur les espaces verts », répond le prévenu, qui croit qu’on lui demande son métier.
Chambre avec vue. Le prévenu est sans abri. En juillet, il a été jugé pour dommages. Il a été trahi par ses fautes d’orthographe dans les tags inscrits sur les murs. Il ne demande pas grand-chose, « juste une petite pièce tranquille ». « Les seules pièces dont dispose le tribunal sont des cellules de prison », rétorque le président.
L’équipe chocolatine. En cette journée d’août, les magistrats ne font pas partie de « l’équipe chocolat ». A plusieurs reprises, juges et procureurs parlent de « pain au chocolat ». Les pâtisseries sont au cœur des débats devant le tribunal correctionnel de Bordeaux car elles sont bourrées de résine de cannabis et de pilules psychotropes.
« Les seules pièces dont dispose le tribunal sont des cellules de prison », rétorque le président.
Flash-back. Il est interdit d’enregistrer ou de filmer les débats, même s’ils sont publics. « Monsieur, prendre des photos est interdit. S’il vous plaît, restez dans la pièce », dit le président. « Désolé, je n’ai pas vu qu’il y avait un flash », rétorque un homme venu soutenir un prévenu dont il souhaitait garder… un souvenir dans la loge.
« Il m’a demandé de vous dire qu’il ne serait pas là, il est livreur à Paris. » Un cousin envoyé à sa place par un prévenu.
Cousinade. La demande de référence est inhabituelle et non conventionnelle. En septembre, un homme d’une trentaine d’années a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour s’expliquer sur le vol d’un sac, abandonné dans une voiture à Bordeaux en janvier dernier. Mais il était absent. Et il a envoyé son… cousin à sa place. « Il ne savait pas que c’était aujourd’hui », tente le proche. « Il m’a demandé de vous dire qu’il ne serait pas là, il est livreur à Paris. » « Mais s’il vous appelle, c’est parce qu’il connaissait la date », rétorque le président.
Macho à. Entendu en novembre à la cour d’assises de la Gironde. Un avocat interroge son client. Le greffier arrive et demande au président de signer un papier. L’avocat l’interrompt. « Allez-y Maître, je suis comme la femme au foyer, je peux faire deux choses à la fois », lance le président qui se trouve drôle. Ses deux évaluateurs restent de marbre.
Quand il ne veut pas. Le procès a mal démarré en septembre. Un prévenu au pseudonyme évocateur, « Bipolaire ++++ », qui crie à la nullité de la procédure, parle intempestivement, traite un coaccusé de « beau », menace d’uriner sur lui s’il ne sort pas, insulte le procureur avant d’être expulsé de la salle d’audience. Une avocate parisienne, en retard, qui demande le report du procès et un assesseur qui se rend compte, après cinq heures d’audience, qu’elle ne peut en fait siéger car elle a déjà statué dans cette affaire en tant que juge des libertés et de la détention. Un non-lieu en décembre et six suspensions d’audience pour destituer un juge plus tard, l’affaire a été jugée.
Terminal. 109 SMS et 71 appels à son ancien partenaire en deux semaines. « Combien de dizaines de SMS pour qu’il comprenne qu’elle ne veut plus de contact avec lui ? », gronde le procureur adjoint en octobre. « Monsieur est décidément borné. Et doublement ! Par le résultat de la géolocalisation et par son incapacité à comprendre que son partenaire ne souhaite pas continuer avec lui. »