En tant que plateforme de référence depuis 25 ans dans la promotion touristique du pays, nous avons observé de près les évolutions et les défis qui marquent ce domaine stratégique. L’heure n’est pas simplement à une réforme administrative, mais à une refonte globale du modèle touristique sénégalais, capable de concilier rentabilité économique et dignité nationale.
Programme de développement touristique
La première pierre angulaire d’un tourisme prospère réside dans la mise en place d’un programme de développement touristique clair et ambitieux. Le Sénégal doit impérativement orienter ses efforts vers le développement des régions jusqu’ici sous-exploitées comme la Casamance, le Fouta, l’Est du Sénégal et le centre du pays.
Ces zones regorgent de potentiels naturels et culturels, mais souffrent d’un manque flagrant d’infrastructures adaptées. Selon CapMad, le tourisme représentait, en 2019, 7% du PIB sénégalais, avec des revenus estimés à près de 500 milliards FCFA (833,3 millions USD).
Ainsi, l’État gagnerait à fusionner des organismes publics tels que l’Agence sénégalaise de promotion du tourisme (ASPT) et la Société d’aménagement et de promotion des côtes et des zones touristiques du Sénégal (SAPCO). Une telle synergie permettrait de concentrer les investissements et de défendre les intérêts nationaux face aux appétits des grands groupes internationaux. Le tourisme reste la deuxième source de revenus du Sénégal après la pêche.
Fonds d’aide et d’investissement
En 2018, le Sénégal a lancé le projet de développement du tourisme et des affaires (PDTE). Ce projet visait à créer les conditions nécessaires à une augmentation des investissements privés dans le tourisme à Saly et au développement accru des entreprises au Sénégal. Pour un financement de 74 millions de dollars (plus de 40 milliards de francs CFA), ce projet a-t-il véritablement réussi sa mission de facilitateur ?
Par ailleurs, il devient urgent de créer un fonds d’aide et d’investissement spécifiquement destiné aux entrepreneurs locaux. Aujourd’hui, le coût moyen d’un projet touristique de taille moyenne oscille entre 100 et 500 millions de FCFA, des sommes difficilement accessibles pour les porteurs de projets sénégalais. Les taux d’intérêt pratiqués par les banques sénégalaises tournent autour de 10%, ce qui constitue un obstacle majeur. A titre de comparaison, le Maroc propose des crédits à taux réduit de 3% via son Fonds Marocain de Développement du Tourisme.
La mise en place de crédits similaires à faible taux pour les Sénégalais favoriserait l’émergence de structures locales compétitives, renforçant ainsi la souveraineté économique du pays.
Rendre accessibles les licences d’exploitation touristique.
La simplification des procédures administratives pour l’obtention des licences d’exploitation touristique et hôtelière doit devenir une priorité nationale. Trop souvent, les démarches sont longues et dissuasives, décourageant les jeunes entrepreneurs souhaitant se lancer dans ce secteur.
La digitalisation de ces procédures constituerait un levier de modernisation pour dynamiser l’industrie touristique sénégalaise.
Mise à niveau des lieux touristiques et villages artisanaux
La revalorisation des sites culturels et touristiques est également un impératif. Actuellement, près de 80 % des touristes sont concentrés dans la région de Dakar et la Petite-Côte, laissant en marge des circuits touristiques des joyaux comme la Casamance, le Fouta et l’est du Sénégal. Cependant, le potentiel économique de ces zones est considérable.
En revanche, Gorée, qui accueille près de 200 000 visiteurs par an, pourrait tripler ses revenus liés aux activités annexes si une meilleure politique de valorisation du patrimoine était mise en place.
L’artisanat, pilier de l’identité culturelle sénégalaise, mérite une attention particulière.
Selon une enquête de l’Agence sénégalaise de promotion du tourisme (ASPT), 65% des objets vendus dans les villages artisanaux sénégalais sont importés, ce qui nuit à l’authenticité perçue par les touristes, diluant ainsi l’authenticité de l’offre touristique. Il est nécessaire de restructurer ces villages en valorisant les savoir-faire locaux, tout en soutenant financièrement les artisans afin de garantir des produits originaux et de qualité. A noter que l’artisanat représente 2% du PIB au Sénégal.
Promotion d’événements
Les événements culturels et sportifs représentent un autre levier stratégique. Le Festival de Jazz de Saint-Louis, la Biennale de Dakar et les régates de Saint-Louis constituent des vitrines exceptionnelles pour le pays. Ces manifestations, qui attirent des milliers de visiteurs, devraient bénéficier d’un soutien accru de l’État.
En 2022, les autorités sénégalaises ont dénombré 1,8 million de touristes au total, y compris les touristes locaux, soulignant l’importance des événements culturels et sportifs pour attirer les visiteurs.
Une meilleure organisation et promotion de ces événements maximiserait les retombées économiques locales.
Réhabilitation des parcs nationaux
La réhabilitation des parcs nationaux et des zones marines protégées doit également être une priorité absolue. Des parcs comme le Niokolo-Koba ou le Djoudj, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, souffrent d’un sous-investissement chronique. Le parc du Niokolo-Koba, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, a vu son taux de fréquentation chuter de 50 % entre 2000 et 2020 en raison du manque d’infrastructures.
Par ailleurs, le Sénégal se classe 107ème mondial (+2 places) sur 119 et 13ème sur 19 en Afrique dans l’édition 2024 du Travel & Tourism Development Index (TTDI), affichant une hausse de 2,5% de son score depuis 2019. , ce qui souligne la nécessité de renforcer les infrastructures touristiques. En Tanzanie par exemple, les parcs nationaux génèrent 20 % des revenus touristiques. Le Sénégal, qui possède pourtant une biodiversité exceptionnelle, doit s’inspirer de cet exemple pour réhabiliter ses sites naturels.
Entraînement
Le tourisme s’impose comme l’un des principaux moteurs de l’économie sénégalaise, au deuxième rang derrière la pêche. Cependant, le développement du secteur est freiné par un manque flagrant de formation professionnelle.
Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), 70 % des emplois touristiques nécessitent des compétences spécialisées. Or, au Sénégal, seuls 3% des acteurs du secteur disposent d’une formation adéquate (ANSD, 2020). Cette insuffisance est particulièrement marquée dans les zones rurales, où la demande de guides touristiques
Le renforcement des capacités professionnelles et la qualification de la main d’œuvre constituent donc des leviers essentiels pour dynamiser le tourisme sénégalais.
Brigades environnementales
La question de la propreté et de l’environnement ne peut être éludée. Les enquêtes réalisées auprès des visiteurs révèlent que l’insalubrité constitue l’un des principaux obstacles au développement du tourisme. Bien que cette question soit d’une importance capitale, elle ne semble pas être une préoccupation pour l’agence de promotion du tourisme.
La mise en place de brigades environnementales dédiées à la propreté des sites touristiques, à l’image de ce qui se fait dans certaines grandes métropoles, apporterait une réponse efficace à cette problématique.
Objectifs de performance
L’État sénégalais doit enfin fixer des objectifs de performance clairs pour les ministres en charge du tourisme. Chaque ministre devrait être évalué sur la base du nombre de visiteurs accueillis et des revenus générés, à l’instar de la stratégie adoptée par le Kenya.
En 2019, le Sénégal a accueilli 1,7 million de touristes, générant 360 milliards de FCFA. Les rapports officiels fournissent des données statistiques pour évaluer cette performance.
Communication et sensibilisation
Enfin, une communication efficace sur l’engagement éco-responsable des établissements touristiques est essentielle comme vecteur d’attraction majeur.
Booking.com montre en 2022 que 72 % des voyageurs recherchent des options respectueuses de l’environnement. Pourtant, seulement 10 % des hôtels sénégalais sont certifiés éco-responsables. Cette tendance mondiale offre une opportunité unique de positionner le Sénégal comme une destination durable et attractive.
Le développement du secteur touristique sénégalais ne peut se limiter à la réforme des visas. Il s’agit d’un projet majeur nécessitant des investissements stratégiques.
Attention : « Réformer les visas sans reconstruire les bases du tourisme, c’est vouloir attirer le monde sans lui ouvrir les portes. »