Par
Ludivine Laniepce
Publié le
26 décembre 2024 à 18h14
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Une page se tourne, cette fois pour de bon, à Martinvast (Manche). Docteur Jacky Marie, médecin généraliste depuis 37 ans, raccroche son stéthoscope à 67 ans. Pendant près d’un an, il a tenté – en vain – de lui trouver un successeur. le remplacer au sein du cabinet qu’il partage avec trois autres de ses collègues. Mais celui qui est aussi le maire de cette ville La commune de Douve et Divette avec 1 340 habitants ne lâche rien. Entretien.
Malgré vos recherches depuis plus d’un an, vous n’avez pas trouvé de confrère à qui confier vos patients. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
En fait, je n’ai pas trouvé d’acheteur. Pourtant j’y ai cru deux ou trois fois, j’avais même encore un peu d’espoir récemment. Mais les candidats potentiels ont préféré opter pour d’autres solutions. J’ai donc cette fois pris une décision, que j’explique déjà à mes patients depuis six mois : au 31 décembre 2024, j’arrête définitivement. Je n’en suis pas content. J’aurais préféré repartir l’esprit tranquille avec un successeur.
En 2023, vous avez annoncé votre retraite le 1er juillet. Vous avez continué à vous exercer jusqu’à aujourd’hui mais en réduisant la voilure…
Oui, j’étais à temps partiel, je travaillais une semaine sur deux. J’ai donné la priorité aux patients atteints de maladies chroniques, au suivi des diabétiques, des personnes atteintes de cancer, etc. Pour les urgences, on se réfère à SOS Médecins, même s’il faut reconnaître que c’est parfois difficile pour eux aussi. Mes trois associés vont essayer de faire l’essentiel, au moins en ce qui concerne les maladies de longue durée, mais sans garantie car eux-mêmes sont surbookés.
Votre patientèle, sur les bassins de la Douve et de Divette-Octeville, représente environ 1 800 personnes. Comment réagissent vos patients à votre départ ?
Il y a une inquiétude, bien sûr. Les jeunes, qui viennent occasionnellement, se disent « bon, on va se débrouiller ». Les personnes âgées, en revanche, sont très inquiètes. Pour eux, c’est plutôt : « Mais comment vais-je faire ? »
En médecine, le fameux numerus clausus qui limite le nombre de praticiens est souvent remis en question…
Oui, mais j’ai aussi lu quelque chose d’étonnant il y a quelques mois dans Le Quotidien du Médecin : il n’y aurait jamais eu autant de médecins en France, mais 20 000 à 30 000 jeunes médecins ne sont pas forcément titularisés, ils sont suppléants, par choix. Je pense que le rapport au travail n’est plus le même aujourd’hui, et cela n’épargne pas certains jeunes médecins qui privilégient ces remplacements ponctuels. Être remplaçant leur donne plus de flexibilité. Ils se disent que c’est finalement plus simple d’être du côté des remplaçants. Et quand ils ne travaillent pas, ils n’ont pas les mêmes dépenses que nous pouvons avoir au bureau. Parce que quand on s’installe, on met effectivement le doigt dans l’égrenage.
Cela fait écho à un autre débat sur l’obligation pour les médecins de s’installer dans des déserts médicaux…
Je dirais qu’avant d’obliger les médecins à s’installer dans des déserts médicaux, peut-être faudrait-il les obliger à s’installer purement et simplement, ou limiter leur temps de remplacement. Mais il est difficile d’être directif, cela peut s’avérer contre-productif. Je ne crois pas que la coercition soit la solution.
En tant que maire de Martinvast, disposez-vous de leviers pour agir ?
Si je remets ma casquette de maire, j’ai effectivement des idées. Quand je vois l’attractivité des centres de santé libéraux qui existent dans la région, comme le PSLA Valognes-Brix, je me dis qu’on peut s’en inspirer à Martinvast. C’est pourquoi j’ai demandé à la Communauté Urbaine du Cotentin (CAC) de mener ici une étude sur l’implantation éventuelle d’un centre de santé du même type. Le CAC n’est pas opposé à cette idée ; en principe, cela ne pose aucune difficulté. L’étude devrait être réalisée prochainement. D’autant qu’il y a déjà un certain nombre de professionnels de santé à Martinvast : pharmacie, infirmiers, podologues, sages-femmes, psychologue, etc.
Quels sont, pour vous, les avantages de travailler dans un cabinet comme le vôtre à Martinvast ?
Je dirais qu’il y a la proximité de la métropole cherbourgeoise. D’un point de vue professionnel, il est intéressant d’être dans une zone couverte par SOS Médecins et avec des urgences à proximité. C’est un confort de travail pour le médecin généraliste. Autrefois, on quittait parfois les consultations d’urgence pour aller voir quelqu’un qui n’allait pas bien du tout ! J’ai connu une époque, il y a plus de 15 ans, où les gens venaient au bureau pour des points de suture ou des blessures. On ne voit plus cela aujourd’hui, cela désengorge nos concertations. Les gens ont aujourd’hui le réflexe d’urgence. D’un point de vue personnel, la proximité de la métropole cherbourgeoise est également un avantage. Côté vie privée, il y a de quoi s’épanouir. Cette proximité avec la ville est le côté agréable.
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