L’année 2024 restera gravée dans l’histoire du sport marocain, non seulement pour ses moments de gloire exceptionnels, mais aussi pour les profondes déceptions qui ont terni certains secteurs clés. Le tournoi olympique de Paris a fait une immense fierté au Maroc grâce à l’équipe masculine de football, qui a remporté une médaille de bronze historique. Ce succès ne se limite pas à une récompense sportive, il symbolise une revanche sur des années de disette olympique dans les sports collectifs.
L’équipe nationale, dirigée par une génération talentueuse et résiliente, a su vaincre des adversaires coriaces et des contextes parfois défavorables. Cette médaille de bronze, première récompense collective de l’histoire olympique marocaine, constitue un tournant majeur qui ouvre la voie à de nouvelles ambitions du football national sur la scène mondiale.
Dans le même temps, Soufiane El Bakkali confirme son statut de légende vivante de l’athlétisme marocain. Avec une médaille d’or magistralement décrochée au 3000 mètres steeple, Bakkali est définitivement entré au Panthéon du sport marocain, rejoignant les figures légendaires de Hicham El Guerrouj, Said Aouita, Nawal El Moutawakil, Brahim Boutayeb et Khalid Skah. Cette performance exceptionnelle démontre non seulement son talent individuel, mais aussi la résilience et la rigueur qui caractérisent les champions marocains de longue date. Bakkali est désormais une référence, un modèle pour les jeunes générations aspirant à briller sous les couleurs nationales.
Mais au-delà de ces succès retentissants, l’année olympique a également révélé de profondes failles dans la gestion de certaines délégations sportives marocaines, notamment dans des disciplines phares comme la boxe, l’athlétisme et d’autres sports individuels. Les scandales liés à la mauvaise gestion, aux conflits internes et aux luttes de pouvoir ont laissé de profondes cicatrices. Des entraîneurs médiocres, des athlètes mal préparés et des fédérations minées par les jeux d’influence ont contribué à dresser un tableau décevant. Cette débâcle organisationnelle est un signal d’alarme pour les instances dirigeantes du sport marocain, qui doivent impérativement procéder à des réformes structurelles et rétablir une gouvernance transparente et efficace.
A l’opposé de ces échecs, les Jeux Paralympiques ont constitué une bouffée d’air frais pour le sport marocain. Les athlètes paralympiques marocains ont brillé par leur détermination, leur talent et leur courage face à l’adversité. 15 médailles ont été remportées, et certaines performances ont même marqué les esprits au niveau international. Les Jeux Paralympiques du Maroc ont montré que malgré le manque parfois flagrant de ressources, la volonté et l’engagement peuvent déplacer des montagnes. Ces athlètes méritent une reconnaissance nationale à la hauteur de leurs réalisations et un soutien continu pour se préparer aux événements internationaux à venir.
Sur le plan footballistique, l’année 2024 a aussi été celle d’une transition réfléchie menée par Walid Regragui. Après l’épopée historique de la Coupe du Monde 2022, le sélectionneur national a entrepris un renouvellement de son effectif avec des choix forts. A un an d’une Coupe d’Afrique des Nations organisée à domicile en décembre 2025, l’équipe nationale masculine affiche un visage rajeuni, ambitieux et déterminé à reconquérir le titre continental. La route est encore longue, mais les signes sont encourageants, et le pays tout entier reste derrière ses Lions de l’Atlas.
Quant au football féminin, la situation est plus amère. L’échec de la qualification pour les Jeux Olympiques a été une immense déception après les progrès notables réalisés ces dernières années. Pour autant, tout n’est pas perdu. Avec la CAN féminine prévue au Maroc en 2025, l’équipe nationale a une occasion en or de se racheter. La préparation doit être impeccable, les erreurs passées doivent servir de leçons, et un soutien structurel doit être mis en place pour permettre aux Lionnes de l’Atlas de rivaliser avec les meilleures équipes du continent et de remporter ce titre continental historique.
La Botola Pro, de son côté, a connu une saison frustrante. Les projets de rénovation et de construction du stade, bien que nécessaires pour moderniser les infrastructures sportives du pays, ont privé les supporters de l’ambiance électrique qui fait la renommée du championnat marocain. Malgré cela, quelques lueurs d’espoir ont émergé. Le retour du Raja Casablanca et des FAR Rabat à un niveau compétitif a rappelé que ces deux clubs historiques restent des piliers du football national. Toutefois, la passion pour le football marocain ne s’exprimera pleinement qu’une fois les nouveaux stades livrés et les enceintes prêtes à accueillir les foules.
Sur le plan diplomatique, le Maroc a utilisé avec brio le sport comme levier stratégique pour renforcer son influence internationale. Grâce à la vision éclairée du Roi Mohammed VI, le pays a obtenu l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et a été choisi pour co-organiser la Coupe du Monde 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal. Ces deux événements majeurs placeront le Maroc au centre du monde sportif et offriront des opportunités économiques et sociales considérables. Par ailleurs, l’installation d’un bureau de la FIFA à Rabat et le choix de Marrakech pour abriter le siège de la Confédération africaine de football (CAF) démontrent la place centrale qu’occupe désormais le Maroc dans la gouvernance du football mondial. et continentale.
Ces succès diplomatiques ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont le résultat d’une stratégie réfléchie, d’investissements massifs dans les infrastructures et d’une forte volonté politique de positionner le sport comme moteur du développement national et de l’influence internationale. Cette vision doit désormais s’accompagner d’une gouvernance sportive exemplaire pour éviter les déceptions observées lors des derniers Jeux Olympiques.
En conclusion, l’année 2024 a été le miroir des paradoxes du sport marocain : des sommets glorieux, des échecs cuisants, mais aussi des perspectives prometteuses. Les succès de l’équipe olympique de football et de Soufiane El Bakkali resteront dans les mémoires comme des moments historiques. Les performances des athlètes paralympiques ont inspiré toute une nation, tandis que les défis structurels et organisationnels nous rappellent que le chemin vers l’excellence est encore long. Pourtant, avec une CAN masculine en décembre 2025 et une CAN féminine durant l’été en plus d’une Coupe du Monde U17 féminine, une CAN U17 masculine couplée à la perspective d’une Coupe du Monde en 2030, le Maroc a toutes les cartes pour continuer à écrire son l’histoire du sport avec ambition et fierté.
Par ailleurs, en 2024, le football marocain a perdu trois de ses figures emblématiques : Abdelaziz Barrada, Abdelkader Lecheheb et Hassan Akesbi. Trois générations, trois parcours uniques, mais un engagement sans faille pour porter haut les couleurs du Maroc.
Ces trois hommes portaient les valeurs du football marocain : l’excellence, la persévérance et le respect. Leur décès laisse un vide mais leur héritage continuera à nous inspirer. Le Maroc n’oublie pas ses enfants et le Musée marocain du football, inauguré le 21 mars 2024 à Maâmora, protège désormais ce patrimoine et ce devoir de mémoire.
*Secrétaire général et chercheur associé au NejMaroc (Centre Marocain de Recherche sur la Mondialisation)