Jean-Baptiste Bladier, le procureur de la République de Meaux, s’est dit “furieux” de voir de précieuses heures ainsi gaspillées, “au détriment des justiciables”. L’absence du défenseur de l’ex-conjointe de la députée Ersilia Soudais a contraint le tribunal à reporter le procès de l’accusé pour harcèlement moral. On apprend par ailleurs que cet homme, d’abord accusé de viol, poursuit l’élu pour dénonciation calomnieuse.
« Nous prévoyons une audience d’une demi-journée et l’avocat n’est pas là ! » Le ton acide du procureur donne la mesure de son irritation. “Nous lui avons écrit il y a quatre mois pour nous assurer qu’il sera libre, et il ne vient pas sous prétexte qu’il plaide devant la cour d’assises”, ajoute Jean-Baptiste Bladier, qui invoque “le code de déontologie de la cour d’assises”. profession : l’avocat ne prend pas en charge un dossier s’il ne peut pas le traiter. Les procès devant le tribunal correctionnel sont généralement programmés sur une longue période. L’avocat parisien visé, Me Yassine Bouzrou, devait savoir depuis longtemps qu’il serait indisponible ce jeudi 19 décembre. Il a toutefois prévenu les magistrats au dernier moment alors que leur - était limité, les empêchant d’ajouter d’autres dossiers à la liste.
Mais l’accusé étant présent, le chef du parquet s’oppose au report des débats. Damien, ex-ami de la parlementaire Ersilia Soudais (La France insoumise) pâlit à la barre. Veste grise, veste noire sur chemise blanche, cravate bleue assortie au jean, l’édile municipal LFI de 36 ans répond du harcèlement moral et dégradation des conditions de vie de l’élu du même âge. La prévention s’étend du 1est D’août 2021 au 3 mars 2024, elle signale des appels téléphoniques et des SMS malveillants, « faisant face à sa jalousie, une pression constante », nous raconte Me Camille Guillard, qui remplace sa collègue Jade Dousselin. Ersilia Soudais n’est pas là : « Elle est particulièrement touchée, il lui a été déconseillé de se présenter en raison du probable licenciement. »
Convocation pour dénonciation calomnieuse après une plainte pour viol
Pour l’instant, ce n’est pas acquis. D’une voix atone, qui contraste avec sa carrure imposante, Damien dit espérer « ne pas être jugé sans Me Bouzrou ». Me Guillard est favorable à un report « même si nous étions prêts ». Elle n’aime pas la situation, d’un plus fort “l’assignation de dénonciation calomnieuse” que son collègue avait délivrée contre Mme Soudais “à Paris”, a-t-elle révélé aux magistrats. J’espère que ce n’est pas une tactique dilatoire.
La procédure engagée par Damien C. vise la première accusation de l’élu. Le 5 mars, son compagnon a été interpellé et placé en garde à vue suite à la plainte pour viol déposée par Ersilia Soudais. Selon elle, le crime s’est produit dans la nuit du 29 au 1er février.est Marche au domicile du couple, déjà en conflit, à Villeparisis (Seine-et-Marne).
Le procureur de Meaux avait confié l’enquête à la PJ de Melun. Le jour de son arrestation, l’affaire a eu un retentissement national, conduisant à la publication du nom de Damien, qui a toujours contesté les faits. Celles-ci n’ayant finalement pas été démontrées, Jean-Baptiste Bladier a classé la plainte sans suite. Il a cependant retenu le délit de harcèlement moral qui, quant à lui, semble caractérisé en raison des écrits et des témoignages. L’expert a relevé le « contrôle » de Damien sur la parlementaire et l’« état de stress aigu » qu’elle a développé.
Mais elle va désormais devoir répondre de dénonciation calomnieuse puisque l’accusation de viol contre la militante LFI a eu des conséquences sur sa vie.
« On perd six heures, je suis désillusionné ! »
Ce 19 décembre, le chef du parquet a confirmé son opposition au report des débats : « Nous n’avons aucune certitude que cet avocat [Yassine Bouzrou] sera là la prochaine fois en raison de sa surface médiatique. » La respiration de Damien est courte.
La présidente Mélanie Leduc annonce que deux autres dossiers d’audience font également l’objet de demandes de renvoi. “On perd six heures, je suis désillusionné !” », déplore M. Bladier. Toutefois, compte tenu de l’état de santé de Me Florence Deschamps, grippée, masquée, sans voix, elle convient que le cas de Laura, soupçonnée de violences sur son fils de 8 ans, ne puisse être examiné. Il estime en revanche que Kenzo, qui a refusé son extraction du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, doit être jugé, même si son conseil a également échoué. « Il ne s’est pas présenté depuis le 3 novembre », constate le président. Le fichier est appelé pour la troisième fois.
Les juges se retirent pour délibérer. Sans surprise, Damien bénéficie d’un délai jusqu’au 21 mai. « Dites à votre avocat que nous nous rendons disponibles si nous décidons de soutenir quelqu’un », invite Mélanie Leduc. Il hoche la tête, merci. Me Deschamps est renvoyée au lit, elle plaidera pour Laura en février.
Mais pas de répit pour Kenzo, 30 ans dont 15 se sont consacrés à la délinquance. En multipliant les cambriolages et les violences, il est éligible à la libération en 2033. Ses vols de bijoux, de voitures, de cartes bancaires et d’ordinateurs sont répertoriés ; son casier judiciaire « long comme un jour sans pain » (le procureur) est disséqué. L’après-midi n’est pas complètement perdu. L’une des victimes renonce à se constituer partie civile car, écrit-elle, « la justice est pourrie, elle libère les criminels ».
« Ce fastidieux dossier ayant été parfaitement résumé par le président », ne détaille pas Jean-Baptiste Bladier. Il requiert deux acquittements et une peine de trois ans de prison pour les quatre autres infractions.
Le tribunal suit les réquisitions.
L’audience est levée à 16h30. Du jamais vu dans la maison d’arrêt de Meaux.