Face à une situation « quasiment ingérable », les avocats de la défense du Québec pressent le gouvernement de lancer une commission d’enquête pour faire la lumière sur les conditions de détention à la prison d’Orsainville, qu’ils qualifient d’« insupportables et inhumaines ».
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Me Adèle Juster et Me Didier Samson a envoyé jeudi une lettre à Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice et à François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique.
«Au nom des personnes incarcérées et de la dignité humaine», les deux avocats de la défense bien connus dans les couloirs du palais de justice de Québec demandent au gouvernement de lancer une commission d’enquête sur le centre de détention de Québec.
L’objectif des avocats est de « corriger la situation carcérale le plus rapidement possible, avant que d’autres situations malheureuses ne surviennent ». Rappelons que plusieurs événements au cours desquels des détenus et des agents correctionnels ont été grièvement blessés ont fait les manchettes ces dernières semaines.
Le manque flagrant de personnel est particulièrement pointé du doigt pour expliquer les problèmes qui se sont exacerbés depuis la pandémie.
Point de fracture
Dans leur lettre, dont le Journal a obtenu copie, MM. Juster et Samson déplorent les conditions de détention auxquelles sont soumis les détenus depuis un an.
“Les multiples événements survenus récemment en détention sont un signal d’alarme indiquant que nous avons atteint ce que nous qualifions de point de rupture dans le système tel qu’il fonctionne actuellement”, écrivent les deux avocats.
Ces derniers décrivent plusieurs situations « préoccupantes » à l’intérieur des murs de la prison d’Orsainville. Ils citent notamment des périodes de plus de 24 heures en cellule sans libération, pouvant même s’étendre jusqu’à 72 heures dans certains cas. Les avocats soulignent que ces périodes de confinement se déroulent souvent « à deux détenus, dans une cellule plus petite qu’une salle de bain ».
De longues périodes sans douche ni communication ainsi que des difficultés pour les détenus à contacter leurs avocats sont également observées.
« Garder des personnes enfermées aussi longtemps, en plus d’être inhumain, ne peut qu’accroître leur incompréhension et la tension au sein du centre de détention », soulignent les deux signataires.
Cette libération intervient peu après des actions concertées des agents correctionnels pour une plus grande sécurité à l’intérieur des murs.
Après la violente agression d’un de leurs collègues de l’établissement de Sorel au début du mois, des gardiens de toute la province ont refusé d’ouvrir les cellules pendant un après-midi entier, ce qui a notamment paralysé les activités dans les palais de justice.
Intervention demandée
Les deux avocats demandent donc aux ministres concernés d’intervenir.
Car selon eux, lorsque les agents correctionnels proposent eux-mêmes aux détenus de porter plainte concernant leurs conditions de détention « inhumaines », c’est que tout le monde est à bout de souffle.
“Nos clients sont des êtres humains”, insistent MM. Juster et Samson, soulignant au passage que cette situation est, selon eux, “contraire à la loi”.
«La situation au centre de détention de Québec en ce qui concerne les droits des personnes détenues viole plusieurs garanties constitutionnelles de ces dernières», affirment les juristes.
Les détenus seraient également privés d’une pleine défense par la situation actuelle selon plusieurs avocats, qui déplorent de ne pas pouvoir rencontrer leurs clients afin de préparer leur dossier.
Le Journal a également pu constater qu’il n’est plus rare que les avocats de la défense soient amenés à reporter des dossiers en raison de difficultés d’accès à leurs clients détenus ou de messages qui ne sont pas parvenus à destination.
« Toute cette situation conduit à une attente de tous les acteurs judiciaires, y compris la justice », dénoncent Adèle Juster et Didier Samson.
Dans la soirée, le cabinet du ministre de la Justice a expliqué que le dossier relevait de la responsabilité de son collègue de la Sécurité publique. Le cabinet de François Bonnardel a répondu qu’il lirait la lettre des deux avocats et “jugerait des suites à donner”.
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