l’Etat belge condamné dans le viol et le meurtre de Julie Van Espen

l’Etat belge condamné dans le viol et le meurtre de Julie Van Espen
l’Etat belge condamné dans le viol et le meurtre de Julie Van Espen

Pas d’arrestation immédiate

Si l’affaire a tant fait parler d’elle et suscité tant d’émotion par les atrocités commises contre Julie Van Espen, le fait que tout cela aurait pu être évité n’a certainement pas arrangé les choses. Car c’est là que commence le procès intenté contre l’État belge : Steve Bakelmans, l’homme qui a violé et tué Julie Van Espen le 4 mai 2019, aurait dû être en prison.

Car le quadragénaire avait déjà été condamné par le tribunal correctionnel d’Anvers. Accusé d’avoir violé son ex-compagne, Bakelmans a été condamné en 2017 à quatre ans de prison. Mais la défense décide de faire appel de cette décision. Et comme le rappelle Émilie Coomans, avocate au barreau de Bruxelles, sur justice-en-ligne.be, «Aucune arrestation immédiate n’ayant été effectuée au moment de sa condamnation, il est resté libre en attendant son procès devant la Cour d’appel.

Un risque de récidive, pas une raison

Quant à la question de savoir pourquoi Steve Bakelmans n’a pas été concerné par une arrestation immédiate, il faut encore une fois se tourner vers la loi. Celui-ci précise qu’une telle arrestation ne peut avoir lieu que “s’il existe un risque que le condamné tente de se soustraire à l’exécution de sa peine», explique Émilie Coomans. Pour faire simple : si le condamné n’a pas de résidence en Belgique ou s’il ne s’est pas présenté en première instance, par exemple.

Le risque de récidive – qui aurait pu être retenu contre Bakelmans car il avait déjà été reconnu coupable de viol en 2004. Il avait alors purgé une peine de quatre ans et demi de prison – n’est pas un motif qui pourrait conduire à une arrestation immédiate. Ce qui explique pourquoi l’agresseur était en liberté. Au moins en partie.

Appel rejeté

Car s’il n’a pas pu être immédiatement placé en détention, c’est la durée du jugement en appel qui a conduit au drame. Non considérée comme prioritaire par la Cour d’appel, l’affaire du viol condamné en 2017 a été reportée une première fois en mai 2018. Deux mois plus tard, en juillet, le manque de personnel dans la chambre devant laquelle Bakelmans devait comparaître a provoqué une suspension de son fonctionnement. Ainsi, le 4 mai 2019, l’homme était en liberté à Merksem.

Julie Van Espen, qui passait par là à vélo, a ensuite été agressée par Bakelmans. Il la pousse d’abord hors de son vélo, avant de lui donner plusieurs coups de poing au visage et de l’entraîner sous le pont où il dormait. S’ensuivent le viol et l’étranglement de la jeune fille de 23 ans. Fin 2021, Bakelmans a été reconnu coupable et condamné par la cour d’assises d’Anvers à la réclusion à perpétuité, avec une période de sûreté de 20 ans.


“Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que cela ne serait pas arrivé.”

Voir l’État belge condamné, ou du moins poursuivi, pour que sa responsabilité soit reconnue, ressemble à un événement extraordinaire. Or, selon Bernard Dubuisson, professeur de droit à l’UClouvain, «C’est un cas qui n’est pas si rare. Je pense notamment au massacre de la place Saint-Lambert», où les familles ont porté plainte, sans succès, contre l’Etat belge car le coupable était en liberté conditionnelle.

Dans le cas de Julie Van Espen, la responsabilité est clairement avérée. Pour Mona Giacometti, professeur de procédure pénale à l’ULB et avocate au barreau de Bruxelles, cela doit être un déclencheur pour l’Etat belge. “Le pouvoir exécutif doit donner les moyens au pouvoir judiciaire de fonctionner correctement», estime-t-elle. “Cette affaire, comme toutes les autres dans lesquelles il y a eu des condamnations de l’Etat belge pour des défaillances de sa justice, devrait susciter des réactions de la part du chef de l’Etat.

“Pas d’échec global”

Que ce soit en termes de manque de personnel, de places en prison ou encore d’exécution des peines, la Belgique n’est pas exempte de critiques. Il faut libérer des ressources. Même s’il n’est pas certain que cela aurait pu éviter le drame. “Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que cela ne serait pas arrivé.», confirme Mona Giacometti. “Même si le tribunal d’Anvers avait ordonné son arrestation immédiate, il existe encore des possibilités d’évasion. L’avocat de l’auteur des faits peut toujours déposer une demande de libération.

Le discours est similaire du côté de Bernard Dubuisson. “C’est une perte de chance», explique-t-il. “C’est-à-dire qu’il n’est pas sûr à 100 % que la tragédie aurait pu être évitée, mais c’est la perte d’une chance de pouvoir éviter le mal.

Quant au fait que l’État belge ne fasse pas appel de la décision, Mona Giacometti y voit «la reconnaissance de l’État de sa responsabilité dans l’échec en la matière. Mais il ne reconnaît aucun échec global, affirmant que le système judiciaire ne fonctionne pas bien.», nuance-t-elle.


Pas de recours de l’Etat belge, la famille clôt la procédure

Suite à la condamnation de l’Etat belge, le ministre de la Justice chargé des Affaires courantes, Paul Van Tigchelt (Open VLD), a affirmé que la Belgique ne ferait pas appel. La décision du tribunal de première instance confirmant la responsabilité de l’État dans l’affaire Julie Van Espen ne sera donc pas contestée.

Le ministre libéral s’est exprimé et a reconnu qu’il y avait «souffrance indicible et irréparable causée à Julie Van Espen et à sa famille, et la justice en est responsable», rapporte Belga. Selon le ministre de la Justice, le tribunal a confirmé ce qui était clair depuis longtemps : «que des erreurs ont été commises. Si ces erreurs n’avaient pas été commises, cette tragédie aurait sans doute pu être évitée.« .

Un euro symbolique

Paul Van Tigchelt a également évoqué les mesures importantes qui ont été prises depuis le décès de Julie Van Espen dans la lutte contre les violences sexuelles. Parmi ceux-ci, le nouveau Code pénal sexuel est entré en vigueur le 1er juin 2022. Il a notamment inscrit la notion de consentement au cœur de cette nouvelle législation. Il prévoit également des sanctions plus sévères pour les contrevenants. Le ministre de l’Actuelle a également souligné que l’arriéré à la Cour d’appel d’Anvers – où le procès en appel de l’agresseur s’était éternisé – avait été résorbé.

L’État belge doit désormais verser un euro, provisoirement, à la famille. Elle pourrait néanmoins entamer une nouvelle procédure si elle souhaite obtenir une véritable compensation, supérieure à cet euro symbolique. Mais la famille Van Espen n’a pas tardé à annoncer, après le verdict du tribunal, qu’elle n’irait pas plus loin. “Cette question a toujours été pour nous une question de principe», raconte le père de Julie, Erik.

L’objectif a «Je n’ai jamais été chercher une indemnisation» a-t-il poursuivi. « C’est un résultat important pour nous, mais aussi pour d’autres personnes à l’avenir. Cela montre que si vous avez des arguments solides, vous pouvez vous opposer à l’injustice. Comme les citoyens ordinaires, le gouvernement devrait pouvoir se regarder dans le miroir et admettre ses erreurs. Aujourd’hui, voilà ce qui s’est passé : enfin, enfin, enfin. Lâcha-t-il, soulagé.

 
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