Malgré une polarisation croissante, le Parlement suisse a réussi à se mettre d’accord sur un budget. Il parvient toujours à trouver des compromis, mais au Palais fédéral, la devise «La Suisse d’abord» prévaut désormais.
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19 décembre 2024 – 16h51
La décision prise lors de la séance qui devrait le plus ravir les Suisses de l’étranger concerne l’identité électronique. Celui-ci sera introduit en 2026. Les deux chambres du Parlement l’ont adopté. Pour la diaspora, l’e-ID devrait faciliter les relations avec les autorités et éventuellement aussi avec les banques.
Le Conseil des Etats a également pris une décision importante concernant l’e-collecte, c’est-à-dire la collecte numérique de signatures pour les initiatives populaires et les référendums.
La collecte électronique est devenue une priorité après le déclenchement de l’affaire des fausses signatures en septembre dernier. Des sociétés commerciales sont soupçonnées d’avoir falsifié des initiales à grande échelle, lors de collectes réalisées pour des référendums ou des initiatives. Le Conseil des Etats (Chambre haute) espère que la collecte électronique fournira un processus de collecte et de vérification fiable.
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Plus de participation pour les Suisses de l’étranger
Pour les Suisses de l’étranger, la collecte de signatures électroniques permettrait également de participer au processus d’élaboration d’initiatives et de référendums.
La députée du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter a récemment souligné que cette possibilité de participation était jusqu’à présent limitée pour la diaspora. Le Conseil national (Chambre basse) n’a cependant pas encore pris de décision.
Les observateurs supposent que l’introduction de la collecte électronique rendrait la collecte de signatures plus rapide et plus facile. Cela pourrait conduire à une multiplication, voire à un afflux d’initiatives populaires.
L’analyste politique Mark Balsiger a déclaré à SRFLien externe à ce sujet : « Les initiatives populaires pourraient ainsi devenir encore plus populaires ». Ces réflexions seront prises en compte dans la suite des débats.
La bataille sur le budget
Dès le début, la discussion sur le budget s’est avérée difficile : presque tout le monde voulait plus d’argent pour l’armée, mais seulement en principe. Dans le détail, beaucoup de choses restaient controversées.
Une chose est claire pour tout le monde : la Suisse doit épargner ailleurs pour couvrir les dépenses supplémentaires. Mais où et comment ? Il y a autant d’opinions que de sièges sous le Dôme fédéral.
La situation est d’autant plus difficile que les deux chambres ne sont pas sur la même longueur d’onde concernant les propositions d’économies. Au début de la séance, certains commentateurs envisageaient même la possibilité que le Parlement ne parvienne pas à trouver un terrain d’entente et que la Suisse doive commencer l’année sans budget.
Les débats à ce sujet ont donc été plus compliqués qu’il n’y paraissait, même si la Suisse s’en sort relativement bien, du moins sans dettes héritées du passé grâce au frein strict à l’endettement.
En Allemagne, le gouvernement s’est effondré à cause du budget. En France, le budget 2025 n’a toujours pas été accepté par l’Assemblée nationale. Et aux États-Unis, le service de la dette engloutit la totalité du budget de l’État suisse.
L’heure de gloire du travail parlementaire
D’un point de vue technique, l’adoption du budget de l’Etat en Suisse est une partie de ping-pong entre les deux Chambres jusqu’à ce qu’elles parviennent à un accord.
Le premier débat a eu lieu au Conseil national. C’était bruyant, virulent, les camps s’opposaient irrémédiablement et se lançaient parfois des piques.
Ce fut ensuite le tour du Conseil des Etats. La manière dont il a abordé le débat peut être décrite comme l’heure de gloire de la session. La Chambre haute a fourni un parfait exemple de la bonne vieille politique du compromis, sans spectacle, qui se concentre sur le contenu.
Sa commission des finances a d’abord examiné les propositions du Conseil national. Elle s’est ensuite adressée au Conseil des Etats avec une proposition de réduction unique et finement équilibrée. Compte tenu de la situation initiale, cela constitue un véritable tour de force.
« Tout ne va pas, mais suffisamment de choses vont »
Le sénateur glaris Matthias Zopfi a présenté l’idée de la commission. À ce moment-là, on entendait les mouches voler, tellement la pièce était concentrée.
« C’est peut-être le sujet le plus important de la séance. Et oui, nous avons une responsabilité. Premièrement, nous avons besoin d’un budget. Deuxièmement, nous devons aborder l’équipement de notre armée avec équité, réalisme et circonspection. Jusqu’à présent, j’ai l’impression que le Parlement dresse un tableau plutôt triste. C’est à vous de décider si vous souhaitez continuer ou si nous allons maintenant passer lentement en mode solution.
Le comité des finances vous propose une solution globale au problème. Intégral signifie : tout ne me convient pas, mais suffisamment de choses me conviennent pour que cela ait du sens. Je sais que la tentation est grande de voter maintenant dans chaque domaine pour ce qui nous convient le mieux personnellement. Pour moi aussi, cette tentation est grande, mais je vous le dis : résistez !
A cette époque, l’élu écologiste du canton de Glaris, âgé de 40 ans, remettait sur les rails un débat budgétaire qui avait dégénéré et était devenu très polarisé.
Le conseiller d’Etat Mathias Zopfi s’entretient avec des représentants du PS.
Keystone / Anthony Anex
Armée : que faire de tout cet argent ?
En effet, le Conseil des Etats a alors rejeté toutes les propositions individuelles existantes et voté en bloc le concept de sa commission.
Il donne ainsi un signal fort que le Conseil national ne peut pas non plus ignorer. À partir de là, les divergences qui subsistaient entre les deux Chambres sont devenues surmontables.
Finalement, le Conseil national, dominé par la droite, a largement gagné. L’armée reçoit 530 millions de francs supplémentaires. Malgré le fait que même les députés bourgeois se demandaient comment autant d’argent pouvait être dépensé judicieusement en une seule année.
En revanche, l’aide au développement est réduite d’environ 100 millions de francs, tandis que l’agriculture est épargnée par les économies.
Les limites de la solidarité
Les réductions de la coopération au développement ont fait l’objet de discussions particulièrement animées.
Le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a tenté en vain de s’y opposer avec des mots forts : « Face au cercle de feu aux portes de notre continent et aux nombreux pyromanes, nous avons besoin à la fois des pompiers et des pompiers, et nous ne devons pas opposer les deux les uns aux autres.
Par pompiers, Ignazio Cassis entendait l’aide humanitaire, et par protection contre les incendies, l’aide au développement.
En fin de compte, le budget du Parlement suisse envoie un message simple au reste du monde : la solidarité de la Suisse a des limites.
En effet, le Parlement a également décidé de restreindre le statut de protection S pour les personnes venant d’Ukraine. À l’avenir, seules les personnes originaires des zones de guerre en Ukraine obtiendront ce statut.
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis s’entretient avec son collègue libéral-radical Damian Müller.
Keystone / Anthony Anex
Le pacte migratoire de l’ONU sans la Suisse
Les deux Chambres ont également enterré le pacte des Nations Unies sur la migration. Celui-ci définit des mesures visant à réguler la migration transfrontalière. La Suisse a néanmoins participé à son développement.
C’est aussi en vain qu’Ignazio Cassis a qualifié cet instrument d’utile pour gérer les flux migratoires. La majorité bourgeoise craignait qu’un oui au pacte n’entraîne des pressions sur la Suisse.
Parmi les autres décisions de la session d’hiver qui ont trouvé un large écho figurent les mesures de soutien à l’industrie sidérurgique suisse en crise, la criminalisation du harcèlement et la suppression de la Patrouille suisse sous sa forme actuelle.
Finalement, le Parlement a décidé d’interdire l’organisation terroriste Hamas. Il devrait en être de même pour le mouvement chiite Hezbollah, si le Conseil des Etats valide la décision du Conseil national.
Texte relu et vérifié par Marc Leutenegger et Samuel Jaberg, traduit de l’allemand par Katy Romy