Le prochain gouvernement va-t-il réduire les aides publiques à la production de biométhane, au grand désarroi de l’industrie gazière ? Et pour cause, ce dernier a défendu bec et ongles la revalorisation des tarifs de rachat dont bénéficient les producteurs de ce gaz « vert ». C’est au moins une des pistes que recommande vivement la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans un rapport publié mercredi.
Méthaniseurs : l’État prêt à renforcer les contrôles pour faire cesser les abus
Les méthaniseurs, ces grandes cuves cylindriques surmontées d’un dôme et qui poussent en pleine campagne, permettent de produire du biogaz grâce à la fermentation de déchets organiques et notamment de déchets agricoles. Traité et purifié, ce biogaz devient du biométhane et est ensuite injecté dans le réseau historique de gaz naturel, beaucoup plus émetteur de CO2.
La plupart des méthaniseurs affichent une rentabilité élevée
Pour accompagner sa croissance dans une logique de décarbonation, l’État a mis en place depuis plusieurs années un système garantissant à ses producteurs, principalement agriculteurs, un prix de rachat dans le cadre de contrats d’une durée de 15 ans. Pour la seule année 2024, le coût de ce soutien public par arrêté tarifaire devrait s’élever à environ un milliard d’euros. Une somme considérable dans un contexte de crise budgétaire.
Or, dans son nouveau rapport, relatif à un vaste audit des données techniques et économiques de quelque 700 digesteurs de méthane répartis sur le territoire, le régulateur de l’énergie pointe la forte rentabilité de la grande majorité de ces installations.
« Le niveau médian de rentabilité est élevé (13,9 %) et les trois quarts des établissements ont un taux de rentabilité interne (TRI) supérieur à 10 %, même si l’on constate une forte disparité entre les établissements. C’est un point qui nous alerte, car nous considérons qu’un TRI de 10% constitue déjà un niveau satisfaisant », explique Anne-Sophie Dessillons, directrice du développement des marchés et de la transition énergétique à la CRE.
A posteriori, une revalorisation jugée inutile
Pour mémoire, la filière a obtenu en juin 2023 une revalorisation du tarif de rachat du biométhane de 12% afin de préserver l’équilibre économique de ces sites de production, confrontés à une hausse de leurs coûts d’investissement liée à l’inflation et à une augmentation des coûts d’investissement. leurs coûts de fonctionnement en raison de la flambée du prix de l’électricité, nécessaire au fonctionnement des digesteurs de méthane. Cette revalorisation s’appliquait aux nouvelles installations, mais aussi aux digesteurs de méthane déjà en service.
« Coûts d’exploitation [de fonctionnement, ndlr] et investissements [d’investissements]a enregistré un bond en 2023, mais ils sont rapidement revenus à la normale. À partir de 2024, les coûts d’investissement ont retrouvé la tendance à la baisse d’avant la crise. Quant aux coûts d’exploitation, ils ont notamment été tirés par la hausse des prix de l’électricité, qui reviennent également à un niveau raisonnable, même s’ils restent à un niveau plus élevé qu’avant la crise »explique Anne-Sophie Dessillons. ” Avec le recul aujourd’hui et selon nos calculs, nous estimons que, pour la grande majorité des installations, la revalorisation des prix d’achat du biométhane n’était pas nécessaire. », conclut-elle.
Tarif de rachat réduit et subventions beaucoup plus ciblées
Forte de ce constat, la CRE recommande d’ajuster à la baisse l’encadrement tarifaire de soutien au secteur. et surtout pour les nouvelles installations. Quelle devrait être l’ampleur de cette réduction ? ” Nous ne pouvons pas nous prononcer pour le moment, il reste encore beaucoup de travail à faire pour définir ce que pourrait être un niveau équitable de tarif de rachat. Car, au-delà du TRI, il faut aussi prendre en compte les revenus supplémentaires perçus par les producteurs de biométhane, comme les garanties d’origine, mais aussi intégrer toutes les externalités positives de cette activité. », répond le directeur du développement des marchés, alors que la méthanisation est à la croisée des enjeux agricoles et de traitement des déchets.
La tâche est d’autant plus difficile que le secteur révèle une grande disparité. En effet, si pour une écrasante majorité des méthaniseurs, la rentabilité est très élevée, 25 % d’entre eux affichent en revanche un TRI inférieur à 10 %. « Certains affichent même des TRI négatifs »souligne Anne-Sophie Dessillons.
Dans un premier -, la CRE recommande donc de mieux cibler les aides à l’investissement dont bénéficient plus de 80 % des digesteurs de méthane, en complément du tarif de rachat. « Une part importante des installations obtient déjà, sans tenir compte des subventions, un TRI supérieur à 10 % »souligne le régulateur dans son rapport. « Une mesure efficace consisterait à cibler ces subventions sur le quart des installations qui affichent une rentabilité peu satisfaisante », estime Anne-Sophie Dessillons. Une autre piste évoquée dans le rapport consisterait même à supprimer ces subventions.
Abandon de la production de biométhane
Autant de mesures qui devraient faire grincer des dents les acteurs du secteur gazier. Lesquels misent beaucoup sur la production de biométhane pour devenir plus vert et s’imposer dans le mix énergétique de demain, aux côtés des électrons appelés à prendre une place bien plus importante qu’aujourd’hui à mesure que les immeubles et les immeubles s’électrifient. mobilité.
Alors que les nouvelles capacités d’injection de biométhane connectées au réseau connaissent un sérieux arrêt (après une croissance exponentielle jusqu’en 2021, un plateau en 2022), GRDF, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz, a assuré que le nouveau prix de rachat garanti par l’Etat , mis en place en 2023, a permis de relancer le secteur. Il fallait cependant de la patience. sachant qu’un projet de méthaniseur met en moyenne 3 à 4 ans pour voir le jour.
Production de biogaz : la trajectoire n’est pas bonne, prévient l’État
Un argument qui ne semble pas convaincre le Secrétariat général à l’aménagement écologique (SGPE). Dans une publication en juillet dernier, l’organisme rattaché à Matignon jugeait déjà l’objectif de 44 térawattheures de biométhane injectés dans le réseau d’ici 2030. « très ambitieux ». « Nous ne sommes pas sur la trajectoire attendue pour atteindre l’objectif 2030 »a relevé Frédérik Jobert, secrétaire général adjoint à l’aménagement écologique. Contactés par la rédaction, ni GRDF ni l’association professionnelle France Gaz n’ont souhaité réagir aux nouvelles recommandations du régulateur.