Perspective éco : les coulisses de la « valeur partagée »

Perspective éco : les coulisses de la « valeur partagée »
Perspective éco : les coulisses de la « valeur partagée »

Look écolo

L’autre facette de l’histoire de la « valeur partagée »

La chronique de Paul H. Dembinski, directeur de l’Observatoire de la Finance.

Chronique

Paul H. Dembinski, directeur de l’Observatoire de la Finance

Publié aujourd’hui à 8h09

Abonnez-vous maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.

BotTalk

Le principe de la responsabilité des grandes entreprises envers leurs fournisseurs, directs et indirects, est largement admis, surtout lorsque ces derniers sont de petite taille et économiquement fragiles. Ce problème a été résolu par l’initiative dite des multinationales responsables, qui a échoué de peu lors du vote populaire de 2020.

La chaîne de valeur, également appelée chaîne d’approvisionnement, est une manière schématique d’appréhender les relations entre les fournisseurs – directs et indirects – et l’entreprise, souvent d’envergure mondiale, qui assemble les différents éléments et composants pour fabriquer un produit. produit fini qu’elle transporte ensuite – seule ou à plusieurs – jusqu’au consommateur final.

C’est dans la chaîne de valeur que se construit la valeur ajoutée du produit final au fil des transactions. Ce dernier correspond au prix payé par le consommateur final. C’est donc au sein de la chaîne de valeur que sont définis les prix et les conditions d’achat des composants, c’est là que s’exprime le plus clairement le sens concret que les grandes entreprises donnent dans leur activité quotidienne. principe général de responsabilité envers les fournisseurs.

Au début des années 2010, la notion de « valeur partagée » a été mise en circulation pour souligner l’importance des « effets collatéraux » positifs que pouvait générer une gestion responsable de la chaîne de valeur pour les parties prenantes de l’entreprise. . La notion de valeur partagée a été développée par l’un des gourous du management, Michael Porter.

Elle fut très vite reprise par Nestlé, qui l’utilisa depuis comme marque, notamment pour titrer ses rapports sur le développement durable.

Le numéro de juin 2024 du magazine « Public Eye » consacrait deux articles au cas des producteurs de café mexicains qui, il y a une quinzaine d’années, avaient opté pour un programme de modernisation de leurs opérations mis à disposition par Nestlé. Grâce à ce programme de reconversion vers la culture du café Robusta (utilisé pour Nescafé), en lieu et place de l’Arabica traditionnel, les agriculteurs devaient bénéficier de plants à plus haut rendement, augmentant ainsi, voire doublant, leurs revenus. Cette reconversion a dû se faire sans soutien financier de Nestlé et sans aucune garantie ni sur les volumes ni sur les prix d’achat.

Après quelques bonnes années, l’économie s’est redressée. Malgré la bonne qualité des produits, les acheteurs – dont la majorité travaille pour Nestlé – font des grimaces, ce qui oblige les producteurs à brader leurs récoltes, à crier misère et à monter aux barricades tout en reprochant à Nestlé le manque d’éthique.

Selon les auteurs des articles, Nestlé a refusé de commenter ce cas précis, tout en vantant les vertus de la « valeur partagée » dans ses rapports annuels. La situation décrite par « Public Eye » pose la question des limites de la responsabilité envers les fournisseurs. Nestlé aurait-elle dû s’abstenir de prôner la reconversion des exploitations agricoles, sachant mieux que quiconque que les marchés sont par nature instables et que les risques pour les petits agriculteurs deviennent vite existentiels, donc vitaux ?

L’entreprise aurait-elle pu pécher en étant trop optimiste dans sa communication auprès d’une population qui aurait pris ses conseils pour des promesses ? Aurait-elle dû donner des garanties de revenus à moyen ou long terme ? Le risque financier était sans aucun doute possible, mais il aurait pu être considéré comme un dangereux précédent qui pourrait s’étendre à l’ensemble des chaînes d’approvisionnement de l’entreprise.

Conclusion : pour que la valeur soit réellement partagée dans la durée, il faut aussi partager les risques. Cet engagement est visiblement inacceptable pour la logique actionnariale qui règne à Vevey, malgré les chartes et principes.

Bulletin

« La Tribune des Opinions »

Avec la Tribune des Opinions, retrouvez analyses, éditoriaux, lettres de lecteurs, avis d’experts… Autant d’éléments pour vous faire votre propre opinion chaque lundi.

Autres bulletins d’information

Se connecter

Avez-vous trouvé une erreur ? Merci de nous le signaler.

0 commentaires

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV La DGSN numérise les démarches de demande de fiche anthropométrique
NEXT Louis-de-Gonzague – Uniaq Coopérative becomes owner of 31, rue du Pont