Mercredi, 8h45, au pied du grand bar Pontcarral. Ici, la situation est à peu près la même que dans la Grande Plaine. Nous sommes en effet confrontés à une immense copropriété délabrée où les propriétaires de taudis prospèrent grâce à la pauvreté et au manque de logements. La grande différence, c’est qu’au lieu d’avoir trois propriétaires comme à l’est de la ville, on en trouve ici une multitude, dont certains habitent sur place.
« La situation s’est dégradée petit à petit pendant des années mais aujourd’hui ce n’est plus possible », confie un ancien habitant, qui raconte le délabrement qui affecte aujourd’hui cette ville construite en 1962.
Pressé d’arriver à l’université, Yacine avoue que « Ce n’est pas génial d’écrire Pontcarral sur son CV. C’est tout ce que je peux dire « . Sa galère pour trouver un stage de 3e et la discrimination à l’embauche vécue par ses amis du quartier l’a convaincu de cette réalité. ” Il fait chaud, monsieur. C’est la réputation », confirme un camarade à côté de lui.
Au 3e Au sol, un homme avec une casquette vissée sur la tête et un foulard serré autour du cou, sirote un café adossé à la rambarde de la coursive. ” C’est bien mieux », lâche-t-il rapidement, pas du tout décidé à se laisser déranger. ” Mais je sors boire mon café. Je rentre chez moi et je ne parle à personne. » On n’en saura pas plus.
En bas de l’immeuble, Bernadette promène son chien et c’est beaucoup plus agréable. D’autant plus qu’elle a beaucoup de choses à dire. ” Tout le monde s’en fiche, chacun fait ce qu’il veutse lamente-t-elle. Et quand on appelle le syndic, rien ne change. Non, ce n’est vraiment pas un endroit où venir, pas du tout », assène-t-elle avant de raconter son assignation à résidence d’une voix où se mélangent colère et résignation.
« J’ai donc un propriétaire qui est, comme on dit, un véritable propriétaire de taudis. », raconte le retraité qui vit avec une pension à 3 chiffres dans un appartement de 70 m2 couvert d’humidité, en partie à cause du chauffage qui ne fonctionne plus. ” Je lui ai demandé de faire un travail concernant mon état de santé. Je suis diabétique, J’ai du mal à me déplacer et la moisissure me rend malade. Il répond que ce n’est pas de sa faute et que de toute façon, il n’a pas l’argent. », poursuit-elle. Il n’hésite cependant pas à venir chaque mois récupérer le loyer, qui s’élève tout de même à 700 euros. Quand on sait qu’à Pontcarral, des logements de ce type se vendent autour de 20 000 euros, l’investissement peut s’avérer ultra-rentable pour des propriétaires peu scrupuleux.
Grimpant comme un coucou, Bernadette, 77 ans, raconte aussi qu’il y a « 3-4 jours, il venait chez moi furieux et m’accompagnait pour m’impressionner. Vous réalisez ? je lui ai répondu : qu’est-ce qui ne va pas chez toi, tu n’as pas eu ton bol hier soir ? « . Il est venu exiger de son locataire le paiement de « une soi-disant dette impayée. Je suis allé lui chercher tous les reçus et je lui ai demandé s’il n’avait pas honte. Cela l’a calmé. Mais il a juste dit qu’il avait tort. Aucune excuse, rien ! « . Et quand Bernadette se fait plus insistante sur ses droits, il répond que « tu dois aller ailleurs. Le problème c’est que j’essaye, mais malheureusement je ne peux pas me permettre de partir », regrette-t-elle. Quant aux questions d’insécurité, elle reconnaît que cela s’est beaucoup calmé. ” Ils ont attrapé le grand gars », glisse la retraitée, qui assure n’avoir jamais eu de problème avec ces jeunes. “ Ils m’ont dit bonjour, m’ont proposé de m’emmener faire du shopping », sourit-elle. LE “ descentes de police musclées, avec des mitrailleuses, c’était effrayant ! », se souvient-elle.
Côté santé cependant, les problèmes ne concernent pas uniquement les logements mal entretenus par leur propriétaire. ” Nous avons des rats qui rôdent et un ascenseur qui peut être en panne pendant des mois », dénonce encore Bernadette.
Un espoir tout de même : « Nous avons un nouvel administrateur, se réjouit Gilles Pillard, l’un des copropriétaires occupant la résidence. Je touche du bois, j’espère que ça se passera bien », avance-t-il en pointant du doigt les nombreux autres copropriétaires » qui n’habitent pas à Pontcarral et qui ont tendance à s’en moquer un peu « . D’autant plus que les charges ne correspondent pas comme elles le devraient. ” Aujourd’hui nous sommes environ 400 000 euros tandis que on devrait presque être le double avec le 315 appartements », explique l’ancien président du conseil syndical.