Le Valais souhaite faire appel au secteur privé pour gérer une partie de ses prisons. Il entend ainsi répondre au manque de places dans les établissements pénitentiaires, notamment en termes de mesures thérapeutiques institutionnelles.
Le Département de la sécurité, des institutions et des sports (DSIS) a soumis en consultation un avant-projet de loi visant à mieux encadrer la délégation de mandats aux acteurs privés ou semi-privés du secteur pénitentiaire.
Il estime que la formulation actuelle de la loi est « insuffisamment claire et précise » sur l’externalisation et l’étendue des tâches liées à l’exécution des peines, même si celles-ci « peuvent porter gravement atteinte aux droits fondamentaux et humains des personnes détenues.
Le Valais souhaite toutefois privatiser certains services, notamment pour compenser le manque de places dans les institutions fermées pour personnes atteintes de troubles mentaux, un service en grave pénurie dans toute la Suisse romande.
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Ainsi, pour la DSIS, cet avant-projet « se présente comme nécessaire », notamment pour « une prise en charge adéquate des personnes condamnées à une mesure thérapeutique institutionnelle (MTI) en milieu fermé ».
Le Conseil d’État souhaite pouvoir déléguer entièrement le fonctionnement d’un centre dédié à des entités privées. A priori, le modèle juridique privilégié serait celui d’une fondation privée.
Usage légitime de la contrainte
Ce type d’externalisation reste cependant rare en Suisse. (lire l’encadré) et selon le canton du Valais, il n’existe actuellement aucun établissement pénitentiaire privé proposant du MTI en Suisse. Côté français, Neuchâtel vient également de lancer une réflexion sur la question.
Genève a fait un pas dans cette direction en 2015 en déléguant le transport des détenus à la société Securitas. Mais cinq ans plus tard, le Grand Conseil fait marche arrière.
« On considère que le transport des détenus est une tâche souveraine qui implique le recours à la force et qui doit pouvoir être encadrée. Ce sont aussi des tâches qui doivent être accomplies par des agents spécialisés, afin qu’ils aient la légitimité d’utiliser des moyens de contrainte si nécessaire», explique Léna Strasser, députée socialiste et membre de la commission du Grand Conseil de Genève chargée d’examiner les conditions de détention.
« C’est donc à l’État de le mettre en œuvre, et non à une entreprise privée », poursuit-elle.
Superviser la pratique
A l’inverse, pour le coprésident de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) Alain Ribaux, la proposition valaisanne va dans le bon sens. Mais le ministre neuchâtelois souligne qu’il s’agit avant tout de réguler les mandats extérieurs et non d’ouvrir la porte à une plus grande privatisation.
“Nous avons un article dans le Code pénal qui donne une autorisation générale pour faire réaliser un certain nombre de choses par le secteur privé”, souligne-t-il. «L’idée est d’inciter les cantons à fournir une base juridique formelle, afin de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Cela donne un cadre juridique et cela nous semble important, dans un domaine assez sensible, que les choses soient bien encadrées.»
En Valais, la consultation s’est terminée dimanche et sur cette base, il appartient désormais au Conseil d’Etat de proposer un projet de loi qui sera débattu au Grand Conseil. Et déjà, les avis divergent, certains y voyant une proposition pionnière, d’autres craignant qu’elle ouvre la boîte de Pandore.
Sujet radio : Diana-Alice Ramsauer
Texte Web : Pierrik Jordan