“En Belgique, le déclin de l’industrie automobile a été plus que compensé”, mais un problème majeur demeure

“En Belgique, le déclin de l’industrie automobile a été plus que compensé”, mais un problème majeur demeure
“En Belgique, le déclin de l’industrie automobile a été plus que compensé”, mais un problème majeur demeure

Le déclin de l’industrie automobile en Belgique a été largement compensé par d’autres secteurs, estiment deux économistes. Ils soulignent cependant que la production industrielle n’est pas un bon indicateur pour mesurer la santé économique d’un pays. Et préférons miser sur la valeur ajoutée. C’est précisément là que réside le problème.

Renault Vilvoorde (1997), Opel Anvers (2007), Ford Genk (2014) et désormais Audi Bruxelles (2025). L’industrie automobile belge semble sur le point de disparaître. Ce n’est cependant pas la première fois que de telles préoccupations surgissent dans l’histoire industrielle belge. En 1970, les inquiétudes concernant l’avenir de la production automobile étaient peut-être encore plus grandes que le pessimisme qui prévaut aujourd’hui.

Or, depuis 2000, la production industrielle en Belgique a augmenté de 80 %. « Ainsi, nous pouvons en déduire que perte de production dans l’industrie automobilequi a pratiquement disparu, a été plus que compensé par une augmentation de la production dans d’autres secteurs », analyse l’économiste Paul De Grauwe (London School of Economics). « Singulièrement, remarque-t-il, il s’avère que le domaine pharmaceutique a connu une explosion frappante dans sa production. En volume, nous parlons d’une augmentation de 1 000 % en un quart de siècle. »

Ainsi, l’économiste estime que le danger est que les perdants des vieilles industries tentent de convaincre les politiques qu’elles sont indispensables et qu’ils doivent donc être protégés et/ou subventionnés (par exemple par une baisse des prix de l’énergie). « C’est ce qui bat son plein aujourd’hui au nom d’une « nouvelle politique industrielle ». Ceux qui disent que l’on peut se passer de ces vieilles industries sont considérés comme des fous.»

Industrie vs services : un déséquilibre croissant

L’économiste rappelle deux façons de mesurer la production industrielle: en volume (c’est l’élément qui a augmenté de 80%), soit en valeur ajoutée. “En ce qui concerne cette deuxième option, on constate que la hausse est toujours là (15% depuis 2000), mais inférieure à celle de la production en volume.”

Alors, comment distinguer la valeur ajoutée de la production industrielle ? Il vaut la peine d’examiner « l’effet prix ». “Les prix des produits industriels ont tendance à baisser par rapport à ceux des services. Par exemple, le coût d’un téléphone portable a considérablement diminué par rapport à ce qu’il représentait pour un ménage il y a 20 ans. Alors que le coiffeur coûte beaucoup plus cher», constate Paul De Grauwe.

Les services obtiennent chaque année une part plus élevée du PIB aux dépens de l’industrie.

Cela signifie que le poids attribué à la production industrielle dans le PIB qui est une mesure de la valeur ajoutée a tendance à diminueret ce alors que nous produisons de plus en plus. “Autrement dit, les services obtiennent chaque année une part plus élevée du PIB aux dépens de l’industrie. L’impression selon laquelle le secteur industriel tend à diminuer en volume n’est pas exacte. “En revanche, la valeur ajoutée de la production a tendance à diminuer.”

Selon Paul De Grauwe, ce que l’on observe aujourd’hui dans l’industrie automobile est comparable à la perte subie par l’agriculture. «Au 19e siècle, la production agricole représentait environ 50 % de la valeur ajoutée totale. Aujourd’hui, il est d’environ 2 %. Produisons-nous moins de produits agricoles qu’au 19ee siècle? Non, au contraire, nous produisons massivement plus.»

Industrie : l’importance de la valeur ajoutée

L’économiste Geert Noels (Econopolis) partage cette analyse. « En Belgique, nous avons effectivement assisté à une forte croissance de la production industrielle depuis 2000. C’est une observation étonnante.puisque dans d’autres pays voisins, c’est presque plat. Cela ne veut pas dire que l’activité économique y était moindre. En fait, la mesure de la production industrielle est sujette à de fausses conclusions. »

Les économistes préfèrent mesurer la valeur ajoutée de l’industrie plutôt que sa production en volume.

Ici aussi, la distinction entre volume de production et valeur ajoutée est essentielle. Par exemple, une puce Nvidia qui coûte 35 000 $ par unité il ne faudra pas produire des millions pour obtenir une valeur ajoutée très élevée. A l’inverse, la production de cartons nécessitera une production massive pour aboutir à une faible valeur ajoutée. «C’est la raison pour laquelle les économistes préfèrent mesurer la valeur ajoutée de l’industrie et non la production industrielleexplique Geert Noels. Cette dernière ne fait pas de distinction et ne permet qu’une observation à court terme.

Depuis 2000, la croissance de la valeur ajoutée, de 15% en Belgique, est bien inférieure à la moyenne européenne de 37%. Or, le PIB belge a augmenté de 55% durant cette période. « Cela signifie que nous n’avons pas perdu toute activité industrielle, mais qu’elle est davantage une activité de niche. La masse critique a perdu ses plumes. La Suisse et la Suède, par exemple, ont connu une évolution bien plus favorable que la Belgique», constate Geert Noels.

La diversification en berne

Selon lui, la production industrielle n’est donc pas un bon indicateur de la santé économique d’un pays. « Cela ne veut pas dire que ce n’est plus important ; on le voit avec Tesla aux États-Unis ou avec BYD en Chine. Mais ces entreprises vont au-delà de la simple production. Ils intègrent le big data et l’IA dans l’écosystème automobile.

En Belgique, nous perdons des activités que nous ne devrions pas perdre pour la bonne performance de l’économie circulaire.

La fermeture d’Audi Bruxelles représente donc non seulement des pertes d’emplois, mais aussi la disparition d’une structure plus grande. “D’autant plus que l’usine fabriquait des voitures électriques haut de gamme.”

L’expert note enfin que L’industrie belge est de moins en moins diversifiée. « Nous perdons des activités que nous ne devrions pas perdre pour la bonne performance de l’économie circulaire. Les secteurs de la chimie, de la sidérurgie ou de l’informatiqueavides d’énergie, sont également sous pression. Pour garantir des soins de santé de bonne qualité et contrôler le coût d’une population vieillissante, une économie trop dépendante de l’emploi public n’est plus tenable.»

 
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