On continue de se perdre en conjectures sur les raisons qui ont présidé au choix de François Bayrou comme Premier ministre. Selon Roselyne Bachelot (pas de commentaire), la version chantage serait un montage, avec l’accord de Macron, pour donner du crédit à François Bayrou. Rien n’est moins sûr. En matière de crédit, en revanche, ce n’est pas tant de crédibilité politique que de solidité financière dont François Bayrou aurait besoin. Et on ne parle pas de la dette de la France, mais de celle de la ville de Pau, qu’il dirige depuis dix ans.
On sait qu’après sa nomination, et après sa performance désastreuse lors de la conférence de presse qui a suivi le passage de l’ouragan Chido à Mayotte, le Premier ministre s’est plongé dans une Faucon de la République à se rendre immédiatement… au conseil municipal de Pau. Une heure d’avion aux frais de l’État coûte cher, dans une situation comme la nôtre, où le trajet entre Paris et Pau dure quatre heures. Et puis, à quoi bon énerver les Français qui roulent au diesel quand on fait un petit voyage avec un gros avion qui pollue ? Passons à autre chose.
Au conseil municipal, un élu lui a fait remarquer – de manière assez acide et mal élevée, mais avec un certain bon sens – l’incongruité de sa présence. François Bayrou s’en sort avec une explication filandreuse : on lui aurait reproché de ne pas être resté connecté à la province s’il n’avait pas été présent. On objectera qu’Henri IV, son modèle, n’a jamais remis les pieds dans sa chère ville de Pau après son sacre, même s’il n’a jamais cessé de donner des directives pour l’aménagement de son château et qu’il s’est renseigné sur l’avancement des travaux. Nous imaginons que cet effort lui a coûté cher, mais faire passer les intérêts du pays avant les considérations personnelles, même au prix d’un chagrin nostalgique, est probablement ce que nous appelons l’art de gouverner.
Et voilà, on apprend que la dette de la ville de Pau a presque doublé depuis qu’il en a pris les rênes : de 60 à 110 millions d’euros, soit une dette de 1 440 euros par habitant. Ce n’est guère mieux pour la communauté de communes Pau Béarn Pyrénées, que préside également François Bayrou (on rappelle qu’il est pour le cumul des mandats…), dont la dette est passée de 124,4, en 2017, à 187,5 millions d’euros, en 2023. Bien sûr, comme pour le gras, il y a de bonnes et de mauvaises dettes : les collectivités s’endettent pour investir, pas pour payer les fonctionnaires, contrairement à l’État. Mais quand même…
L’avenir proche du tout nouveau Premier ministre devrait consister en priorité à assainir les finances publiques. Evidemment, la tâche est herculéenne et on ne lui en voudra pas de ne pas avoir tout résolu en un an – ou moins… Bayrou n’est pas Javier Milei : il utilise mieux une langue de bois qu’une tronçonneuse. Mais quand même. Confier le gouvernement du pays à un homme qui, à l’échelle d’une paisible ville de province, a doublé la dette publique en dix ans, est un peu ironique. On sait que rien n’étouffe Emmanuel Macron, ni la honte, ni les scandales, ni la contradiction ou l’absurdité. Il repartira toujours – estime-t-il – avec des éléments de langage dignes d’une « relation toxique ». Ce sera la faute des Français. Pour la forme, nous souhaitons néanmoins bonne chance à François Bayrou. Et on lui conseillera, malgré son goût pour l’aviation (on est quand même au pays des frères Wright), de monter dans un TGV la prochaine fois qu’il voudra rentrer dans son pays.
Imprimez, enregistrez cet article au format PDF