Le rachat d’Haviland par Bernardaud a été signé et officialisé vendredi dernier. Une transaction dont on ne connaîtra pas le montant, tout comme le chiffre d’affaires du fabricant de porcelaine de Limougeaud. En porcelaine, le secret est un luxe, mais Michel Bernardaud a néanmoins accepté d’expliquer les enjeux d’une telle opération.
1. Une envie et une opportunité
« C’est vrai que dans le passé, j’ai eu l’opportunité à plusieurs reprises d’acheter Haviland, mais cela ne s’est pas produit et l’opportunité s’est présentée. Comme nous sommes un acteur local, la solution est « imposée », reconnaît le président de l’entreprise Bernardaud. Et de reconnaître qu’il était en discussions depuis quelques - avec La Financière Saint-Germain, propriétaire d’Haviland. Le - de la maturation. « Nous sommes dans une période où l’activité est plutôt favorable dans notre secteur après des - difficiles et, comme Bernardaud est en pleine expansion, nous avons besoin d’augmenter notre puissance industrielle. Et nous pouvons désormais permettre à Haviland de bénéficier de notre réseau.
2. Un égal
« Nous prévoyons un très fort ralentissement et des perspectives économiques complexes pour 2025. Nous misons malgré tout sur un rebond rapide. Cet investissement est une prise de risque pour une entreprise qui reste familiale et heureuse de l’être, mais dans un contexte peu gênant en France et avec un Etat devenu un monstre normatif et administratif… » Dans son viseur ?? L’interdiction en France de réaliser des décorations « aux jolies couleurs bleues pour le bien de la santé des consommateurs ». “C’est grotesque car personne n’est jamais mort en mangeant dans des assiettes”, s’agace-t-il en évoquant ses 25 rendez-vous à Bercy et ses rencontres avec trois premiers ministres. «C’est un handicap dans mon évolution», estime-t-il. Un développement qu’il poursuit par d’autres moyens, notamment avec ce rachat d’Haviland.
3. Savoir-faire et compétences
« Nous n’avons pas besoin du savoir-faire d’Haviland mais c’est intéressant », reconnaît-il. « Nous récupérons un outil et des compétences industrielles. » Les deux entreprises ne pèsent pas le même poids en termes d’effectifs, Haviland comptant 90 salariés et Bernardaud 650, dont 250 sur le site d’Oradour-sur-Glane et le reste à Limoges, sur la plateforme logistique d’Aixe-sur. -Vienne et partout dans le monde. « Avec notre effectif, nous ne sommes pas dépendants mais c’est bien d’ajouter des compétences. Parce qu’une manufacture de porcelaine, c’est comme une chaîne « liée » à des corporations d’artisans, et on a des besoins partout… » Et même si la pyramide des âges s’est inversée dans l’entreprise, avec de nombreux jeunes formés, Bernardaud n’échappe pas au problème du recrutement. .
4. Deux identités distinctes
Les deux maisons sont anciennes et emblématiques du patrimoine limougeaud. « Mon souhait est que les deux marques vivent séparément, insiste Michel Bernardaud. Sur le plan commercial, les forces de vente sont différentes ? il en va de même pour la création. Il n’y a pas de cannibalisation ?! il rassure. Son objectif est de conserver tous les clients d’Haviland et d’en trouver d’autres. « Pour l’instant, nous allons faire connaissance et nous immerger dans la marque. Notre objectif est d’élargir les collections en nous appuyant sur les archives et le patrimoine. Haviland possède un patrimoine très riche qu’il faut mettre en valeur. Pour ce faire, Bernardaud prévoit un investissement industriel à quantifier.
5. Poursuite du développement des exportations
L’export représente la même proportion des ventes chez Haviland et Bernardaud, qui y réalise 75 % de son chiffre d’affaires, dont 25 % aux Etats-Unis. Mais « nous ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier », reconnaît Michel Bernardaud. La marque est présente en Europe, au Moyen-Orient, en Amérique latine, au Japon, en Corée, en Chine… « Pour nous, c’est varié et nous ne proposons pas que de l’art de la table », explique-t-il. Pour eux, cela a été compliqué ces vingt dernières années en Europe avec les dépôts de bilan. Nous avons traversé les égouts parce que nous avons développé l’édition d’art, l’hôtellerie et la restauration haut de gamme, la céramique technique. parfumerie et cosmétique et nous avons renouvelé notre collection. Nous sommes un peu un cas unique. Et justement pour poursuivre ce développement international, la maison Bernardaud ouvrira de nouveaux points de vente en 2025 : un deuxième à New York, un à Miami, un à Shanghai, un à Pékin, et peut-être un second à Tokyo. Sans oublier une troisième boutique à Paris.
6. Un établissement local qui souffre de l’isolement
« Bernardaud se dit très attaché à sa ville. Nous soutenons beaucoup d’événements et nous en organisons aussi beaucoup, rappelle Michel Bernardaud. Mais être isolé est un véritable problème. C’est très gênant car cela ne facilite pas le développement commercial », déplore-t-il. Il n’est cependant pas question de transférer la production ailleurs. La question se pose cependant pour les centres de décision et l’Institut Bernardaud. Alors que le Centre d’économie et de droit du sport (CDES) va quitter l’hôtel Burgy dans les prochains mois, le fabricant de porcelaine hésite désormais à rénover le bâtiment attenant à l’usine. « L’Institut pourrait être à Paris », s’interroge-t-il. Un projet qui devra être étudié. Quant au rachat d’autres usines, il n’est pas à l’ordre du jour. « Nous ne recherchons pas activement et nous avons assez à faire », sourit-il.