La cour administrative d’appel de Nantes a tranché : les arrêtés préfectoraux autorisant l’abattage et l’effarouchement de milliers de choucas dans le Morbihan, les Côtes-d’Armor et le Finistère sont annulés. Une décision qui fait suite à une longue bataille judiciaire menée par les associations environnementales, mais qui suscite colère et frustration chez de nombreux agriculteurs bretons, directement impactés par les dégâts causés par ces oiseaux.
Une espèce protégée, mais problématique pour l’agriculture
Les choucas, espèce protégée, sont accusés de détruire les cultures, de ravager les potagers et de percer les bâches d’ensilage, causant d’importantes pertes économiques aux agriculteurs. En 2022, les préfets bretons ont pris des arrêtés pour autoriser la destruction de 1 800 oiseaux dans le Morbihan, 8 000 dans les Côtes-d’Armor et 16 000 dans le Finistère. Or, ces ordonnances viennent d’être annulées par la cour administrative d’appel.
En première instance, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions pour des motifs de forme, jugeant les ordonnances « insuffisamment motivées ». Mais cette fois, le tribunal de Nantes s’est prononcé sur le fond, en s’appuyant notamment sur une étude commandée par l’Etat et réalisée par l’Université de Rennes.
Des solutions alternatives avancées, mais controversées
Selon l’étude universitaire, l’augmentation de la population de choucas est liée à des lieux de nidification favorables, comme les cheminées, et à des ressources alimentaires facilement accessibles. Les chercheurs estiment que la destruction autorisée n’est pas une solution durable, car l’espèce adapte sa démographie en fonction des pressions qui lui sont imposées.
Les auteurs de l’étude recommandent des alternatives « efficaces et durables », telles que :
- Obstruction des cheminées.
- L’utilisation de répulsifs.
- Restreindre l’accès aux tas d’ensilage.
- Des pratiques agricoles adaptées, comme l’éloignement des cultures des zones urbanisées.
- Garniture ciblée pour détourner les oiseaux des semis.
Ces propositions, bien que théoriquement viables, peinent à convaincre ceux qui subissent les conséquences directes de la prolifération des choucas. « Ces études semblent avoir été rédigées par des gens qui n’ont jamais vu leurs champs ou potagers ravagés par ces oiseaux », déplore Paul, agriculteur à Scaër.
Un avis défavorable du Conseil scientifique régional
Le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Bretagne (CSRPN) s’est également opposé aux arrêtés préfectoraux, soulignant que les destructions répétées ne permettaient pas de réguler durablement la population de choucas. Le CSRPN recommande plutôt de réduire les sites de nidification et les ressources alimentaires disponibles.
La cour administrative d’appel a soutenu cette position, rappelant que les autorisations de destruction successives ne constituent pas une réponse à long terme et qu’elles pourraient conduire à des quotas toujours plus élevés.
L’État a désormais jusqu’au 17 février 2025 pour saisir le Conseil d’État et contester cette décision. Sans cela, de tels arrêtés préfectoraux ne pourront plus se justifier à l’avenir, à moins que des solutions alternatives ne soient au préalable mises en place.
Ce cas illustre un clivage croissant entre les impératifs de protection de la biodiversité et les réalités économiques des agriculteurs bretons. Si les associations environnementales saluent une victoire pour la faune, les agriculteurs dénoncent un manque de pragmatisme et une incompréhension des dégâts causés par les choucas.