Entre manque d’infrastructures et documents exceptionnels, le patrimoine historique du Sénégal risque de disparaître.
A l’occasion de la commémoration du massacre de Thiaroye de 1944, un panel organisé au Musée des civilisations noires a mis en lumière un sujet préoccupant : l’état critique des archives au Sénégal. Ces révélations, faites par M. Makhone Touré, directeur des Archives nationales du Sénégal, mettent en lumière un manque flagrant d’infrastructures et de documents essentiels attendus depuis des décennies. Ce constat alarmant intervient dans un contexte où la mémoire nationale risque d’être effacée si des mesures urgentes ne sont pas prises.
UN PATRIMOINE MENACÉ
Depuis leur création en 1913, les Archives nationales du Sénégal peinent à disposer de locaux adaptés. Depuis leurs premières installations dans les caves Fann au sous-sol du Bâtiment Administratif jusqu’à leur déménagement en 2014 pour cause de rénovation du Bâtiment, à Central Park, situé Avenue Malick Sy, les conditions de stockage sont restées insuffisantes pour assurer la conservation à long terme des documents. Cette situation expose les archives à de multiples risques : humidité, parasites, catastrophes naturelles, et parfois même destruction volontaire. À cela s’ajoute une dispersion des fonds et des locaux saturés depuis plus de quatre décennies, entravant la réception des archives contemporaines.
TRÉSORS HISTORIQUES INACCESSIBLES
Les fonds d’archives sénégalais comprennent des documents précieux comme ceux du Sénégal colonial, de l’Afrique occidentale française (AOF) et des documents numériques transmis par la France. Parmi ces trésors, des informations essentielles sur le massacre de Thiaroye en 1944, les tirailleurs sénégalais et d’autres pans majeurs de l’histoire du pays. Cependant, leur exploitation reste limitée, non seulement en raison de la défaillance des infrastructures, mais également du manque de financement et de stratégie globale de conservation.
UNE TRANSMISSION EN DANGER
L’absence de collecte systématique d’archives orales et de fonds privés aggrave encore la situation. Ces archives, qui témoignent de la richesse culturelle et historique du pays, restent largement inexploitées. Selon les experts présents au panel, la postérité pourrait se retrouver dépourvue de tout héritage si des actions concrètes ne sont pas rapidement mises en œuvre.
LA MAISON DES ARCHIVES : UNE SOLUTION URGENTE
La création d’une « Maison des Archives » est évoquée comme une solution majeure pour surmonter ces défis. Ce projet, bien qu’ambitieux, constitue une nécessité pour centraliser, protéger et valoriser les archives nationales. Sans cela, toute politique nationale en matière d’archives est vouée à l’échec, quelles que soient la richesse financière ou la compétence des archivistes. Les archives sénégalaises, véritables gardiennes de la mémoire nationale, traversent une crise profonde. Ils sont essentiels non seulement pour la recherche historique, mais aussi pour garantir les droits des citoyens et assurer une gouvernance transparente. Le massacre de Thiaroye, commémoré 80 ans plus tard, illustre la fragilité de notre mémoire collective face à l’oubli. Il est impératif de réagir dès maintenant pour que ce patrimoine unique ne tombe pas dans l’oubli.