Le designer français Jean-Charles de Castelbajac – ancien directeur artistique de Benetton jusqu’en 2022 – a conçu les vêtements et ornements liturgiques que porteront les évêques, prêtres, diacres et chanoines pour la célébration des messes et des offices lors de la réouverture prévue de Notre-Dame de Paris. les 7 et 8 décembre.
« Nous voulions de la simplicité, de l’humilité, un langage universel. Cela a été fait de concert avec Monseigneur Ribadeau Dumas et le Père Guillaume Normand et ceux qui m’ont accompagné dans ce beau projet. Ce qui m’émeut et remplit mon cœur de joie, c’est que ce n’est pas seulement pour la réouverture, c’est durable. Je viens de créer tous les vêtements de fête pour Notre-Dame du futur. note l’artiste.
Après ces cérémonies qui s’étendront jusqu’à la Pentecôte 2025, ce vestiaire sera utilisé lors des grandes célébrations – Noël, Pâques, Toussaint… – et ordinations de prêtres.
« Ce paramentique porte l’histoire de Notre-Dame et toute sa dimension solennelle, épique, téméraire et courageuse. C’est un message à dire aux jeunes générations, n’ayez pas peur, essayons d’avoir beaucoup d’espoir à travers cette renaissance de Notre-Dame” ajoute-t-il encore lors d’un entretien à Franceinfo Culture, le 27 novembre 2024.
Connu, entre autres, pour ses dessins d’anges aux visages doux, le styliste rejoint, en 2024, l’atelier Notre-Dame en charge du réaménagement de la cathédrale ravagée par un incendie le 15 avril 2019. Créé par des maisons de Français artisanaux et offerts par mécénat, les vêtements de l’archevêque, des prêtres et des diacres sont ourlés de galons aux couleurs primaires. Ces chapes, traversins, étoles, chasubles et dalmatiques ont été créés grâce au savoir-faire des maisons d’art 19M : Lesage, Goossens, Paloma, Atelier Montex et Maison Michel,
« J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec l’équivalent de compagnons, mais dans les métiers d’art avec ce remarquable 19M ! Florence Dennetière, qui la dirige, m’a ouvert les portes des ateliers. Ce la restauration a nécessité la convergence de différents talents : « TTous ces métiers sont entrés au service de Notre-Dame, aux côtés des tailleurs de pierre et de ceux qui fabriquent des vitraux pour s’inscrire dans la marche du -. C’était émouvant de voir tous ces gens multiconfessionnels travailler ensemble. Une longue chaîne d’intelligence de la main, de générosité, d’esprit et d’artistes qui ont contribué à lui donner vie” souligne le créateur.
En effet, 250 entreprises et des centaines d’artisans ont participé à ce projet de restauration titanesque. Pour Olivier Ribadeau Dumas, recteur-archiprêtre de Notre-Dame, le vestiaire liturgique créé répond en tous points au cahier des charges : « la noble simplicité correspond à la beauté et à la sobriété de la cathédrale » . Pour le styliste, c’était important « parler aux jeunes générations, parler de Notre-Dame dans l’histoire, de sa dimension laïque de cristallisation et de spiritualité dans le futur ».
Vêtements et ornements liturgiques, créé à l’occasion des célébrations de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, « veulent honneur à la noble simplicité de la liturgie, à la solennité du lieu et à la moment ainsi que l’élan de la création contemporaine ».
Pendant la messe, les évêques et les prêtres portent une étole, une large bande de tissu portée autour du cou descendant le long du corps et par dessus, une chasuble, un grand manteau recouvrant le corps. Les diacres portent une étole de l’épaule gauche jusqu’à la hanche droite ainsi qu’une dalmatique, une tunique longue à manches. Pour les autres célébrations, on utilise la chape qui a la forme d’une grande cape.
De couleur blanche, ces vêtements sont utilisés pour les célébrations liturgiques festives (Noël, Pâques, Toussaint, fêtes de la Vierge Marie par exemple). La croix dorée de Marc Couturier, l’éclat de la lumière colorée des vitraux et l’éclat sont les trois éléments structurant l’ensemble de chasubles préparé pour cette réouverture.
Entre mode, design et art, l’œuvre multidisciplinaire avant-gardiste de Jean-Charles de Castelbajac est marquée notamment par l’héraldique, la science des armoiries, et le pop art autour des couleurs primaires (bleu, jaune, rouge). De la des couleurs qu’il a toujours aimé, depuis sa retraite quand il allait à la messe tous les jours : «C’était mon doudou, mon objet de transition. Ces couleurs m’ont accompagné toute ma vie. Mais ce sont aussi les couleurs du - liturgique : le rouge du sang du Christ, le vert de l’espérance, le bleu symbolise l’eau ainsi que le jaune et l’or pour la puissance et la gloire du Christ. C’est un langage universel. Je ne suis qu’un révélateur, un lien entre l’Église et les millions de personnes qui seront là. » précise-t-il.
Pour ce troisième chapitre avec l’église, le styliste a réinventé les capes, chasubles, étoles et dalmatiques des officiants avec des couleurs : « En 1987, c’était avec Anish Kapoor et Garouste pour le comité d’art sacré pour la célébration de la messe dans les prisons. C’était ma première rencontre et ma première émotion. Une expérience incroyable. En tout cas, c’est toujours lié à cette dimension de l’art sacré” explique Jean-Charles de Castelbajac. En 1997, il conçoit la garde-robe liturgique arc-en-ciel portée par le pape Jean-Paul II, les évêques et les prêtres lors des Journées mondiales de la jeunesse.
Un ordre différent des deux précédents puisqu’il s’apparente, pour lui, à un accomplissement : « C’est l’appel d’une grande dame, qui a beaucoup souffert. Quand j’étais jeune provincial, à l’âge de 17 ans, Notre-Dame était un refuge spirituel. J’ai trouvé l’inspiration pour mon style puisqu’il y avait une chemise de Saint-Louis, qui est toujours au Trésor, qui est devenue un peu mon totem. C’est aussi l’endroit où plus tard, j’ai cru avoir bouclé la boucle lors du pape Jean. -Paul II a donné sa chasuble au Trésor de Notre-Dame et à sa mort, elle est devenue une relique lorsqu’il est devenu saint.
Jean-Charles de Castelbajac s’est laissé guider par le thème de la lumière et du rayonnement. Les symboles qu’il utilise expriment la vitalité et le dynamisme de l’Évangile. Sur la chasuble créée pour l’archevêque, la croix dorée concentre des éclats colorés. Le positionnement des éclats suggère le foyer d’un mouvement qui tend à s’étendre. « Mon premier geste créatif a été cette croix dorée avec ses éclats, son éclat de couleurs. Je l’ai voulu contemporain et symbole d’espoir pour parler de la joie de vivre ensemble aux communautés du monde entier. Notre-Dame est un lieu universel » souligne-t-il.
Le créateur voulait quelque chose de solennel et de très simple mais « avec des techniques contemporaines. J’ai fait part aux brodeuses que je souhaitais mettre en œuvre sur cette structure épique, presque chevaleresque, des techniques que je connais depuis très longtemps puisque ce sont celles qui viennent du monde du sportswear. Des techniques immémoriales – comme la broderie de paillettes martelées – rencontrent le flocage et le matelassage pour apporter de la modernité. précise-t-il.
Parmi ces pièces, il avoue qu’il préfère de toutes « le Chrisme. Ce symbole, qui représente le Christ, a été utilisé dès le 3ème siècle avant JC et malgré ces 17 siècles d’âge, il m’a semblé d’une modernité incomparable. Elle ressemble à une petite étoile, avec comme une épée au centre à la convergence d’une renaissance vers des symboles qui n’étaient plus tellement utilisés” souligne le créateur avant de conclure “Il faut désormais attendre le jour de la convergence. C’est ma plus grande émotion.