Ce cinéma d’une cinquantaine de places, situé à Mons-en-Montois en Seine-et-Marne, vient de fermer définitivement ses portes suite au décès, le 14 novembre, de Michel Le Clerc, le cinéphile passionné qui l’avait ouvert en 2001.
Par Inès Zarrouk
Publié le 4 décembre 2024 à 10h00
LLe 11×20+14 (oui oui, c’est son nom), le plus petit cinéma d’Île-de-France d’une capacité d’une cinquantaine de places, a définitivement fermé ses portes, emporté par le dernier souffle de son fondateur, Michel Le Clerc. , décédé le 14 novembre à l’âge de 94 ans. Le lieu a longtemps fait la fierté de Mons-en-Montois, petite commune de quatre cent soixante-dix habitants du sud-est de la Seine-et-Marne. Le 11×20+14 est le projet du cinéphile aguerri Michel Le Clerc, qui l’a lancé il y a plus de vingt ans, dans une ancienne ferme du village. Une toute petite pièce à part entière, rattachée à l’atelier de vitrail de sa compagne, Évelyne, ancienne artiste verrière.
Mais pourquoi ce nom tordu ? Il y a un an, le créateur expliquait son raisonnement avec une équation pour le moins étrange : « Le 21 avril 1430, Jeanne d’Arc vient chasser les Anglo-Bourgognes, qui avaient enfermé deux cent trente-quatre hommes dans l’église du village pour les tuer. Donc 11×20+14 = 234. » Un lieu chargé d’histoire, que le propriétaire a souhaité partager avec le public. Ancien cinéaste et journaliste, il a notamment réalisé et produit plus de soixante-dix reportages pour TF1, Antenne 2 et FR3.
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En 1981, Michel Le Clerc fonde l’association 11×20+14 dans cette ferme de Mons-en-Montois. Il partage son - entre le tournage et la restauration des vitraux de certaines églises de la région, aux côtés de son épouse, qui propose des ateliers ouverts au public. En 1987, il se consacre pleinement au projet et le 14 mars 2001, après plus de dix ans de travaux, le cinéma d’une cinquantaine de sièges rouges ouvre ses portes.
Le lieu obtient rapidement le classement Art et essai, domaine privilégié du cinéphile et d’une centaine d’autres fidèles venus parfois de loin pour assister aux projections – jusqu’à six par semaine. Le slogan de son propriétaire au caractère bien trempé : « Pas de publicité, pas de pop-corn. Des films, des vrais. Comme ce passionné déteste être en retard, le film commence toujours à l’heure et les spectateurs, eux, ont intérêt à arriver tôt. Comptez neuf euros par place pour le tarif classique et quatre pour les abonnés.
Succession de difficultés
Mais à partir de 2017, le micro-cinéma commence à rencontrer des difficultés. Avec la suppression de plus de soixante-dix-sept mille contrats aidés par le gouvernement, Michel Le Clerc n’est plus en mesure de payer son projectionniste, Benoît, autre amoureux du cinéma qu’il employait grâce à cette aide précieuse de l’État. S’il accepte de continuer à travailler bénévolement, l’arrivée de la pandémie aggrave la situation financière du 11×20+14, qui s’est retrouvé sans spectateurs pendant de longs mois. Pour soutenir leur cinéma préféré face à la baisse de fréquentation, les habitués lancent une collecte en 2020 pour récolter près de 13 000 euros. Un bel effort de solidarité malheureusement insuffisant pour garantir la pérennité du lieu. La gestion et l’entretien du cinéma deviennent alors difficiles pour son fondateur, âgé de plus de 90 ans, et désormais seul, depuis la retraite de Benoît. Bruno Demaegdt, maire de Mons-en-Montois, se souvient : « Michel avait un fort caractère. Il était assez autoritaire, il ne voulait pas déléguer. Depuis le Covid et avec l’âge, il a été contraint d’arrêter son activité. »
Aujourd’hui, pour l’élu, l’idée de rouvrir le cinéma paraît périlleuse : « Il est impossible pour la municipalité d’envisager un rachat, car la grange est une propriété privée qui appartient toujours à l’épouse de Michel, actuellement sous tutelle. Mais surtout parce que les travaux à entreprendre pour mettre la salle aux normes représenteraient une véritable ponction financière et une utilisation d’au moins 50% de notre budget annuel. » Et la communauté de communes à laquelle est rattaché le village a déjà financé la réhabilitation du cinéma de Bray-sur-Seine, pour un budget d’environ un million d’euros de travaux. « Michel savait très bien qu’on n’avait plus les moyens de l’aider, ajoute Bruno Demaegdt. Il a bénéficié d’une subvention annuelle de notre part d’environ 500 euros, qui lui a ensuite permis de percevoir des aides du CNC et du conseil départemental, mais il ne nous a jamais demandé plus. »
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Si l’avenir de ce lieu mythique reste donc incertain, le village se souviendra longtemps de l’implication et de la passion du cinéphile, élevé au rang de chevalier de l’Ordre national du Mérite en 2017, sur la pelouse jouxtant son petit cinéma, en présence d’un grand nombre d’élus, de adhérents et d’amis. « Ce cinéma était sa vie, conclut le maire. Mais même avec toute la bonne volonté du monde, il faut de l’argent. Michel s’est engagé corps et âme pour la survie de ce lieu, au détriment de ses finances et de sa santé. Jusqu’à la fin. »