Succession du magasin général Barachois, ouvert en 1909

Succession du magasin général Barachois, ouvert en 1909
Succession du magasin général Barachois, ouvert en 1909

Les clients peuvent s’y rendre pour acheter une brique de lait ou de la tuyauterie, une bière de microbrasserie ou une feuille de contreplaqué, un chaudron, des bardeaux d’asphalte, une tête de laitue, un four ou un matelas. Souvenir d’une époque révolue et clin d’œil à l’histoire, les clous sont encore aujourd’hui vendus en gros.

Le magasin général de Thompson – que plusieurs appellent encore Chez Robin ou Le Robin – a su résister aux assauts du temps dans la communauté d’environ 350 résidents. Et il perdurera encore plusieurs années, grâce à la nouvelle propriétaire, Christine Côté, qui en a fait l’acquisition le 21 juin dernier.

« C’est bien plus que du pain et du beurre : c’est un endroit où les gens viennent se dire bonjour et discuter. Pour certains, c’est leur seule sortie de la journée. C’est un service pour la communauté barachoise, déjà très soudée. Cela fait partie de l’ADN du village ; cela crée des rencontres. Avant, c’était la place de l’église, mais c’est un peu moins fréquenté donc ils viennent ici. Nous ne pouvions pas nous permettre de le perdre.

Un peu d’histoire

La pêche à la morue est étroitement liée aux origines du Canada, ayant accompagné la colonisation de l’Amérique du Nord autant, sinon plus, qu’avec le commerce des fourrures (lire à ce propos La pêche à la morue en Nouvelle-Francepar Mario Mimeault). En juillet 1672, un établissement de pêche est construit à Petite-Rivière, lieu-dit qui correspond aujourd’hui au Barachois. Ce fut la première habitation française permanente en Gaspésie.

Des années plus tard, œuvrant dans le domaine de la pêche, la Charles Robin and Company – fondée en 1783 – prospéra pendant plusieurs décennies… avant de s’effondrer en 1886 avec la faillite de sa banque. Elle s’associa alors à d’autres marchands pour fonder la compagnie Robin, Jones and Whitman, qui ouvrit son établissement à Barachois en 1909. « Le magasin achetait le poisson directement aux pêcheurs jusqu’à la fin des années 1950, ce qui en faisait le dernier à perpétuer une telle pratique », rappellent les historiens Pascal Alain et Pierre Lehoud dans leur livre Curiosités de la pointe de la Gaspésie.

Puis, le temps file et les affaires continuent leur petit bonhomme de chemin jusqu’en 2004, où c’est la consternation dans le village lorsque Robin, Jones et Whitman se placent sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Un nuage noir plane sur Barachois et on s’attend au pire. Mais c’était avant que le gérant Carl Bond et Harris Thompson, un homme d’affaires du village, achètent l’établissement en 2006. Harris Thompson en devient par la suite l’unique propriétaire. En 2013, il injecte 400 000 $ pour refaire la façade, telle qu’elle était à l’origine. Le 21 juin, après quelques mois sur le marché immobilier, le flambeau est passé à Christine Côté, qui entend lui insuffler un nouveau souffle.

Le magasin général Barachois a 115 ans. Il a été ouvert en 1909 par la société Robin, Jones et Whitman. (Jean-Philippe Thibault/Collaboration spéciale)

Projets en tête

Si la nouvelle propriétaire entend faire table rase de la vente d’électroménagers et de meubles, elle ajoutera en retour d’autres cordes à son arc comme la vente d’équipements acéricoles et d’espaces communs. A l’étage, les sols et poutres d’époque font rêver et ramènent immédiatement les visiteurs au siècle dernier.

La femme d’affaires optimisera ces anciens espaces avec une salle communautaire et des bureaux. Des professionnels comme des orthophonistes ou des pédopsychiatres pourront venir rencontrer leurs patients. Ils se verront offrir un logement gratuit. « L’argent dédié au loyer pourra être réinvesti dans des services professionnels », résume Christine Côté.

Des ateliers de collation avec l’école primaire de Belle Anse seront également proposés, tout comme des samedis de répit. « Quand je suis arrivée il y a 10 ans, avec trois enfants et sans famille, j’aurais aimé avoir ce genre de journée de répit. Il y a beaucoup de nouveaux arrivants comme moi, on va pouvoir proposer des ateliers d’art aux enfants par exemple. »

Au rez-de-chaussée, une nouvelle cuisine sera construite pour développer un service de prêt-à-manger. De nouveaux réfrigérateurs et congélateurs sont déjà en cours. Les travaux de rénovation débuteront jeudi et dureront six semaines. Le commerce restera ouvert pendant les travaux. Le Magasin Général Thompson deviendra à terme le Central Barachois.

Le manque de relève aurait pu nuire à la communauté, ne serait-ce que pour l’aspect alimentaire. Au Québec, un seuil géographique acceptable d’accès à un magasin d’alimentation est une distance d’un kilomètre en milieu urbain et de 16 kilomètres en milieu rural, comme en Gaspésie, puisqu’on considère que le taux élevé de véhicules par ménage compense la distance. Les marchés alimentaires les plus proches sont situés à Gaspé et à Percé, respectivement à quarante et vingt kilomètres. Le magasin voit également son lot de touristes et de visiteurs durant la saison estivale, ce qui devrait en faire un lieu de rencontre pour plusieurs. « Il n’y aura plus aucune raison pour que les gens ne s’arrêtent pas. L’intérieur est resté un peu figé dans le temps, mais nous allons en faire quelque chose de très attractif.

Souvenir d’une époque révolue et clin d’œil à l’histoire, les clous sont encore vendus en gros aujourd’hui. (Jean-Philippe Thibault/Collaboration spéciale)

En passant le Soleil, le magasin général n’a jamais été vacant, les clients réguliers discutant longuement avec les employés ; des rires éclatèrent la plupart du temps. C’est comme ça tout le temps. C’est une belle énergie. C’est ce que nous ne devons pas perdre ; c’est quelque chose de précieux ! explique Christine Côté.

Rappelons pour mémoire et pour la postérité qu’elle est originaire de la Montérégie, en milieu agricole. Elle vit en Gaspésie depuis 10 ans. Lorsqu’elle a perdu sa mère, elle a eu besoin de changer d’air et a décidé de prendre une année sabbatique, sachant seulement qu’elle voulait être près de la mer. Elle n’était jamais allée plus loin que Matane ou Carleton-sur-Mer. Elle est partie vendredi, a trouvé sa future maison samedi, l’a visitée dimanche, l’a achetée lundi et son conjoint a trouvé un emploi mardi.

Ce qui devait être une aventure passagère d’un an a fini par durer. Leurs trois enfants, alors âgés de 15, 12 et 9 ans, ne voulaient plus quitter la région. Les adultes non plus. Deux ans plus tard, ils obtenaient un quota de 26 000 entailles et démarraient l’Érablière Côté sucrée. « Je serais triste de partir. On est tellement bien en Gaspésie. Je ne pense pas qu’on repartira », lance en riant le nouveau propriétaire.

En 2016, dans les pages de SoleilHarris Thompson se souvient de l’époque où, à l’âge de 8 ans, il était lui-même allé acheter un gallon de kérosène au magasin général pour 7¢. Il mentionnait en conclusion que son souhait était que le magasin général, qui abritait ses souvenirs d’enfance, lui survive. Son souhait se réalisera grâce à Christine Côté.

Le magasin général Thompson offre des produits d’épicerie, de la quincaillerie, des matériaux de construction et des appareils électroménagers. (Jean-Philippe Thibault/Collaboration spéciale)

 
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