« À l’intérieur, je ne suis plus personne » – .

« À l’intérieur, je ne suis plus personne » – .
« À l’intérieur, je ne suis plus personne » – .

NsouterrainNanterre (Hauts-de-Seine).– Cet hommage public à Nahel sera le dernier. ” C’est trop difficile “prévient sa mère Mounia Merzouk, devant la foule massée sur l’esplanade Nelson Mandela. Le 27 juin 2023, son fils y est déclaré mort, suite à une fusillade de la police après qu’il ait refusé d’obtempérer.

Messaouda, 38 ans, un keffieh palestinien sur les épaules comme beaucoup d’autres, est venue spécialement de Lyon pour participer à cette marche silencieuse dans les rues de Nanterre, sans connaître personne dans la foule hormis les deux amies qui l’accompagnaient. Même de loin, elle dit avoir vécu la mort de Nahel comme un « tragédie personnelle ».

«Quand on est racisé comme moi, quand on habite dans un quartier populaire, on se sent forcément concerné.»juge l’éducateur de 38 ans. Messaouda a donc répondu à une sorte de“appel du coeur”même si le contexte, à quelques heures du premier tour des élections législatives, semble difficile à échapper. « Le fascisme et la police ne font jamais bon ménage, on craint le pire »considère la jeune femme.

Mounia Merzouk, mère de Nahel, au premier rang de la marche organisée le 29 juin 2024 en son hommage, un an après sa mort, à Nanterre. © Jérôme Gilles / NurPhoto / NurPhoto via AFP




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Depuis le début de l’après-midi, cette atmosphère lourde, chargée d’enjeux, pèse sur la ville, entre le parc André-Malraux, tout près de la sortie du RER, et l’esplanade Nelson-Mandela. La préfecture n’a autorisé que ce court trajet de moins d’un kilomètre. La police est restée très loin pendant toute la durée de la marche. Peu après 14 heures, les commerces alentours ont baissé leurs volets métalliques. Chacun se souvient des voitures en feu et des affrontements avec la police suite à la mort du garçon il y a un an, une révolte qui s’est étendue à toute la France au début de l’été 2023.

Plusieurs militants historiques contre les violences policières et le racisme sont présents, comme Assa Traoré, du collectif Justice pour Adama, ainsi que des personnalités politiques – le maire de Nanterre, Raphaël Adam, mais aussi Mathilde Panot, Danièle Obono, Rima Hassan de La France. insoumise (LFI), ou Christine Poupin du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Cependant, aucune de ces personnalités ne s’exprimera ou ne commentera l’événement, en raison de la réserve électorale. L’entourage de Nahel confirme également ses craintes « instrumentalisation ».

« Il y avait une volonté de dépolitiser la marche, c’était le souhait de la famille, même si le contexte parle de lui-mêmeexpliquent les militants d’Urgence Palestine, tout juste arrivés des banlieues voisines. Nasser, Nanterre de toujours, confirme ce choix de la famille du jeune garçon, soucieuse d’éviter à tout prix les excès, alors que des élections à haut risque se heurtent à la date de la commémoration.

Une promenade dans la mémoire

L’ambiance c’est avant tout le souvenir du garçon « serviable, gentil »le ” Oui oui “ du quartier que tout le monde décrit : « Nahel, je l’avais comme éducateur, je voulais lui trouver un stage en mécanique, parce que c’est ça notre métier avec des gamins de 17 ans, transformer des graines en pépitesexplique Nasser. Ils ne m’ont pas laissé le temps… »

Bruit des moteurs de scooters et petit mouvement de foule. “Ah, les jeunes de Pablo arrivent”s’exclame un manifestant. Vêtus du même t-shirt blanc, mentionnant la date de naissance du jeune homme et la date de son décès, venus en force du dernier quartier où a vécu Nahel, ces jeunes ont presque tous la tête couverte par un masque ou un morceau de tissu. tissu, la casquette bien enfoncée sur la tête. Tous ceux qui filment sont aussi vertement réprimandés. « Ils craignent les images, et les éventuelles mesures de représailles de la police ce soir, dans le quartier », explique Cinthia, représentante FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves) dans une des écoles du quartier des Pâquerettes.

La marche commence, sans cris ni slogans, menée par un service de sécurité vigilant. La mère de Nahel, entourée de jeunes, marche devant, suivie par un millier de personnes. “Ils ont besoin de silence, de soutien, pas de bruitfait valoir Shahinaz, 24 ans, habitante de Nanterre, assistante d’éducation dans un collège. Les bavures policières sont notre quotidien, ce n’est pas de la politique. » Elle récupère : « Ou alors notre quotidien est politique. » Sur la seule banderole autorisée qui était déployée devant, sont inscrits ces mots : « Justice pour Nahel, et pour tous les autres ».

La militante anti-violences policières Samia El Kalfaoui est également présente dans le cortège. Son neveu a été tué il y a quatre ans par un agent des forces de l’ordre. “Depuis sa mort, je dors, je mange, je vis avec l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, qui autorisait le recours à la force en cas de refus d’obtempérer”.» dit Samia El Kalfaoui. Il y a eu plus de 100 morts à cause de cet article, beaucoup de jeunes comme Nahel, racisés, issus des quartiers populaires. Je ne comprends pas pourquoi nous ne comprenons pas la gravité de ce qui se passe. Mais aujourd’hui, malgré le stress que l’on ressent à l’idée que le pire pourrait arriver demain, l’heure est à la réflexion. »

” Pas de justice pas de paix “

A la fin du petit trajet, la mère de Nahel prend le micro. « Nous sommes là pour dire que la vie de nos enfants dans nos quartiers a de la valeur, pour que la mémoire de mon fils soit respectée, pour que justice soit rendue à ceux qui ont tué mon fils. C’est très dur pour moi de savoir que ces deux policiers sont dehors. Ça me déchire, je n’y arrive pas. »

L’un de ces deux policiers, mis en examen pour meurtre (une décision rarissime dans les cas de violences mortelles impliquant des forces de l’ordre, lire notre article à ce sujet), a été libéré de détention provisoire en novembre 2023. Il attend désormais son procès. Le deuxième policier a été placé sous statut de témoin assisté. L’enquête sur cette affaire est toujours en cours.

Vous vivez l’humiliation, la discrimination, vous êtes déshumanisé, mais écoutez combien nous vous aimons.

Mornia Labssi, syndicaliste, habitante de Nanterre

« Je n’ai plus Nahelinsiste Mounia Merzouk. Mon fils a été exécuté en direct. Qui peut supporter ça ? Je souris, tu me vois comme ça, habillé, coiffé, mais à l’intérieur, je ne suis plus personne. » En face d’elle, dans la foule, une mère dont le fils a été tué il y a neuf ans s’effondre en larmes dans les bras d’une autre. « Prenez soin de vos enfants, prenez soin de vos parents, poursuit la mère de Nahel, qui conclut en demandant au public présent de ” ne le laisse pas partir “y penser ” demain “brève et unique allusion électorale.

Après une minute de silence, et une prière prononcée par l’imam de Nanterre, le cortège fait demi-tour et revêt une autre tenue. Le silence du début est suivi de sons ” Pas de justice pas de paix ! “LE « Justice pour Nahel » alors que plusieurs manifestants scandent à l’unisson le slogan antifasciste « Nous sommes tous antifascistes »De retour place Charles-de-Gaulle, deux jeunes déploient également une grande banderole noire, qui rappelle la cagnotte de 1,6 million d’euros réservée au policier qui a tiré sur Nahel, à la demande de plusieurs représentants d’extrême droite.

La syndicaliste Mornia Labsi, qui a mené toute la marche, reprend le micro, comme « fille de Nanterre »pour saluer le « des enfants tendres et pétillants » de sa ville. “Vous vivez l’humiliation, la discrimination, vous êtes déshumanisé, mais écoutez combien nous vous aimonsproclame-t-elle avec émotion devant la petite foule qui peine à quitter les lieux. Pour nous, pour la France, vous êtes importants. » Elle répète inlassablement : « Écoute combien nous t’aimons. »

 
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