Histoire d’un sacre annoncé pour Bordeaux-Bègles – .

Histoire d’un sacre annoncé pour Bordeaux-Bègles – .
Histoire d’un sacre annoncé pour Bordeaux-Bègles – .

La dernière finale entre Bordeaux et Toulouse a sacré la fameuse équipe des Béglais « rapeteux » devenus épouvantails et favoris en trois mois. Rarement un acte final aura paru aussi prédéterminé, même si les Toulousains ont su limiter la casse.

Rarement une finale n’aura semblé aussi gagnée d’avance, même si le score final n’a pas été aussi écrasant : 19-10 et deux essais partout. On s’explique : ce millésime 1991 a constitué une équipe hors norme par sa force et sa fugacité. Ce printemps-là, le CA Bègles-Bordeaux-Gironde s’est soulevé, mû par une force tellurique pour tout emporter sur son passage, un peu comme ces vagues scélérates qui, sans qu’on comprenne exactement pourquoi, déferlent jusqu’à briser les bateaux les plus solides.

Avant cette finale Bègles-Bordeaux – Toulouse, dans une interview torride sur la liberté, Bernard Laporte, jeune capitaine de 25 ans, nous a stupéfié par son audace en annonçant : « Nous ne perdrons pas ce match ! Nous ne pouvons pas le perdre. Nous nous sentons forts, nous avons très faim», s’affranchissant des règles de la fausse pudeur.

Ligne de front avec la tête rasée

Pendant plusieurs semaines, les Béglais étaient partout, objets de fascination pour tous les médias à une époque où le championnat était moins exposé. Cette équipe sentait un peu le soufre avec des canailles et des personnalités exceptionnelles comme ce pilier gauche, Serge Simon, médecin de métier, intellectuel qui préférait donner que recevoir. La première ligne Simon-Moscato-Gimbert-Vergé avait eu le culot de leur raser la tête pour être encore plus terrifiante et gagner ainsi un surnom qui a traversé le temps : « Les Rapetous ». Elle usait et abusait des « tortues », des mauls dressés comme des partitions. Notre petit régal fut de voir l’astucieux mécanisme opérer pour voir Sébastien Conchy s’en échapper et courir d’un coup les cheveux au vent.

De toute évidence, le CABBG avait contre lui les défenseurs du « beau jeu » offensif. Bernard Laporte, avec une franchise étonnante, expliquait : «Je n’aime pas le jeu en ligne. Cela demande trop de technique individuelle, et nous ne travaillons pas assez dur. … Nous aurions un Blanco ou un Sella, je ne dis pas. Mais ce n’est pas le cas… Mes trois-quarts sont-ils contents ? Ils ne se sont jamais plaints, car ils savent qu’on joue avec nos moyens. A Bègles on ne marquera jamais un essai d’un ailier avec latéral interposé, mais l’essai de William Techoueyres. la moitié n’était pas si mauvaise.

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Résumons : jamais favori n’avait émergé aussi vite et aussi fort. Pourtant, les Béglais avaient Toulouse devant eux. Mais il faut bien comprendre que le Stade Toulousain qui se tenait droit n’était pas, cette année-là, un épouvantail : Christian Gajan, son entraîneur, le reconnaît « Oui, nous sortions d’une saison moyenne. Nous avions remporté le Masters en décembre 1990, mais la suite de la saison a été plus difficile. Les Toulousains ont été blessés : « Nous avons aligné Olivier Marin et Bruno Dalla Riva en troisième ligne, qui étaient juniors. Michel Marfaing au centre, avait 21 ans, Pierre Bondouy aussi.» Christian Gajan s’était largement inspiré du camp Reichel qu’il avait lui-même entraîné les saisons précédentes. Le plus incroyable, c’est que l’équipe toulousaine a vécu les phases finales en outsider : « Dans le quart-temps, nous avons éliminé Narbonne contre les pronostics. En mi-temps contre le Racing, nous sommes passés de peu, grâce à un drop de Philippe Rougé-Thomas qui est passé sous la barre. Mais les Racingmen n’avaient rien dit. Oui, nous avons fini en finale par miracle.

Alors oui, cette finale 1991 fut avant tout la chronique d’une victoire annoncée, une validation plus qu’un triomphe. Elle fut symbolique, mais pas vibrante. Elle donna raison à la prophétie de Bernard Laporte. Bordeaux Bègles menait 13-0 à l’issue d’une première mi-temps pliée comme un cartable. Avec un essai à quatre points dans le rugby de l’époque, le déficit semblait irrémédiable.

Le légendaire Moscato Pass

Premier essai de Michel Courtiols après un ballon haut de Christophe Reigt, récupéré par Régis Frentzel. Deuxième essai de Mougeot après un relais en fond de touche, percée impériale de Vincent Moscato, conclue par une longue passe devenue mythique. Le jeu était moins organisé qu’aujourd’hui, mais les chocs et les poussées en mêlée étaient favorables aux Girondins dont la confiance était évidente : « Je pense qu’on était insouciants, tout simplement, on avait le sentiment que rien ne pouvait nous arrêter, même si c’était notre première finale et que l’attente avait été longue. De ce match, je garde le souvenir de cette touche que je récupère en fond de tableau, pour servir Vincent Moscato avant sa fameuse passe. Pour une équipe qui ne faisait pas de jeu, ce n’était pas si mal., se souvient Philippe Gimbert, pilier coriace du futur droit international. Elle est marquée par une énorme défaite du CABBG en 1989 à domicile contre Toulouse en 8e de finale aller, 47 à 3. Un match fondateur qui a servi d’aiguillon à toute une génération. Fini les préparatifs tranquilles.

André Berthozat, deuxième ligne de service, poursuit : « Quand nous sommes arrivés, nous avons vu les Toulousains baisser la tête. Nous étions sûrs de notre force. C’est incroyable à dire, mais on se sentait fort, on n’avait peur de personne, et puis on a battu ces Toulousains en demi-finale du Manoir. Cette mi-temps, disputée à Agen le 21 avril, fut un triomphe, un manifeste de la puissance de la Béglaise bien plus que le score ne l’indiquait (12-3). Elle portait les germes du succès de la finale. Michel Courtiols, auteur de l’essai qui a donné l’initiative, raconte : « C’est difficile à expliquer, mais de cette finale que je n’ai jamais revue, il me reste une impression d’aisance, avec ce sentiment de n’avoir jamais été mis en danger, et de voir arriver sereinement la fin. Notre rugby n’était pas aussi raffiné qu’aujourd’hui, mais nous avions tellement de certitudes quant à nos atouts. J’ai quand même revu mon essai, où rien n’était annoncé.

Michel Geneste, ancien chirurgien orthopédiste, était le doyen du groupe. « Je n’ai pas de souvenir précis, j’étais dans ma bulle, je ne me souviens même pas d’avoir serré la main de François Mitterrand. Je n’avais pas grand-chose à faire, cinq ballons à attraper, ce que j’ai fait. On n’a pas raté au coup de sifflet final, on avait en tête ce qui se serait passé en cas de défaite. Donc pour nous, ce succès était normal. On a vraiment fêté ça. Non, ce qui m’a le plus marqué, c’est de voir une tribune entière au Parc des Princes bleu et blanc. En voyant tous ces gens qui étaient venus, je n’arrivais pas à y croire. C’est mon plus grand sentiment. » Bègles avait son noyau dans Musard, mais ne faisait pas bouger les foules. André Bethozat poursuit : « Un engouement soudain s’était déclenché. Nous avons dû nous cacher pour nous entraîner. L’idée selon laquelle Toulouse aurait perdu le match sur le côté circule depuis longtemps. Christian Gajan la dément : « Non, mes joueurs n’ont pas été impressionnés, mais disons qu’on s’est fait endormir au début. On a un peu souffert en mêlée, mais regardez les images. On n’a pas été ridicules, on a bien fini le match. Pour moi, ce n’est pas un mauvais souvenir. Je pense que la logique a été respectée, tout simplement. Bègles avait un énorme collectif avec des attaquants lourds qui savaient se déplacer comme Berthozat et Mougeot. Conchy avait aussi du gaz. Et puis, leur entraîneur Yves Appriou était très bon. Il comprenait quel type de joueurs il avait sous la main et il savait les tirer au maximum. » Ces Béglais ont souvent été décrits comme capricieux, ce que Bernard Laporte a fait grimper aux rideaux. Marc Geneste utilise ce mot, même s’il se sentait un peu éloigné de tout ça. Appriou et Laporte avaient mis en place une véritable machine de guerre capable de paralyser l’adversaire : “ Bernard, Serge, Philippe et Vincent ont apporté un plus. Avec eux, on nous craignait, ça a tout changé. » nous a dit un jour un ami proche de l’équipe, qui ne veut pas manquer de respect aux autres. C’était un autre rugby, moins poli certes, plus hormonal. Et la force de ce titre de 91, c’est qu’il est resté une “photo d’une saison”. Le groupe a ensuite explosé en plein vol. La vague scélérate est retombée. Tant mieux pour la légende.

Fiche de données

À Paris (Parc des Princes), June 1, 1991. Bordeaux-Bègles beat Toulouse 19-10. Arbitre: M. Robin.

Bègles-Bordeaux: 2e Courtiols (6e), Mougeot (32e) ; 1T Sallefranque (6e), 2P Sallefranque (47e, 79e) ; 1DG Reigt (19e).

Toulouse : 2E Cazalbou (66e, 76e) ; 1T Ougier (76e).

Bègles-Bordeaux – M. Geneste (puis Ch. Delage, 79e) ; M. Sallefranque, R. Frentzel, Ph. Soulé, W. Téchoueyres ; (o) Ch. Reigt, (m) B. Par (cap.) ; M. Courtiols, JJ Alibert, S. Conchy ; Ch. Mougeot, A. Berthozat ; doctorat Gimbert (puis L. Vergé, 79e), V. Moscato. S.Simon.

Non entré en jeu : E. Michaud, F. Labat, P. Tauzin, Th. Clamens.

Toulouse – St. Ougier ; JM Rancoule, M. Marfaing, P. Bondouy (puis E. Bonneval, 61e), D. Berty ; (o) Ph. Rougé-Thomas, (m) J. Cazalbou ; B. Dalla Riva, A. Cigana (cap.), O. Marin ; J.-M. Cadieu, H. Miorin ; C. Portolan, P. Soula, G. Portolan (puis J. Gracias, 50e).

Non entré en jeu : E. Jamin, B. Coumes, H. Lecomte, Ph. Carbonneau.

 
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