Plus de 60 % du parc nautique du club de voile a été emporté par les vagues, certaines dunes sont endommagées par la mer, plus d’une dizaine de maisons sont menacées.
explique le maire d’Ambleteuse, village touristique de 2.000 habitants, situé entre Calais et Boulogne-sur-Mer, touché par le retrait du littoral. D’autres villes sont également touchées comme Wissant (300 m de retrait du littoral), Oye-Plage, Tardinghen… où des lotissements entiers sont menacés.
Retour sur le littoral du Moyen Âge
Depuis les années 2010, l’accélération du déclin de la marge inquiète les élus, les scientifiques et les citoyens de la région. L’effondrement d’une falaise en 2012 à Equihen-plage au sud de Boulogne-sur-Mer a tiré la sonnette d’alarme : le phénomène était en augmentation par rapport aux valeurs estimées à 100 ans dans le Plan de prévention des risques « Littoraux ». aux falaises »de 2007.
Nous revenons au littoral du Moyen Âge, en raison du changement climatique et de la montée du niveau des océans depuis le XIXème siècle. Même si d’une côte à l’autre, rien n’est pareil, comme l’explique Arnaud Hequette, chercheur au laboratoire d’océanologie et géosciences de l’Université du Littoral Côte d’Opale :
Par endroits, le trait de côte est stable, voire en progression, comme à l’est de Calais où il a avancé de 250 m depuis 1950, du fait de l’échouage d’un banc sableux et de l’urbanisation.
Une réalité nationale
En France, 20% du territoire français est aujourd’hui concerné par cette réalité, soit 500 communes qui doivent protéger leurs habitants et désormais gérer leurs déplacés climatiques quittant leurs habitations ou leurs fermes à cause de l’arrivée de la mer.
Les solutions pour tenter de gagner du temps passent souvent par un enrochement, une digue en béton ou une renaturation. Pour Arnaud Hequette, ces pistes ne sont pas idéales et il est judicieux de les associer à un re-ponçage comme à Dunkerque : « Le sable aide à absorber la houle. »
Des freins à l’action
Mais encore faut-il avoir les moyens et les autorisations administratives. En 2018, la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) des communes a été transférée de plein droit aux EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale), soit les communautés de communes.
Or, dans le texte de la Gemapi, l’érosion maritime n’est pas prise en compte. La taxe Gemapi payée par les citoyens ne couvre que l’entretien des digues. Pour le reste, les Communautés de Communes ne sont pas compétentes.
explique Stéphane Pinto. Personne ne semble donc vouloir prendre en charge la protection du littoral non endigué, où se trouvent notamment des habitations. Par ailleurs, l’article 33 de la loi du 16/09/1807 impose aux propriétaires privés menacés par la mer d’assurer eux-mêmes la protection de leurs biens.
Une situation grotesque avec le sentiment chez certains citoyens d’Ambleteuse que la Communauté de Communes de La terre des 2 caps tente de minimiser ses responsabilités, malgré la pression de la Chambre Régionale des Comptes qui la pousse à agir. Pour Hélène Boulet de l’association citoyenne de défense du littoral d’Ambleteuse :
Nous sommes inquiets du recul du littoral. La Communauté de Communes de Terre des 2 Caps n’utilise pas son budget pour nous protéger.
Stéphane Pinto est attristé : « Aucune solution n’a été mise en place, nous étudions toujours le phénomène au niveau des EPCI. » Un sentiment partagé par le maire de Wissant. D’où le désarroi de nombreux habitants du littoral qui se sentent abandonnés, de peur notamment de perdre leur logement.
Sources de financement
Et la question du financement n’est pas résolue. Si rien n’est fait, le coût de l’inaction rien que pour le logement pour les villes françaises touchées par le retrait du littoral est de 85 milliards d’euros (Source Cerema). Au-delà d’un Fonds national réclamé lors du dernier Congrès des maires, d’autres pistes existent : taxe de séjour, fonds européens, droits de mutation ou écotaxe pour les voitures. Pour Stéphane Pinto, dans le Nord-Pas-de-Calais, il faut aussi avoir une vision collective, pour gérer au mieux ce problème de Dunkerque à Boulogne.
En attendant le déblocage des fonds et le démarrage du Plan d’Adaptation du Gouvernement, des chercheurs de l’Université de la Côte travaillent aujourd’hui sur l’évolution du littoral sur 50 ans, avec le projet Cosaco : une cartographie accessible à tous, montrant l’évolution de le bord de mer, avec des solutions à trouver.
Pour en savoir plus
Regardez le débat Voix du Nord / RCF Hauts de France avec Stéphane Pinto, maire d’Ambleteuse, et Arnaud Hequette, chercheur à l’Université du Littoral, dans l’émission Commune Planète Hauts de France « Le littoral du Nord-Pas-de-Calais face au défi du recul du littoral » en podcast et sur You Tube, animé par Raphaëlle Remande de Voix du Nord et Anne Henry de RCF Hauts de France.