un an après les émeutes, des lueurs d’espoir dans les quartiers d’Annemasse

un an après les émeutes, des lueurs d’espoir dans les quartiers d’Annemasse
un an après les émeutes, des lueurs d’espoir dans les quartiers d’Annemasse

Jeudi soir, 18 heures, mi-juin. Alexandre Dorval est assis sur la place du Jumelage, entre une aire de jeux et un banc où des mamans vigilantes ont pris place. Autour, des jeunes virevoltent en scooter et interpellent l’adolescent. A 17 ans, le lycéen s’est déjà donné une mission : ” Prendre soin de (à) génération “, in the Perrier district, in Annemasse (Haute-Savoie).

Plusieurs soirs par semaine, il invite des dizaines de jeunes à se retrouver au pied des tours, sur la « piste de pompage » du coin, un petit circuit goudronné, avec des bosses et des virages. “Ils ont généralement entre 14 et 18 ans et ne savent pas quoi faire : plutôt que de se tourner vers des activités qui pourraient leur être néfastes, nous leur proposons de se défouler en faisant du skateboard ou du vélo”, il résume.

Il y a un an, le jeune homme et certains de ses amis s’apprêtaient à lancer l’association Jeunes de coeur, pour organiser des sorties intergénérationnelles, lorsque les premières émeutes éclatèrent suite à la mort de Nahel, à Nanterre. Annemasse connaît alors plusieurs nuits de troubles et de dégâts provoqués par un groupe d’une cinquantaine de jeunes, pour la plupart mineurs.

« Depuis le Covid, il y avait ce sentiment d’abandon et on savait que ça allait finir… C’est un moment qui nous a donné envie de reprendre les choses en main, un déclic. » Derrière lui, l’espace Nelson-Mandela, ancienne maison de jeunesse, porte encore les marques de cette époque : des ouvertures recouvertes de contreplaqué et une entrée condamnée. La place, symbole du quartier, a été incendiée dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2023.

Le choc, l’incompréhension, puis l’explication

Dans cette ville de 40 000 habitants, comme dans de nombreuses villes moyennes, ces violences ont d’abord fait un choc. Ici, plusieurs quartiers défavorisés et prioritaires, comme Le Perrier ou Romagny, sont depuis longtemps en proie à des points de trafic de drogue, “mais l’ambiance y est bonne, on ne peut pas les considérer comme des endroits chauds ou dangereux…”, estime une habitante, mère de trois jeunes enfants.

« J’ai juste besoin de donner quelques leçons de vie de temps en temps, mais jamais rien de trop grave ! “, » confirme un commerçant installé depuis quarante-cinq ans au pied d’un immeuble. Du côté municipal, « Nous étions au courant de quelques problèmes ponctuels, mais nous n’avons pas ressenti de crise particulière. » Habitants et élus finissent cependant par se rendre à l’évidence : ces violences, bien qu’amplifiées par le pouvoir des réseaux sociaux, expriment la colère d’une jeunesse en manque de considération.

Dans cette zone frontalière avec la Suisse, où les inégalités se font particulièrement sentir – Annemasse est la quatrième ville la plus inégalitaire du pays (Observatoire des inégalités, 2020) –, la précarité a progressivement augmenté, note Monia, mère de quatre enfants et présidente d’une association de parents : « De plus en plus de gens courent partout avec une qualité de vie à peine médiocre et cela pose des problèmes parentaux. »

Beaucoup y voient avant tout le résultat d’une histoire devenue ” un classique ” dans les quartiers : le déclin de l’éducation populaire. Comme Perrier. Il y a sept ans, la MJC, qui avait participé à l’émancipation de toute une génération de grands frères et grandes sœurs, fermait, suite à un problème de gestion financière. Il a depuis été remplacé par le service « Jeunesse » de la ville, avec des méthodes jugées plus strictes et moins adaptées.

“Il nous a manqué quelque chose avec les adolescents”

A la tête d’Annemasse depuis plus de quinze ans, Christian Dupessey raconte sa soudaine prise de conscience : « En quelques jours, on s’est rendu compte qu’il nous manquait quelque chose avec les adolescents. » Lors du premier conseil municipal post-émeute, le 5 juillet 2023, le maire (PS) a annoncé des « réunions de quartier ». L’idée? Sortir à la rencontre des habitants, notamment des jeunes, pour leur demander directement : ” De quoi avez-vous besoin ? »

Démarrée à l’automne, la démarche est portée par Nalisse, cabinet de conseil spécialisé dans la participation citoyenne, et s’appuie sur l’ensemble du tissu associatif. Résultat : plus de 1 200 contributions et des répondants âgés de 17 ans en moyenne.

Depuis, 114 actions ont été annoncées, allant de l’aménagement des espaces publics à la prévention de la délinquance. Une dizaine de postes ont été créés et six agents viennent d’être recrutés. Animateurs de jeunesse ou éducateurs spécialisés, ils arriveront sur le terrain dès le début de l’été.

“On les attend… Mais déjà, j’ai l’impression que nous avons enfin été entendus : nos enfants ont de l’ambition, ils ont juste besoin d’être encadrés par des adultes compétents, qui savent leur donner confiance et leur donner de bons conseils”, explique Samira, cofondatrice de Mamans de cœur, une association luttant contre l’isolement.

Des initiatives très attendues

De nombreux acteurs associatifs disent avoir profité de cette période pour discuter “questions fondamentales”, et parfois même commencer à travailler ensemble, à l’image du partenariat signé entre une association de parents d’élèves et la MJC de la ville. Ce « une dynamique générale » a naturellement débloqué des initiatives tant attendues.

« Depuis novembre, nous avons mis en place une grande séance de futsal, tous les vendredis soir, pour les jeunes adultes, explique Nadia Djebiha, éducatrice spécialisée en prévention pour l’association Passages, dans le quartier Romagny. C’est un espace social essentiel pour cette génération qui se sent marginalisée, et c’est vraiment très réussi !

Les différents acteurs de l’animation jeunesse ont opté pour quelques aménagements : retour des activités au pied des immeubles et travail en binôme entre agents de la ville et professionnels de la MJC, plus connue dans les quartiers. Parce que les visages familiers sont plus susceptibles d’atteindre leur cible.

Parmi les différentes rencontres ou sorties proposées par « Jeunes de cœur », certaines attirent régulièrement des mineurs ayant participé aux émeutes. « Ce qui me plaît, je pense, c’est que ce sont des propositions faites par eux et pour eux… J’ai même l’impression que certains ont changé d’état d’esprit ! “, se réjouit Alexandre, qui a vu le nombre de membres actifs de son association passer de 10 à 75 en seulement un an.

Cependant, tout le monde n’a pas bon espoir. À commencer par certains travailleurs sociaux qui, après des années de protestation, disent avoir abandonné. « Nous ne sommes pas encore venus nous parler et nous ne pouvons pas dire qu’il y a eu de grands changements », Lâchent également deux adolescents, croisés en bas d’un immeuble, qui avouent néanmoins avoir entendu parler de “nouvelles choses” pour eux. De plus, il faudra encore du temps pour atteindre « équilibre et apaisement », résume Xavier Chantoiseau, directeur de la MJC. Mais il en est convaincu : « La tension est retombée. »

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Un lourd tribut

La mission d’information créée au Sénat pour analyser les émeutes a rendu ses conclusions le 9 avril 2024. Les élus ont décrit un « Une poussée de violence sans précédent »qui a fait 1 000 blessés et 1 milliard d’euros de dégâts.

L’émeutier typique serait « un homme âgé de 23 ans en moyenne, célibataire, sans enfants, résidant souvent chez ses parents, titulaire d’un diplôme d’études secondaires, bac maximum, travaillant majoritairement. Plus précisément, 91 % des auteurs sont des hommes, 71 % sont de nationalité française », décrire les sénateurs.

Les violences, initialement cantonnées aux alentours de Nanterre (Hauts-de-Seine), have “basculé vers une phase insurrectionnelle sur l’ensemble du territoire” jusqu’au 1er juillet, avant de retomber immédiatement.

 
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