Le choix de la société française Verso Energy s’est porté sur l’usine de pâte à papier du groupe américain Sylvamo, située à Saillat-sur-Vienne, car elle rejette des tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Ce CO2 intéresse le porteur de projet qui envisage de le capter, de le transformer et de le recycler en combustibles d’origine non fossile. Un projet à la fois innovant car unique en France et ayant un impact pour répondre aux besoins futurs des secteurs aéronautique et maritime.
Un accord a été signé le 7 juin entre l’énergéticien Verso Energy, créé en 2021, et le papetier Sylvamo pour réaliser une étude de faisabilité en vue de construire une giga-usine. Si le projet réussit, il produira du carburant sans carbone pour les avions appelé SAF. L’investissement est estimé à environ un milliard d’euros, l’un des plus importants jamais réalisés sur ce territoire.
Ce croquis représente le projet de centrale à hydrogène CarlHyng, développé en Moselle par Verso Energy. Il ressemble au projet de Saillat-sur-Vienne à proximité de l’unité papetière Sylvamo.
Pour produire ces carburants de synthèse, il faudra capter les émissions de CO2 rejetées par l’usine papetière et combiner le CO2 avec de l’hydrogène produit à partir d’électricité décarbonée. Après réaction chimique, les deux molécules formeront du méthanol qui pourra être utilisé comme carburant. « Il ne sera pas nécessaire d’attendre un hypothétique avion à hydrogène précise Antoine Huard, cofondateur et directeur général de Verso Énergie, « On peut le mettre dans les avions actuels. L’avion va bien sûr réémettre du CO2 mais le CO2 émis par la papeterie vient des arbres et a déjà été capté dans l’atmosphère, c’est du CO2 biogénique. »
« 150 000 tonnes d’eSAF par an »
La ressource CO2 étant renouvelable, le potentiel semble très important. « On va capter ce que Sylvamo émet, soit 630 000 tonnes de CO2 par an » il continue, il faudra le combiner avec 95 000 tonnes d’hydrogène pour une production estimée à 150 000 tonnes d’eSAF par an. C’est déjà beaucoup, mais d’autres projets comme celui-ci seront nécessaires pour répondre aux besoins des compagnies aériennes. » Verso Energy développe deux projets de ce type en Moselle et à Rouen.
À partir de 2030, les compagnies aériennes volant en Europe devront utiliser 1,2 % de carburants synthétiques pour se conformer à la réglementation appelée ReFuelEU Aviation. « Cette obligation fait qu’on a un marché même si ce carburant sera plus cher » il annonce, ce pourcentage augmentera progressivement pour atteindre environ 30 % en 2050. »
« Un millier de personnes mobilisées pendant le chantier »
L’étude de faisabilité durerait entre 12 et 18 mois et, si elle est concluante, Verso Energy déposerait une demande d’autorisation d’ici fin 2025 pour la construction de cette unité. La mise en service de l’usine est prévue pour 2029. La future usine serait construite comme une extension de l’usine Sylvamo pour faciliter le processus industriel. « Nous avons déjà signé des accords fonciers sur des parcelles mais d’autres parcelles sont à acquérir, il rapporte, « Le projet est toutefois réalisable en l’état. Il faudra tenir compte des contraintes en termes d’urbanisme et d’environnement. »
Le projet concerne la construction d’un électrolyseur et d’une unité de production de carburant, un projet de trois ans qui impliquerait un millier de personnes. Cent vingt emplois directs seraient alors créés, plus 180 induits. « La valorisation de cet important gisement de CO2 biogénique permettra de contribuer au déploiement d’une filière française de production de carburants durables pour réduire l’empreinte carbone d’activités difficiles à décarboner, dans l’industrie ou le transport aérien. indique-t-il. C’est un levier essentiel à la fois pour respecter les engagements climatiques de ces filières et pour maintenir une activité industrielle dynamique et innovante sur nos territoires. »
En cas de succès du projet, Sylvamo deviendrait fournisseur de Verso Energy sans impact sur sa production de pâte et papier pour son usine de Saillat-sur-Vienne. « Nous sommes intéressés par le concept proposé par Verso Energy de transformer le dioxyde de carbone biogénique en carburant d’aviation durable » déclare Oliver Taudien, vice-président et directeur général de Sylvamo Europe. Un projet ambitieux et très attendu sur ce territoire.
