« Ce que je retiendrai de la Lozère, ce sont avant tout les gens »

« Ce que je retiendrai de la Lozère, ce sont avant tout les gens »
« Ce que je retiendrai de la Lozère, ce sont avant tout les gens »

Philippe Castanet quittera la Lozère et sa préfecture le samedi 23 novembre 2024 au soir. La cérémonie d’installation de son successeur, Gilles Quénéhervé, aura lieu lundi 25 à 11h40. Pour les partants, l’heure est au bilan.

A la veille de votre départ, quel bilan tirez-vous de ces 32 mois passés en Lozère ?

Je pense que j’ai travaillé dur. Évidemment, nous partons toujours trop tôt. Tout n’est pas fini. C’est une tâche qui ne finit jamais. J’ai donné beaucoup d’énergie. J’en retire beaucoup de bons souvenirs. J’ai vu des gens magnifiques.

J’ai pu faire des choses que j’aimais. Ce que j’aime beaucoup, c’est le contact, les visites de communautés, d’entreprises, de fermes, d’usines, d’artisans. J’ai visité 90 communes et rempli une carte du département pour voir où je n’étais pas allé. Je me suis rendu compte, un jour, que je n’étais pas allé dans le sud de l’Aubrac. J’ai demandé aux maires de passer une journée avec eux. J’ai mal choisi ma journée, car il faisait un froid glacial ! Mais j’ai beaucoup apprécié la truffade de Trébatut. Il y a encore des domaines que je n’ai pas pu bien explorer. J’aurais dû aller à Saint-Juéry parce que c’est magnifique, me dit-on. J’y vais la prochaine fois, il faudra que je revienne !

Ces trente-deux mois ont été très chargés !

Ces deux années et demie ont été très riches. J’ai pu exercer toutes les facettes du métier de préfet. Représenter l’Etat, gérer les services, garantir des exercices démocratiques de qualité. J’ai tenu deux élections législatives, une élection européenne, une élection sénatoriale, des élections municipales et intermédiaires, des élections diverses et variées qu’on ne voit pas. Tout s’est bien passé. Ce sont des processus électoraux que nous organisons ou supervisons. Ils garantissent que la est bien un pays démocratique. Et puis il y a les questions d’ordre public, de sécurité civile, tout cela revenait constamment. La Lozère est un département très actif. Et comme nous sommes peu nombreux à diriger, et c’est vrai dans les communes, c’est vrai dans le département, c’est vrai côté Etat, on est toujours en mouvement.

Par ailleurs, je remercie le personnel de la préfecture et tous les services de l’Etat pour le travail réalisé ensemble.

On est très sollicité quand on est préfet…

Et en Lozère, peut-être même plus qu’ailleurs ! Certains disent que la Lozère est le plus petit département de France. C’est faux d’ailleurs, car c’est le Territoire de Belfort qui est le plus petit, et le moins peuplé, c’est Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais c’est sans doute le plus grand village de France.

C’est convivial, les gens se connaissent, on se salue

Ce qui a d’immenses avantages, car c’est convivial, les gens se connaissent, on se salue. Les sujets de conversation ne manquent pas. Mais quand on fait du shopping, on peut avoir des moments de solitude, avec des sujets qui nous viennent à l’esprit et sur lesquels on n’a peut-être pas toutes les informations. Je me suis rendu assez fort pour toujours avoir presque tout en tête, pour pouvoir continuer la discussion, même au coin de la rue.

Quelles problématiques vous tenaient particulièrement à cœur ?

En réalité, j’ai tout pris à cœur car il n’y a pas de petits fichiers et de gros fichiers. Mais je cite souvent la pisciculture de Villefort, qui est un des premiers projets que j’ai cofinancé et que j’ai eu la chance d’inaugurer à l’été 2023. Il y avait aussi l’Hôtel du Rochefort à Florac. Nous avons lancé l’opération et j’ai eu le plaisir de l’inaugurer il y a quelques semaines.

Vous avez aussi souvent parlé de production d’énergie…

Les énergies renouvelables, c’était un peu mon premier et dernier acte. Depuis j’ai pratiquement commencé par inaugurer la centrale photovoltaïque de La Tieule. Et le dernier acte que je vais signer, c’est le refus des éoliennes de la Croix de Bor. Je considère qu’il est inacceptable que les éoliennes soient plus hautes que les montagnes. Mais ce territoire doit inventer un système dans lequel il soit énergétiquement autosuffisant. Et c’est exactement ce sur quoi nous avons jeté notre dévolu. C’est-à-dire que nous produisons la moitié de l’énergie que nous consommons, nous devons produire l’autre moitié. Et pour cela, nous avons le vent, l’eau et le soleil. Il doit y avoir un équilibre.

Parmi les dossiers de longue durée, il y avait aussi le loup.

Durant mon séjour ici, nous avons abattu les premiers loups dans des conditions régulières, ce qui a permis de réduire la pression sur les troupeaux. Nous avons eu plus de 500 victimes en 2022 ; nous passerons à 250 cette année.

Nous avons abattu les premiers loups

Certes, c’est 250 de trop, mais c’est deux fois moins. Et on aura sans doute tué trois loups cette année (le troisième a été blessé, on pense qu’il n’a pas survécu, NDLR). On voit que les attaques ont cessé. Nous démontrons que nous pouvons pleinement mettre en œuvre le plan loup. Nous mettons en place des bergers auxiliaires. Nous sommes capables de tirer sur des loups. Nous avons augmenté l’aide à la protection. Nous faisons quelque chose. Ce n’est jamais terminé, mais c’est en bonne voie.

Nous avons également travaillé pour résoudre la question des prairies sensibles. Ce n’est pas complètement résolu, mais nous avons dû secourir 70 % des agriculteurs qui étaient coincés.

Quelle image garderez-vous de la Lozère ?

Les paysages sont magnifiques, évidemment. Un peu trop vide à mon goût. Je pense que la Lozère doit avoir l’idée que la vitalité du territoire, c’est sa population.

La vitalité du territoire, c’est sa population

Et pour qu’il y ait une population, il faut qu’il y ait de l’activité. Je pense donc qu’il ne faut pas cacher cette activité. Je ne suis pas sûr qu’on ait raison de n’inclure que des paysages vides quand on fait la promotion de la Lozère à l’extérieur. Ce dont je me souviendrai le plus, ce sont les gens. Une population très ouverte, extrêmement accueillante. Qui accepte la discussion. Qui, quand elle conclut un marché, le tient.

Avez-vous des regrets ?

Oui, car il y a des dossiers que nous n’avons pas pu boucler. Il y a encore des choses à faire. Je laisserai des suggestions à mon successeur !

Je ne pouvais pas faire le plan de défense de la forêt contre le feu comme je l’imaginais par exemple. J’aurais aimé intervenir davantage dans le domaine économique pour soutenir le développement et la création d’entreprises. J’aurais aussi aimé débloquer le compteur des logements vacants. Ce nombre de logements doit absolument être réduit. Il manque 2 000 logements locatifs en Lozère. Je vous assure qu’ils manquent car il y a des gens qui sont logés dans des passoires énergétiques. Et nous avons plus de 6 000 logements vacants. Il suffirait d’en rénover un tiers et de les louer, ce n’est pas la fin du monde.

Je pars dans moins de trois ans, il me manquait donc quelques mois pour parfaire mes acquis. Si j’avais eu un peu plus de temps, je me serais moins précipité à la fin de l’exercice.

Savez-vous ce qui vous attend ensuite ?

Je n’ai pas encore signé, mais je devrais être directeur général des services de la métropole du Grand Paris. Voilà donc le grand écart. Je passe de 76 000 habitants en hiver et 200 000 en plein été à 7 200 000 habitants. Il existe pourtant des problèmes communs, comme les difficultés de recrutement. D’ailleurs, en arrivant en Lozère, j’ai trouvé qu’il n’y avait pas une grande différence. Et c’est pourquoi j’ai proclamé dans la ville et dans le monde que la Lozère ne doit pas être considérée comme une île. Non, la Lozère ressemble aux autres départements, mais chacun a sa spécificité. Il vaut mieux construire des réponses avec les autres sur ce qui nous rassemble plutôt que de rechercher un splendide isolement. Les clients de Lozère sont dehors. Nous avons des entreprises, des acteurs économiques et même nos éleveurs pressés d’exporter.

Quel message souhaiteriez-vous laisser aux Lozériens ?

Durant mon séjour en Lozère, 3 000 Lozériens sont morts ; 1 300 sont nés. Et 1 800 se sont installés en Lozère. Il faut faire en sorte que ces 1 800 nouvelles personnes se sentent bien en Lozère, qu’elles soient bien intégrées dans le tissu socio-économique, et qu’on leur permette de s’épanouir pleinement.

L’oxygène de la Lozère, c’est les gens qu’elle accueille

Aujourd’hui, nous avons une capacité de produire de la jeunesse, si j’ose dire, qui est limitée, c’est comme ça, donc il faut absolument capter les compétences, et pour cela il faut créer de l’envie. La Lozère doit rester oxygénée. L’oxygène de la Lozère n’est pas seulement celui de l’air, c’est celui des personnes qu’elle accueille.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV La participation nationale était de 35% à midi
NEXT « Si l’un ou l’autre de nos meilleurs joueurs avait pu être là… »