La peut-elle vraiment bloquer le traité entre l’Union européenne et le Mercosur ?

La peut-elle vraiment bloquer le traité entre l’Union européenne et le Mercosur ?
La France peut-elle vraiment bloquer le traité entre l’Union européenne et le Mercosur ?

La colère agricole s’exprime une nouvelle fois contre le traité entre l’Union européenne et le Mercosur. L’alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a lancé ce lundi un nouveau cycle de mobilisation agricole. Dans leur ligne de mire : ce projet d’accord de libre-échange entre l’UE et plusieurs pays d’Amérique du Sud.

“Nous continuerons à nous opposer” à ce traité, a tenté de rassurer dimanche Emmanuel Macron, en déplacement en Argentine avant le G20. Mais la peut-elle vraiment bloquer un processus que l’Europe souhaiterait achever d’ici la fin de l’année ?

Qu’est-ce que ce traité UE-Mercosur ?

Ce vaste traité de libre-échange, négocié depuis plus de vingt ans avec les pays du Mercosur (abréviation de « marché commun du sud » comprenant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie), pourrait être finalisé avant la fin de l’année. “Ce serait le traité le plus important conclu par l’Union européenne en termes de volumes (entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations) et de personnes concernées (plus de 700 millions)”, rappelle Olivier Costa, directeur de recherche CNRS au CEVIPOF.

Le texte prévoit notamment des quotas d’importation en Europe sans droits de douane ou à taux réduits pour le bœuf, la volaille, le sucre, le maïs ou encore l’éthanol. En échange, l’UE pourrait exporter plus facilement ses voitures, ses machines ou ses produits pharmaceutiques. « Ce traité massif arrive à point nommé pour de nombreux pays exportateurs, inquiets du protectionnisme promis par Donald Trump et des pressions chinoises. Ils voient un moyen de trouver de nouveaux débouchés, notamment pour l’industrie automobile», ajoute le spécialiste des questions européennes.

Pourquoi la France s’y oppose-t-elle ?

Il existe en France – et c’est assez rare pour le souligner – une forme de consensus contre le traité. Une très large majorité de la classe politique craint que l’agriculture française ne subisse une concurrence déloyale de produits non soumis aux normes environnementales et sanitaires plus strictes en vigueur en Europe. Pas moins de 600 parlementaires français ont adressé la semaine dernière une lettre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour réitérer leur opposition. Dans le sillage du chef de l’Etat, Michel Barnier a également exprimé son « inquiétude de voir un traité de libre-échange entraîner la destruction de pans entiers de notre agriculture ».

« Le traité serait positif pour les secteurs français du luxe ou des vins et spiritueux. Mais l’agriculture a toujours bénéficié d’une attention particulière de la classe politique », constate Olivier Costa. Emmanuel Macron a notamment demandé « un respect substantiel des Accords de Paris (sur le climat), des clauses miroir et la protection des intérêts des industries et des agriculteurs européens ».

La France peut-elle bloquer la finalisation du traité ?

La Commission européenne est l’unique négociateur des accords commerciaux. Pressée notamment par l’Espagne et l’Allemagne, Ursula von der Leyen a affirmé dimanche que les négociations étaient “dans la dernière ligne droite” avant une signature, qui pourrait intervenir lors du sommet du Mercosur les 5 et 6 décembre en Uruguay. Cela pourrait-il se faire sans la France ? “Pour valider le traité, un vote unanime du Conseil, une ratification par le Parlement européen et une ratification par les 27 États membres de l’UE sont alors nécessaires, car le texte global contient également des dispositions non commerciales qui empiètent sur les compétences nationales”, » explique Olivier Costa.

La Commission pourrait donc choisir une voie détournée : diviser le texte en deux parties. L’aspect strictement commercial (au cœur des polémiques) pourrait alors être adopté plus facilement. « La Commission n’aurait alors besoin que d’une majorité qualifiée, ou d’au moins quinze pays, représentant 65 % de la population européenne. La France ne pouvait plus user de son droit de veto », ajoute le chercheur.

Alors que pourrait faire la France ?

Dans cette perspective, la France devrait alors trouver des alliés, qui représentent au moins 35 % de la population européenne, pour bloquer le texte. “Il y a un travail diplomatique intense qui se fait aujourd’hui”, a reconnu Annie Genevard sur France Bleu Besançon ce lundi. Le ministre de l’Agriculture a évoqué des discussions en cours ou à venir avec les Pays-Bas, l’Italie et la Pologne. “Nous nous efforçons de former une minorité de veto sur cet accord qui n’est pas un bon accord”, a-t-elle confirmé.

«Emmanuel Macron ne peut pas dire qu’il ne fait rien, mais la France est en réalité relativement isolée sur ce dossier. Elle n’est pas non plus aidée par la situation politique intérieure, avec un gouvernement Barnier en sursis, qui la fragilise sur la scène européenne », analyse Olivier Costa. En cas d’échec, la France porterait ses derniers espoirs au niveau du Parlement européen, qui devra également ratifier le traité controversé pour qu’il soit appliqué.

 
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