« Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! Des cris, en portugais, suppliant de ne pas tirer, viennent des sous-sols du 23 boulevard François-Grosso, à Nice. Il était environ 18 heures dimanche lorsque le quartier a été alerté par des voix féminines fortes, auxquelles ont répondu des cris masculins. Quelques instants plus tôt, un homme avait été aperçu sur le trottoir, armé d’un fusil, avant de s’engouffrer dans le premier étage du parking privé de l’immeuble Bel Air Mansion.
Prévenue via un point d’appel d’urgence, la police municipale arrive sur place en moins de dix minutes. Plongez sous terre à votre tour. La clameur s’aggrave. Une femme s’en sort de peu, paralysée mais physiquement indemne, encerclée par la police.
Prise en otage, elle a voulu le raisonner
Des minutes interminables s’écoulent, le scandale semble s’être estompé. Un silence mort-né, déchiré par une explosion. Le fou vient de se suicider.
Les premiers éléments du drame évoquent une prise d’otages. Une lecture des faits reproduits sur notre site Internet. En réalité, il n’en était rien.
« Il n’y avait pas d’otage. La dame est une amie qui a voulu le raisonner, pour éviter l’irréparable. Rui n’aurait jamais fait de mal à personne… sauf lui”, confie gentiment Isabela Alves. La belle-fille du défunt a contacté notre journal pour remettre les pendules à l’heure. Sans amertume. Mais pas sans émotion. En quelques mots feutrés de pudeur, assourdissant sa douleur, elle livre le récit glaçant d’un glissement vers la démence.
Se perdre dans la paranoïa
Cela fait six mois que son beau-père ne dort presque plus. Par soucis ? Par maladie ? Le quadra d’origine portugaise ne pouvait pas l’expliquer. Je n’ai pas demandé d’aide. Aucun diagnostic ne sera posé. Mais de nuit d’insomnie en nuit d’insomnie, sa nature, aussi joviale que secourable, se perdait dans la paranoïa. En septembre, croyant être pourchassé dans tout le bâtiment, il finit par être hospitalisé. Quelques jours. Pas assez. « Sans son accord, il est impossible de le faire soigner dans un établissement psychiatrique », déplore la belle-fille, laissant échapper son impuissance et contenant sa colère face à « l’inaction des services de santé ».
« Il y aura une rechute. Il y a toujours une rechute », se dit-elle. Dimanche, il lui a malheureusement donné raison. En pleine décompensation, Rui Nóbrega Gonçalves saisit le fusil appartenant à son fils de 22 ans, détenteur d’armes. Il se précipite vers le parking après être sorti sur le boulevard François-Grosso. Une amie, Marli Marcelino, l’a vu, s’est lancée après lui, l’a rattrapé devant le box du sous-sol.
“Ne le tuez pas!”
« Non disparaît ! Non disparaît ! Les cris ne découragent pas les désespérés. Mais faites intervenir la police municipale. La patrouille s’engouffre dans le garage, revolvers à la main. S’ensuit un face-à-face insupportable. « Não o matem », crie l’amie qui se jette sur le fou, s’interposant entre lui et les agents. Ne parlant pas portugais, ils ne comprennent pas que la femme les supplie de ne pas le tuer. La confusion est totale. Le danger, maximum. Un coup de feu pourrait retentir à tout moment.
“Pas de lettres”
Faisant preuve d’un immense sang-froid, la police tente de désamorcer la situation. En vain. L’homme a fini par lancer un sinistre ultimatum à son ami : « Je ne veux pas que tu voies ça, Marli, s’il te plaît, va-t’en. De toute façon, je vais me suicider. Terrifiée, la femme cède et se rend aux policiers, qui parviennent à la sauver. Mais Rui Nóbrega Gonçalves ne parviendra pas à le raisonner.
Impossible de savoir s’il a entendu le désarroi de sa femme avant de mourir. Devant l’entrée du parking, Lígia pleurait d’incompréhension. « Il n’y avait aucun soutien psychologique », déplore Isabela Alvès.
Seules face au chagrin, la mère et la fille ont du mal à se réaliser. “Pourquoi a-t-il fait ça?” demande la belle-fille. « Au fond, je ne pense pas qu’il voulait vraiment se suicider. Peut-être s’est-il dit : maintenant qu’il y a la police, c’est la prison ou la mort. Je ne sais pas . Il n’a laissé aucune lettre.