l’autre bataille de Sainte-Foy

l’autre bataille de Sainte-Foy
l’autre bataille de Sainte-Foy

Il y a vingt ans, des référendums sur les scissions permettaient à 31 municipalités québécoises de retrouver leur autonomie, après un bref mariage qui n’a duré que trois ans. À Montréal, Longueuil et Québec, les divorces ont plongé les villes dans des querelles parfois acrimonieuses. Deux décennies plus tard, la poussière est retombée, mais une sorte d’amertume demeure parmi les scissionnistes et les défenseurs des grandes villes.

Même si le Québec était l’un des endroits où le mouvement défusionniste était le plus mobilisé et le plus bruyant il y a 20 ans, peu de traces subsistent aujourd’hui de ce combat désormais cantonné aux tribunaux.

Il faut relire la revue de presse de l’époque pour se rappeler à quel point c’était tendu. “Les défusionnistes expriment leur rage”, titre Le soleilau lendemain du référendum, le 21 juin.

Seules les villes de Saint-Augustin-de-Desmaures et de L’Ancienne-Lorette avaient voté la scission, alors que le mouvement comptait au moins sur des victoires à Sainte-Foy et à Sillery.

Dans son texte, le journaliste Alain Bouchard (aujourd’hui décédé) raconte comment certains dirigeants défusionnistes s’en sont pris à des journalistes comme lui au vu des résultats.

« Après avoir convoqué furieusement le journaliste de Soleil quitter les locaux de cette équipe, au sous-sol de l’église Sainte-Ursule, Bergevin [Jean-Marc, président du comité défusionniste de Sainte-Foy] a appelé la police pour l’éloigner. L’un de ses adjoints a, de son côté, demandé au journaliste de Soleil de « fermer sa gueule et de crier son camp », en menaçant de le faire sortir lui-même, s’il ne daignait pas obtempérer. »

Les référendums ont sonné le glas d’une bataille politique qui a duré quatre longues années. En novembre 2000, 5 000 personnes ont manifesté devant le Parlement pour exhorter le gouvernement Bouchard à ne pas procéder aux fusions. Coiffée d’une couronne aux armoiries de Sainte-Foy, la mairesse Andrée P. Boucher a lancé haut et fort un « Vive les municipalités libres ! « .

Or, le « oui » à la scission n’a recueilli que 28 % des voix lors du référendum, alors qu’il fallait franchir le seuil des 35 % pour l’emporter. Le taux de participation nécessaire à une victoire (50%) n’avait pas non plus été atteint.

À Sillery, où la mobilisation a été très forte, les résultats ont été plus serrés. Le « Oui » avait recueilli 33,5 %.

Nostalgie à Sillery

Mais vingt ans plus tard, le maire de l’époque, Paul Shoiry, estime que les référendums ont joué leur rôle. « La population a eu la possibilité de retrouver une certaine autonomie dans un contexte nouveau. »

Depuis, les gens ont évolué, observe-t-il. « Les gens de Saint-Augustin et de L’Ancienne-Lorette sont contents et, ailleurs, les gens ont fini par accepter. »

M. Shoiry lui-même a tourné la page de sa carrière d’élu. De 2001 à 2017, il a été conseiller municipal du district de Sillery dans la ville nouvellement fusionnée.

Il se demande souvent à quoi aurait ressemblé sa vie professionnelle si Sillery avait scissionné. « J’ai passé à peu près le même nombre d’années à Sillery que comme conseiller à la Ville de Québec », note-t-il. « Oui, cela aurait été très différent. »

“Les gens m’en parlent encore”, dit-il, ajoutant que certains habitants sont “nostalgiques” du bon vieux temps car “les élus sont plus proches des citoyens” dans les petites villes.

Paul Shoiry est l’un des rares maires du camp défusionniste du Québec à être encore en vie. Ralph Mercier (Charlesbourg), Jacques Langlois (Beauport), Émile Loranger (L’Ancienne-Lorette) et Andrée P. Boucher (Sainte-Foy) sont tous décédés.

Le rôle inattendu d’Andrée P. Boucher

Selon Régis Labeaume, le Québec doit beaucoup à Jean-Paul L’Allier pour le succès des fusions. Mais c’est peut-être Andrée P. Boucher qui, malgré elle, a contribué à légitimer la nouvelle structure en devenant maire de la nouvelle ville en 2005.

« Par sa simple présence à la mairie, elle a cristallisé et fait de cette fusion une réalité dans les esprits de tous », note-t-il.

« C’est une chance que Jean-Paul [L’Allier] l’a fait, mais que le maire a également été élu. Parce que si ça avait été quelqu’un de la vieille Ville de Québec, ils auraient continué à mâcher des chiffons […]. »

Ainsi, lorsque M. Labeaume prend le pouvoir en 2007, d’autres sujets déchaînent les passions. Et lui-même se présente davantage comme « un gars de banlieue que de la vieille ville ». « Comme j’étais dans la lignée de Mmoi Boucher, ça a résolu le problème.

Le souvenir des scissions réapparaît certainement au moment du budget quand on mesure ce qui reste à payer du déficit de l’ancienne Ville de Québec ou dans les débats sur les services locaux et les arrondissements.

Mais c’est surtout devant les tribunaux que le dossier des scissions restera vivace. S’estimant victime d’une injustice dans le calcul de la part, L’Ancienne-Lorette a poursuivi la Ville de Québec en justice en 2011.

En 2018, la Cour supérieure a condamné Québec à verser 38 millions de dollars à L’Ancienne-Lorette ainsi qu’à Saint-Augustin-de-Desmaures. Une décision confirmée par la Cour d’appel en 2021. Tout n’est pas réglé autrement car le jugement ne couvrait que les années 2008 à 2015.

Une poignée de cas hors Québec et dans la grande région de Montréal

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