Trop de sucre, de gras et de sel à l’épicerie

Trop de sucre, de gras et de sel à l’épicerie
Trop de sucre, de gras et de sel à l’épicerie

De 2016 à 2022, une équipe de chercheurs de l’Institut de nutrition et d’aliments fonctionnels de l’Université Laval (INAF) a observé 5 132 produits alimentaires sur les tablettes du Québec.

Globalement, 66 % des produits achetés par les Québécois contiennent des niveaux élevés de gras saturés, de sucres ou de sodium.

C’est beaucoup, selon les chercheuses Julie Perron et Laurélie Trudel de l’INAF. Mais elles constatent que les achats des Québécois reflètent surtout l’offre alimentaire disponible sur les tablettes, qui gagnerait à être améliorée d’un point de vue nutritionnel.

« Nous faisons des choix en fonction de ce qui est proposé. Ce qui est offert, c’est ce qui s’achète», assure Julie Perron, chercheuse en nutrition à l’Observatoire de la qualité de l’approvisionnement alimentaire.

C’est pourquoi des nutritionnistes de formation ont profité de leurs recherches pour faire des recommandations aux entreprises afin qu’elles puissent améliorer leurs produits. Et une nouvelle politique de Santé Canada pourrait bien leur donner un coup de main.

Un « contexte favorable »

Le rapport de l’INAF arrive à point nommé puisqu’une nouvelle étiquette nutritionnelle apparaîtra sur le marché d’ici janvier 2026, comme l’exige Santé Canada. Tous les aliments riches en sucres, en sodium ou en graisses saturées devront afficher un avertissement sur l’emballage au plus tard le 1er janvier 2026.

« 60 % des aliments étudiés auraient été apposés du symbole d’avertissement », souligne Laurélie Trudel, directrice adjointe de l’INAF.

“Nous nous attendions à ce qu’une bonne proportion porte le symbole, mais 60%, c’est quand même significatif.”

— Julie Perron, chercheuse en nutrition à l’Observatoire de la qualité de l’approvisionnement alimentaire de l’INAF

Mais Mme Trudel et Mme Perron se disent « pleines d’espoir » que l’industrie alimentaire s’améliore, notamment grâce à des incitatifs comme l’avertissement nutritionnel. «Au Québec, actuellement, beaucoup d’efforts sont déployés pour que cette amélioration se produise», félicite Laurélie Trudel.

« Ce que nous souhaitons, c’est faire évoluer l’industrie vers une offre industrielle améliorée », insiste-t-elle. Les chercheurs estiment que leurs recommandations arrivent à point nommé puisque l’étiquetage obligatoire de Santé Canada arrivera dans un peu plus d’un an.

“Est le secouer un peu et nous espérons contribuer aux efforts des fabricants pour améliorer l’offre nutritionnelle», affirme Laurélie Trudel.

Un exemple d’étiquette qui devra être apposée sur les aliments contenant trop de sucre, de sodium et/ou de gras. (Santé Canada)

Les sucres, le sodium et les graisses saturées ont été ciblés par Santé Canada en raison des risques pour la santé qu’ils posent, notamment les accidents vasculaires cérébraux, les maladies cardiaques, le diabète de type 2 et l’hypertension artérielle.

Avoir les moyens de choisir

L’Observatoire accompagne son rapport de recommandations destinées aux citoyens cherchant à choisir des options plus saines.

Du popcorn plutôt que des chips, des crackers nature plutôt que assaisonnés, éviter les céréales pour enfants car sucrées : rien de très surprenant.

Mais nous devons encore être capables de faire des choix meilleurs pour notre santé.

« Globalement, bien manger coûte plus cher », affirme Élise Carbonneau, chercheuse en nutrition à l’INAF.

Les familles choisissent parfois des aliments transformés pour obtenir plus de calories pour leur argent. (Robert Skinner/Archives La Presse)

Parmi les facteurs qui contribuent à cette réalité, elle identifie d’abord les fruits et légumes frais, plus chers. “En termes de qualité alimentaire, ce sont des aliments qui ont une très bonne valeur nutritionnelle, mais ce ne sont pas des aliments riches en calories”, ce qui n’est pas très rentable pour un petit porte-monnaie, explique le chercheur.

« Si on fait la comparaison pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’argent et qui veut le plus possible de son argent pour réussir à nourrir sa famille, s’il achète des crêpes avec beaucoup de sucre et beaucoup de gras, les gens auront un appétit beaucoup plus satisfait que s’ils achetaient une pomme.

— Élise Carbonneau, chercheuse à l’INAF et professeure de nutrition à l’Université Laval

« Nous comprenons qu’ils font des choix pour tirer le meilleur parti de l’argent dont nous disposons en achetant le plus grand nombre de calories possible. C’est un choix vraiment judicieux à faire lorsque le budget est limité. En termes de valeur nutritionnelle, cela devient moins intéressant», estime Élise Carbonneau.

La santé et la saine alimentation vont donc bien au-delà des décisions individuelles une fois dans les allées des épiceries, insiste le professeur adjoint à l’Université Laval. « Ce qu’il faut faire pour aider ces familles, c’est rendre les choix sains plus facilement accessibles et pas plus chers que les autres. »

Le poids de l’argent

Élise Carbonneau est très optimiste quant au rapport de ses collègues, qui pourrait avoir un réel impact sur la santé à long terme des Québécois. « Un rapport comme celui-ci fait pression pour que les politiques soient modifiées, afin que des choix sains soient plus faciles à faire. »

“Ils se rendent compte que s’ils ne changent pas la valeur nutritionnelle de leurs produits, cela risque de faire baisser leurs ventes, c’est là qu’ils seront enclins à faire des changements, c’est là que nous pouvons avoir de l’espoir.”

Malgré un léger découragement à l’idée que c’est la pression économique qui peut changer les choses, les incitations sont « gagnantes », estime-t-elle.

“J’aimerais que la pression pour rendre la population en bonne santé soit plus grande, mais si c’est la pression économique qu’il faut, c’est ce qu’il faut !”

— Élise Carbonneau, chercheuse à l’INAF et professeure de nutrition à l’Université Laval

QUELQUES REMARQUES

  • Près de la moitié des produits achetés ont une teneur élevée en sodium, un constat « majeur » selon les chercheurs.
  • Cinq catégories ont été ciblées par les chercheurs comme prioritaires à améliorer : les pains de mie, les céréales pour petit-déjeuner, les biscuits et les crêpes, les produits fromagers et les collations salées.
  • Selon les chercheurs de l’INAF, les Québécois ont le « palais sucré » plus que partout ailleurs dans le monde.
 
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