Pères célibataires | Une réalité à reconnaître

Pères célibataires | Une réalité à reconnaître
Pères célibataires | Une réalité à reconnaître

Encore trop peu soutenus, les pères représentent un chef de famille monoparentale sur quatre au Québec. Qui sont-ils ? De quoi ont-ils besoin? Focus sur une réalité méconnue.


Publié à 1h32

Mis à jour à 7h00

“Cette année, j’ai appris à jouer avec des poupées !” »

Au bout du fil, Yannick Lafranchise Giroux, père de quatre enfants, dont une fillette de 22 mois, parle de sa nouvelle routine avec ses enfants.

Depuis neuf mois, la quadragénaire a la garde exclusive des enfants, dont deux d’âge scolaire, en plus du bébé. Hébergée par un organisme communautaire de sa région, la petite famille reste concentrée sur une mission importante : établir et maintenir une routine sécuritaire. « J’ai été avec la mère des enfants pendant 18 ans, raconte Yannick. Il y a eu des moments où la relation était tumultueuse… J’ai quitté le domicile familial alors qu’il n’y avait pas de routine de vie établie. Mon plus jeune avait de graves convulsions. »

Petit à petit, avec de la patience, de la détermination et beaucoup d’amour, Yannick s’en sort. Il est père à plein temps ; pour retourner au travail (il est dans la production musicale) il faudra attendre. Ses journées sont remplies à préparer les repas, faire beaucoup de lessive, aider aux devoirs, superviser les bains et les activités de bébé, avec qui il passe ses journées. “Chaque jour, il faut s’adapter”, a-t-il déclaré. Il y a un problème et je trouve une solution. Tout devient plus facile avec le temps, à condition d’être polyvalent et créatif. Je dois dire que je suis assez fier de moi. Je me félicite de ma patience ! »

Ne t’oublie pas

Patrice Saint-Amand est passé par là. Père de deux enfants, il en a la garde exclusive et complète depuis 12 ans. Aujourd’hui, son fils a 20 ans et sa fille 17 ans. « Il y a eu des moments difficiles où mon garçon avait une forte anxiété et je suis allée au tribunal sept fois en huit ans… Les enfants ne s’entendaient pas toujours bien et je me suis précipité aux rendez-vous avec le médecin, le pédopsychiatre, les conseillers», confie-t-il.

Dévoué à ses enfants et soucieux de leur apporter stabilité et soutien, Patrice avoue s’être « oublié là-dedans ». Il s’engage désormais pour la cause des pères au sein de groupes de premier plan et rêve de travailler dans le secteur touristique. “J’ai reçu beaucoup d’aide et maintenant je veux redonner”, déclare l’homme de 58 ans.

PHOTO FOURNIE PAR PATRICE SAINT-AMAND

Patrice Saint-Amand et ses deux enfants, Xavier, 20 ans, et Rébéka, 17 ans

Ma relation est très bonne avec mes enfants et j’en suis fier. J’étais leur bouée de sauvetage. Je voudrais dire à tous les pères célibataires de ne jamais abandonner et de tenir bon, même dans les moments difficiles. Vous êtes super important !

Patrice Saint-Amand

Un réseau

Ces mots résonnent fortement chez Jimmy Lambert. Devenu veuf alors que ses filles avaient 2 et 4 ans, il sombre dans la dépression. Sa mère l’a soutenu pendant plusieurs mois, le temps qu’il « reprenne ses esprits ». C’était juste avant le COVID-19, une période encore une fois difficile. « Ce qui a fait la différence pour moi, c’est mon réseau », explique le technicien informatique de 38 ans. Mes amis, mon quartier et une assistante sociale. Elle m’a beaucoup aidé à reprendre confiance en mon autorité. J’étais trop mou ! Les filles avaient besoin d’un père, pas d’un ami. »

De quoi les pères monoparentaux ont-ils le plus besoin, selon lui ? Reconnaissance. Et du soutien. « J’ai frappé à toutes les portes pour obtenir de l’aide et accéder à des ressources, surtout lorsque je n’y parvenais pas. Il n’y a aucune honte à cela ! Au contraire. Je m’en sortais toujours et les filles ne manquaient de rien. »

Plus d’aide

Selon Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la promotion de la paternité (RVP), même si la sympathie du public envers les pères célibataires s’est améliorée, il reste encore du chemin à parcourir.

Les pères monoparentaux doivent être pleinement reconnus dans nos représentations collectives, nos politiques publiques et nos services à la famille. Les organismes pour les soutenir ne sont malheureusement pas assez nombreux pour répondre à la demande et ils sont inégalement répartis à travers le Québec.

Raymond Villeneuve, directeur général de la RVP

Un exemple ? La demande d’aide à l’hébergement pour les pères et leurs enfants dans les Maisons Oxygène est passée de 6 009 demandes en 2022-2023 à 7 094 en 2023-2024, révèle Sébastien Trudel, directeur du développement de cet organisme. Cela représente une augmentation de 18% en un an.

Selon une enquête réalisée en 2022 par la RVP, 25 % des pères ayant vécu une séparation au cours des cinq dernières années ont un indice de détresse psychologique élevé.

Autre lacune à combler : la formation du personnel du réseau de la santé et des services sociaux. «Le personnel gagnerait à être mieux formé pour accompagner les hommes et les pères qui traversent des moments difficiles», souligne M. Villeneuve.

Préoccupations et défis des pères séparés

Trois pères sur quatre s’inquiètent de l’impact de la séparation sur leurs liens avec leurs enfants, notamment sur la quantité et la qualité du temps passé avec eux et sur la stabilité de la routine familiale. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par le Regroupement pour la valorisation de la paternité (RVP) dans le cadre du 12e Semaine québécoise de la paternité et dont les résultats ont été publiés lundi. Parmi les faits saillants de cette étude pour laquelle 574 pères séparés ont été interrogés, on apprend que 11 % des pères québécois ont la garde exclusive de leurs enfants et que 64 % estiment que le système de justice n’est pas adapté à leur réalité et à leurs besoins. Ils quittent plus souvent le domicile familial et dans 46 % des cas, ils versent une pension alimentaire. Pour 10 % des couples qui se séparent, la situation est très conflictuelle. Un meilleur accès à la justice, une formation plus adéquate des acteurs à la réalité des pères et une amélioration des conditions de vie des pères les plus vulnérables sont 3 des 12 stratégies proposées par la Commission nationale de travail sur les pères et les relations conjugales de séparation afin d’améliorer les politiques publiques. et aider les pères pendant la séparation.

 
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