les jeunes de Seine-Saint-Denis ne se dérobent pas

les jeunes de Seine-Saint-Denis ne se dérobent pas
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Répétition du défilé au parc Georges-Valbon à La Courneuve le 29 mai. SOLÈNE CLAUSSE POUR « LE NOUVEL OBS »

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Rapports Le 23 juin, à la veille des Jeux Olympiques, plus de 1 000 jeunes de Seine-Saint-Denis embarqueront pour un grand défilé artistique entre Pantin et Aubervilliers. Reportage en coulisses d’une répétition rendue difficile par le temps pluvieux.

Mercredi 29 mai, La Courneuve, Parc Georges-Valbon. Les mines sont déconcertées. Il pleut continuellement depuis le matin. ” Nous avons failli ne pas venir à cause de la météocommente Myuri, élève dans une classe à horaire de musique (CHAM) au collège Georges-Politzer de La Courneuve. C’est déjà super difficile de transporter des percussions et de marcher avec, donc sous la pluie… Mais on y est ! »

Depuis maintenant deux ans, Myuri et ses camarades préparent un grand défilé intitulé : On ne va pas s’enfuir ! Le 23 juin, dans le cadre de l’Olympiade culturelle, ce programme qui accompagne les Jeux olympiques de Paris 2024, elle défilera avec un millier de jeunes de Seine-Saint-Denis le long d’un parcours de 1,5 km entre Pantin et Aubervilliers. Un projet ambitieux organisé par huit centres culturels de Seine-Saint-Denis dont La Commune (Aubervilliers), La MC93 (Bobigny), le centre culturel Houdremont et la Maison des Jonglages (La Courneuve). Après le Covid 19, ces établissements aidés se sont retrouvés fortement fragilisés. Face à la situation, ils décident de se rassembler autour d’un collectif baptisé La Beauté du Geste.

La Seine-Saint-Denis à l’heure olympique, avec l’IPJ Dauphine-PSL

Cet article fait partie d’un reportage réalisé par un groupe d’étudiants de première année de l’école de journalisme IPJ Dauphine-PSL à Paris, en partenariat avec le « Nouvel Obs ». Urbanisme, culture, éducation, santé, sport… Dans le cadre d’une semaine de reportages et d’enquêtes fin mai, ces jeunes journalistes sont allés sonder les doutes et les espoirs des habitants de Seine-Saint-Denis, à l’approche des Jeux Olympiques dont une partie des manifestations ou la logistique se déroule dans le département.

Chaque lieu culturel assure l’une des huit portions du défilé et a carte blanche pour la mise en scène. L’idée est de mettre en œuvre un travail collectif intégrant des groupes de jeunes, des artistes professionnels et des partenaires associatifs et éducatifs. ” Nous voulions créer un événement dont les jeunes seraient les acteurs. », insiste Vincent Bérault, directeur de la Maison des Jonglages.

Le processus compte plus que le résultat

Aujourd’hui, 212 collégiens et lycéens de La Courneuve se réunissent pour la première répétition générale. ” C’est un défi de mobiliser ces jeunes sur le long terme autour d’un projet culturel, confie Pauline Simon, directrice du centre culturel Houdremont à La Courneuve. Le premier défi, c’est qu’ils soient présents le 23 juin. Ce matin, nous n’avons que la moitié du groupe. » Pour diriger le segment qui représentera la ville, Pauline Simon s’est associée à Vincent Bérault, de la Maison des Jonglages. Ce dernier ajoute : « Ce qui nous importe, c’est le processus plus que le résultat. Le projet à lui seul doit être une fête pour ces jeunes. » Guillemette Lott, directrice du centre public La Commune, abonde dans le même sens : « L’idée était de pouvoir les intégrer dans un collectif artistique afin de poursuivre le processus de démocratisation culturelle. C’est aussi l’occasion de rendre visible la jeunesse de Seine-Saint-Denis hors du territoire. »

212 jeunes doivent défiler sur le segment de La Courneuve samedi 23 juin. SOLÈNE CLAUSSE POUR « LE NOUVEL OBS »

A l’arrière du pack : une pieuvre géante articulée, aux yeux exorbités, jonglant avec de gros ballons colorés. SOLÈNE CLAUSSE POUR « LE NOUVEL OBS »

Pour le projet La Courneuve, Vincent Bérault et Pauline Simon ont opté pour une composition hybride. Le cortège est mené par un char sur lequel les jeunes exécutent des figures acrobatiques. Suivi par une cinquantaine de percussionnistes en charge de la batucada, ce genre musical brésilien pratiqué en groupe lors des grands festivals. A l’arrière du pack : une pieuvre géante articulée, aux yeux exorbités, jonglant avec de gros ballons colorés. Durant la répétition, le cortège prend la forme d’un joyeux bazar. La pluie n’aide à rien. Il faut protéger les instruments, éviter de glisser…

« S’adapter » à leurs contraintes

Circassiens, venez écouter la batucada ! Et puis vous échangez les rôles ! » Muni de son mégaphone, casquette rouge vissée sur la tête, Olivier Pasquet, tente de rassembler la foule. Il est venu du Loir-et-Cher (41) avec une partie de son collectif de cirque pour mobiliser ces jeunes. Aux côtés du clown et jongleur Nikolaus, il a assuré la direction artistique du projet au cours d’une dizaine d’ateliers. ” Parfois c’est décourageant, on interrompt les répétitions parce qu’on a du mal à retenir leur attention pendant plus d’une demi-heure, il reconnaît. Nous sommes à moins d’un mois du défilé et nous avons accompli 1% de ce que nous voulions faire. »

Au total, les jeunes de La Courneuve ont été encadrés par douze intervenants. ” C’est deux fois moins que pour les villes dotées de grands centres culturels, comme Bobigny. Pour nous, c’était plus contraignant de réaliser tous ces ateliers », observe Pauline Simon, directrice du centre Houdremont.

Vlaïllitch Tuffa, professeur de percussions, est directeur musical de la ville de La Courneuve. SOLÈNE CLAUSSE POUR « LE NOUVEL OBS »

Le MC93 de Bobigny a fait le choix ambitieux de présenter trois tranches différentes, chacune dirigée par un réalisateur. Dalida Belaza, danseuse et chorégraphe, encadre deux groupes. D’un côté, les jeunes filles de l’ACB Danse de Bobigny, habituées des concours de jazz moderne chaque week-end. De l’autre, les jeunes de la Croix-Rouge de la ville, dont certains n’ont jamais dansé. Ces derniers sont pour la plupart des mineurs non accompagnés, en attente de papiers et vivant dans des hébergements d’urgence. Leur quotidien ne permet pas toujours les répétitions.

Pour Margault Chavaroche, directrice du centre public du MC93, il faut écouter et trouver des solutions. « Il est arrivé plusieurs fois que l’infirmière ou la psychologue de la Croix-Rouge avec qui je travaille m’appelle pour m’expliquer qu’il y a une urgence sur le terrain et qu’elle n’est pas en mesure d’accompagner les jeunes. Et s’ils ne sont pas là, ils ne viendront pas. Parce qu’ils n’ont pas nécessairement cette autonomie. Il faut s’adapter. » Elle insiste sur la nécessité d’être en contact très étroit avec les partenaires sociaux pour la plupart très impliqués dans la région.

Une cinquantaine de percussionnistes s’occupent de la batucada. SOLÈNE CLAUSSE POUR « LE NOUVEL OBS »

Enthousiasme de conduite

Collaborer avec les partenaires sociaux, c’est aussi le choix qu’a fait le réalisateur Thierry Thieû Niang en acceptant ce projet. Il a souhaité travailler auprès des jeunes handicapés du centre médico-éducatif de Bobigny, tous porteurs d’un handicap cognitif. Aucune chorégraphie ne peut donc être figée. Le chorégraphe a réussi à établir une régularité en leur rendant très souvent visite au centre et en rendant ainsi possible une répétition commune. Ils sont également accompagnés de huit étudiants en formation Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) qui leur servent de repères. L’enthousiasme des jeunes est tel que les organisateurs n’ont aucun souci pour le grand jour.

Un sentiment partagé par Vlaïllitch Tuffa, professeur de percussions, qui exerce au collège Georges-Politzer de La Courneuve. Il est également le directeur musical du défilé. ” Il y a quelques jours, nous avons répété lors du cross-country annuel de l’école primaire de la ville. J’ai vraiment senti que cela les motivait à voir à quoi ressemblerait le projet fini devant un public. » Vlaïllitch Tuffa envisage même de renouveler l’expérience dans les années à venir. ” Quand il y a de grands événements comme ceux-là, j’ai remarqué que les étudiants sont toujours plus motivés les années suivantes, cela aide à donner du sens à leur travail. » Hargun, élève de la classe, annonce fièrement : « Quand je joue, je me sens fort et puissant, je suis soutenu par le groupe. Grâce aux Jeux Olympiques, le monde entier saura que nous savons jouer à la batucada « . La Seine-Saint-Denis n’a donc pas fini de faire du bruit.

◗ La Beauté du Geste regroupe 8 lieux majeurs de création et de diffusion du spectacle vivant en Seine-Saint-Denis : le Théâtre Public de Montreuil ; le Théâtre de La Commune à Aubervilliers ; le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis ; le Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France ; Espace 1789 à Saint-Ouen-sur-Seine ; la Maison des Jonglages Centre Culturel Jean Houdremont à La Courneuve ; le Centre National de la Danse à Pantin ; et la Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny.

Par Solène Clausse et Jasmine Thiré

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