Le béton suisse CPC révolutionne la construction

Ces panneaux renforcés de carbone permettent non seulement d’économiser 75 % de matériau, mais permettent également une construction au millimètre près.Image : zhaw/valentin studerus

Un laboratoire suisse propose une nouvelle méthode de construction qui remplace l’acier par du carbone. Cette innovation permet de réduire de 75 % la quantité de matériaux nécessaires par rapport aux techniques de construction conventionnelles. Une avancée majeure en matière de durabilité et d’efficacité.

Bruno Knellwolf / ch médias

Le béton est considéré comme un véritable fléau pour le climat. Malgré certains progrès réalisés ces dernières années, le secteur de la construction continue de consommer de manière excessive des ressources précieuses et non renouvelables. L’industrie est encore loin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone.

En Suisse, la construction et l’exploitation de bâtiments et d’infrastructures représentent environ 50% de la demande en matières premières, soit un tiers des émissions de CO2 et plus de 80% des déchets produits. Ces chiffres mettent en évidence l’urgence de repenser nos pratiques de construction pour préserver l’environnement.

La production de ciment, indispensable à la fabrication du béton, est responsable de 8 % des émissions mondiales de CO.2. Conscientes de cet impact environnemental considérable, les cimenteries multiplient les initiatives pour réduire ces émissions. Parmi les solutions explorées, le « béton vert » se démarque en réduisant la quantité de ciment utilisée, offrant ainsi une alternative plus écologique et prometteuse pour l’avenir de la construction.

Carbone plutôt que de l’acier

À Winterthour, un nouveau bâtiment a été construit en un temps record, révolutionnant la construction grâce à d’importantes économies de matériaux et de ressources. Le laboratoire d’innovation Grüze a ainsi été créé sans utiliser de béton armé traditionnel. Au lieu de cela, des éléments en béton CPC ultra-minces et réutilisables ont été utilisés. Le CPC, ou « Carbon Prestressed Concrete », se caractérise par un renfort en carbone plutôt qu’en fer. Cette technologie innovante marque une avancée majeure dans la construction durable, alliant performance et respect de l’environnement.

Ces panneaux renforcés de carbone permettent non seulement d’économiser 75 % de matériau, mais permettent également une construction au millimètre près.Image:Valentin Studerus

Josef Kurath, inventeur des éléments en béton CPC et professeur au département d’architecture, de design et de génie civil de la Haute école spécialisée ZHAW de Winterthour.Image : docteur

Les plaques CPC, d’une épaisseur maximale de huit centimètres, permettent des économies substantielles de matériaux. « Cette technologie réduit l’utilisation de matériaux de 75 % par rapport au béton traditionnel »explique Josef Kurath, inventeur des éléments en béton CPC et professeur au département d’architecture, de design et de génie civil de la Haute école spécialisée (ZHAW) de Winterthour.

«En Suisse, 2 millions de mètres cubes de béton sont utilisés chaque année pour les sols. Si nous pouvions économiser 75 % de matière, ce serait un gain énorme. »

Joseph Kurath

Josef Kurath a commencé ses recherches il y a plus de 20 ans. Le carbone est capable de résister à des forces de traction extrêmement élevées, tandis que le béton résiste efficacement à la compression. Kurath a combiné avec succès ces deux propriétés dans le « Béton précontraint au carbone ». Il y a douze ans, il a convaincu l’entreprise suisse Silidur AG de financer ses recherches.

Après plus de 47 000 heures de travail acharné, le produit final a vu le jour et entretient aujourd’hui ce bâtiment innovant à Winterthour. Cette avancée remarquable ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir de la construction durable.

Le bâtiment au design filigrane est soutenu par des plaques CPC découpées avec une précision millimétrique à partir de grandes plaques produites en usine. Cette précision ouvre la voie à un nouveau mode de construction, contrairement au bétonnage traditionnel qui ne nécessite pas une telle précision. Le béton CPC est renforcé par des fils de carbone tous les 15 millimètres, remplaçant les barres d’armature en acier.

Les plafonds CPC sont cinq fois plus légers que ceux en béton armé conventionnel et peuvent être coulés en plaques d’une épaisseur de quatre à huit centimètres. Malgré cette finesse, le matériau permet la création de plafonds de grande portée, offrant ainsi aux architectes la liberté de concevoir des espaces sans supports intermédiaires, révolutionnant ainsi les possibilités de conception architecturale.

Assemblez comme un puzzle

La construction du plafond repose sur un système de nervures, reliées à une dalle de 4 centimètres d’épaisseur, qui s’étend sur toute la largeur et la longueur du bâtiment. Les plaques, découpées à des dimensions facilement transportables, sont emboîtées les unes dans les autres et les joints sont remplis de mortier.

Les plaques CPC sont assemblées comme un puzzle.

Les plaques CPC sont assemblées comme un puzzle.Image : Valentin Studerus

« Tel un puzzle, ces plaques, une fois assemblées, forment une dalle continue aux dimensions illimitées »

Joseph Kurath

Cette méthode innovante permet de créer des structures larges et uniformes, offrant une flexibilité architecturale sans précédent.

Ces plaques sont produites dans une usine allemande du cimentier suisse Holcim, qui soutient ce projet depuis cinq ans. Les cimenteries, confrontées à la pression de réduire leur empreinte écologique, trouvent dans cette innovation une réponse prometteuse.

« Longtemps considéré comme un ennemi du climat, le béton peut désormais être utilisé de manière durable grâce à la technologie CPC »

Martin Joos, ingénieur communal de Winterthour

Cette collaboration exemplaire entre recherche et industrie ouvre la voie à une construction plus respectueuse de l’environnement, réhabilitant ainsi l’image du béton dans le secteur de la construction.

Ces assiettes ont l’avantage d’être réutilisables plusieurs fois. Si le laboratoire d’innovation devait être démantelé, les plaques CPC pourraient être intégrées dans de nouvelles constructions. Cette technologie favorise également l’émergence de nouveaux modèles économiques dans le secteur de la construction. Plutôt que d’acheter, il serait possible de louer les plaques CPC, offrant une solution encore plus durable et écologique que le simple recyclage des matériaux. La réutilisation des ressources ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour une construction plus respectueuse de l’environnement.

L’utilisation de renforts carbone comme renfort permet une démarche respectueuse de l’environnement, le carbone étant une matière organique dont la fabrication implique l’extraction du carbone (C) de l’air. Actuellement, les plaques sont fabriquées en Allemagne et la société CPC AG de Kurath est encore en phase d’investissement. L’objectif est de construire environ 300 logements par an avec cette technologie. Cela permettrait à Holcim de construire une usine en Suisse.

Le laboratoire d'innovation Grüze à Winterthur peu avant la fin de sa construction.

Le laboratoire d’innovation Grüze à Winterthur peu avant la fin de sa construction.Image : Valentin Studerus

Un déploiement à grande échelle réduirait considérablement le coût encore élevé des plaques CPC.

« Nous serions alors compétitifs par rapport au béton traditionnel. Actuellement, notre prix n’est compétitif qu’avec la construction en bois”

Joseph Kurath

En partenariat avec Holcim, le projet vise à produire à terme un produit entièrement suisse. Il comprend la construction d’un immeuble résidentiel au printemps prochain, en collaboration avec un architecte spécialisé en construction écologique. Cette initiative prometteuse ouvre la voie à une compétitivité accrue sur le marché de la construction, tout en favorisant le développement de solutions durables et respectueuses de l’environnement.

À quoi devrait ressembler le laboratoire d'innovation Grüze à Winterthour

À quoi devrait ressembler le laboratoire d’innovation Grüze à WinterthourImage: zhaw.ch

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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