Afflux de main-d’œuvre au Québec

Au cours de la dernière année, le Québec a connu sa plus forte augmentation démographique depuis le début des statistiques. À Montréal, la croissance a été fulgurante et la plupart des régions ont vu leur population augmenter. Un vrai cadeau pour les entreprises en manque de main d’œuvre ? Oui et non. L’afflux de cette main-d’œuvre non qualifiée facilite la vie de nombreuses entreprises, mais ne contribue en rien à accroître la productivité.


Publié à 1h34

Mis à jour à 5h00

Il y a des signes qui ne trompent pas. Le nombre d’ouvertures de restaurants est en hausse, après le massacre qui a suivi la pandémie.

«La situation de l’emploi est moins tendue», reconnaît le porte-parole de l’association des restaurateurs, Martin Vézina. Le nombre d’ouvertures est sur le point de dépasser le nombre de fermetures.

« Ce qui a changé, c’est que les restaurateurs ont désormais le choix en matière d’embauche, ce qu’on n’avait pas vu depuis trois ans. Avant, il suffisait d’avoir deux bras et deux jambes pour trouver un emploi dans la restauration. »

Après une augmentation de 153 000 personnes en 2022, la population du Québec a augmenté de 218 000 personnes en 2023. La grande majorité sont des résidents non permanents, c’est-à-dire des travailleurs temporaires, des étudiants étrangers et des demandeurs d’emploi. ‘asile.

Ces nouveaux arrivants ont largement comblé les postes vacants dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, où les besoins étaient les plus pressants. Le nombre de postes vacants a diminué de 27 % entre 2022 et 2023, une baisse qui s’explique aussi par le ralentissement économique et la réduction des horaires d’ouverture dans plusieurs établissements.

L’assouplissement du marché du travail est particulièrement remarquable à Montréal, qui a accueilli près de la moitié des nouveaux arrivants.

Dans les régions qui ont toutes vu leur population augmenter, les problèmes de recrutement persistent.

Le bouton panique

C’est le cas dans la région de Chaudière-Appalaches, où une cinquantaine d’entreprises ont tiré la sonnette d’alarme en 2021 et plaidé dans une lettre ouverte la nécessité d’obtenir davantage de travailleurs temporaires pour rester en affaires.

Depuis, la population de la région a augmenté de 1,6 % et le nombre de postes vacants a diminué de 34 %.

Rémi Breton, président du groupe Ferti, était signataire de la lettre ouverte. A-t-il vu une amélioration ? «Pas du tout», s’empresse-t-il de répondre.

Son entreprise, spécialisée dans l’entretien paysager, est occupée toute l’année, mais elle compte sur les travailleurs étrangers pour répondre à la demande accrue en été. Cette année, l’arrivée des travailleurs mexicains attendus par le Groupe Ferti a été retardée par la décision du gouvernement fédéral d’imposer des visas aux ressortissants mexicains.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

L’arrivée des travailleurs mexicains attendus par le groupe Ferti a été retardée cette année par la décision du gouvernement fédéral d’imposer des visas aux ressortissants mexicains.

Rémi Breton s’est fait peur, mais les Mexicains ont fini par arriver. «Mon bouton panique s’est quand même déclenché», raconte Rémi Breton.

Le Groupe Ferti est freiné dans son expansion par le manque de main d’œuvre, selon son président. « Cela fait quatre ans que mon activité stagne », raconte-t-il.

La fermeture de l’usine Olymel de Vallée-Jonction, qui employait 1 200 personnes, a donné un peu de répit aux autres entreprises de la région. «Ça nous a donné un vrai coup de pouce», affirme même Rémi Breton.

À 2,9 %, le taux de chômage régional est encore très faible, comparativement à 5,1 % pour le Québec, tempère le directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie de la Nouvelle-Beauce. « Le recrutement reste difficile, notamment pour les postes spécialisés », précise-t-elle.

L’économie au ralenti

Le ralentissement économique a également contribué à réduire les besoins en main-d’œuvre. C’est le cas du Groupe Soucy, à Drummondville, qui fabrique des véhicules à chenilles et des composantes de véhicules hors route.

L’entreprise connaît depuis longtemps des problèmes chroniques de recrutement. Elle a même créé un poste interne pour gérer ses besoins en travailleurs étrangers et les permis de travail pour les employés venant d’aussi loin que Madagascar et les Philippines. Or, cette année, l’entreprise a dû mettre à pied ses travailleurs étrangers, raconte Joanie Mailhot, directrice des communications et du marketing du Groupe Soucy.

Nous avons deux réalités bien différentes. Nous avons une baisse des commandes dans le sport automobile, à cause de la situation économique, et nous manquons également de main d’œuvre. »

Joanie Mailhot, responsable des communications et du marketing du Groupe Soucy

Le Groupe Soucy dessert d’autres clients, comme le secteur militaire, moins touché par le ralentissement économique. « Nous avons encore de grands besoins en ingénieurs et en électromécaniciens. Nous les récupérons », déclare le porte-parole de l’entreprise.

La région Centre-du-Québec, où est situé le siège social du Groupe Soucy, connaît un taux de chômage de 2,9 %, comparativement à 5,1 % pour l’ensemble du Québec. Sa population a augmenté de 2,8% au cours de l’année écoulée. Il reste encore plus de 4 000 postes vacants dans la région, mais ce nombre est en baisse de 25 %.

Voilà pour la productivité

L’afflux récent d’immigrants en âge de travailler permet de pourvoir des postes difficiles à pourvoir, mais il empêche également les entreprises de s’adapter à la pénurie de main-d’œuvre en investissant pour accroître leur productivité.

«La croissance de l’emploi s’est concentrée dans les secteurs les moins productifs, notamment l’hébergement et la restauration», note Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec. «Cela pèse sur la productivité du Québec.»

PHOTO AMIR HAMJA, ARCHIVES DU NEW YORK TIMES

Les nouveaux arrivants ont trouvé un emploi dans les secteurs les moins productifs de l’économie, notamment dans le secteur de la construction.

La productivité mesure l’activité économique produite par heure travaillée. C’est là le nœud du problème dans les économies modernes car la productivité nous permet de maintenir et d’augmenter notre niveau de vie sans créer d’inflation. Le Canada est l’un des pays les moins productifs de l’OCDE et le Québec est à la traîne parmi les provinces canadiennes, en raison du poids plus important d’activités comme la restauration ou le commerce de détail dans son économie.

L’Institut québécois calcule que la restauration ajoute 24 $ en valeur économique par heure travaillée, comparativement à 84 $ par heure travaillée dans le secteur de la finance et des assurances et à 59 $ en moyenne pour toutes les industries.

Depuis la pandémie, le nombre d’heures travaillées a augmenté au Québec, tandis que le produit intérieur brut a diminué.

La rareté de la main d’œuvre incite à se transformer et les entreprises doivent trouver les moyens d’y parvenir avec moins d’employés. Si la main-d’œuvre devient plus disponible, cette incitation disparaît et retarde ce changement nécessaire.

Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec

Les nouveaux arrivants sont principalement des travailleurs temporaires, des étudiants étrangers et des demandeurs d’asile. Cette main-d’œuvre non qualifiée a trouvé un emploi dans les secteurs les moins productifs de l’économie, notamment dans l’hébergement, la restauration et la construction.

Soulagement temporaire

Pour les employeurs, qui ont insisté pour que le Québec accueille davantage de travailleurs étrangers, l’amélioration actuelle est la bienvenue, mais elle risque d’être temporaire, selon Daye Diallo, directeur principal, politiques du travail et intelligence économique, du Conseil du patronat.

«Quand on regarde l’augmentation de la population, il y a un certain soulagement sur le marché du travail», reconnaît-il, notamment à Montréal, qui a connu la plus forte augmentation démographique.

Cette amélioration pourrait être temporaire, mentionne le porte-parole du Conseil du patronat. Il souligne l’intention du gouvernement fédéral de réduire le nombre de résidents temporaires au Canada au cours des trois prochaines années.

« L’immigration est une solution pour soutenir nos entreprises », souligne Daye Diallo. La technologie et l’augmentation de la production en sont d’autres, mais il y aura toujours un besoin de main-d’œuvre non qualifiée dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture et de l’agroalimentaire », affirme-t-il. -il.

L’économiste de Desjardins, Randall Bartlett, s’attend à ce que la possible réduction du nombre de résidents temporaires se traduise par une augmentation des postes vacants et une augmentation des salaires.

« Certaines entreprises sauront innover pour réduire leur dépendance à une main d’œuvre temporaire bon marché et abondante et augmenter leur productivité », analyse-t-il. Malheureusement, certaines entreprises ne le font pas, ce qui entraîne des problèmes persistants. »

 
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