dans la Somme, deux céréaliers s’élèvent contre le Mercosur

Dans leur écurie à l’extérieur du village de Bray-sur-Somme, près d’Albert, les cinquante vaches allaitantes et leurs petits veaux de Charles Leignel ont l’air heureux. Ils ont du fourrage et de l’espace. « Par les vaches, nous devons respecter un certain nombre de m2 minimum, pour qu’ils soient à l’aise avec leurs mollets, sur un emplacement paillé et propre », indique-t-il. “Alors queailleurs, ils sont les uns sur les autresparfois dans des écuries à plusieurs étages.

Ailleurs, c’est en Amérique du Sud. LE Pays du Mercosur : Argentine, Uruguay et surtout Brésilgrands producteurs de viande bovine, pourraient inonder les marchés européens et français de leur viande bon marché. Si l’Union européenne conclut un accord de libre-échange avec eux.

Afflux de viande bon marché

Les négociations sur ce traité sont relancées à Bruxelles. Plusieurs pays comme l’Espagne et l’Allemagne font pression pour son adoption. La , à travers la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, Michel Barnier, et le ministre de l’Économie Antoine Armand, veille à utiliser « tout signifie » pour empêcher cette adoption.

« Si nous produisons ici une viande de bonne qualité avec les normes actuelles, nous ne pouvons pas être compétitifs avec des pays étrangers qui n’ont pas de normes égales aux nôtres et des viandes de moindre qualité”insiste Charles Leignel, depuis son écurie de Bray-sur-Somme.

Charles Leignel élève une cinquantaine de vaches allaitantes et leurs veaux. © Radio-France
Thomas Giraudeau

Il s’inquiète aussi pour ses cent hectares de cultures. betterave à sucre. Car ces pays d’Amérique du Sud produisent aussi du sucre. Cette concurrence potentielle à long terme s’ajoute à la mauvaises récoltes en 2024en raison du intempéries. « Pas assez de soleil, beaucoup de pluie. La plante n’a pas fait assez de photosynthèse, donc il n’y a pas assez de sucre dans la racine. »indique Charles Laignel. « Les vendanges ne sont pas encore terminées mais nous serons autour de 75, 80 tonnes par hectare, 15 à 20% de moins que les années normales. La baisse est encore plus brutale pour les céréales, les quintaux récoltés pour le blé et l’orge sont de 35 à 40 % inférieurs.

Plus de plants à planter

L’hiver dernier, Charles Leignel a manifesté à plusieurs reprises, suivant ses camarades sur les routes autour d’Amiens. Mais depuis, il j’attends toujours des réponses concrètes aux exigences des agriculteurs, notamment en matière de prix de revient décents. « Je comprends que le gouvernement ne puisse pas prendre une telle décision en un jour. » il nuance. Mais attendre huit mois, c’est un peu long !

Le céréalier et éleveur se dit prêt à manifester à nouveau dans les semaines à venir, à suivre l’appel lancé dans toute la France par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Mais ce sera plus difficile de quitter la ferme, « il reste encore des plants à planter, des animaux à entrer dans les écuries, des betteraves à récolter »

Les enfants de Charles Leignel déclarent tous les trois vouloir travailler dans l’agriculture, malgré les difficultés vécues par leur père. © Radio-France
Thomas Giraudeau

Nicolas Beugnet s’interroge lui aussi. Il a les mêmes travaux que Charles Leignel à réaliser dans sa ferme de La Chaussée-Tirancourt, à l’ouest d’Amiens. “C’était moins lourd, on a sacrifié un peu moins de travail à la ferme l’hiver dernier, quand il n’y avait plus de récoltes ni de semis”, il explique. Il envisage de manifester à nouveau à partir de la mi-décembrequand les charges de travail auront baissé d’un cran sur les opérations, et si le mouvement dure d’ici là.

Le sentiment d’avoir manifesté « pour rien »

Nicolas Beugnet est lui aussi envahi par une forme de résignation. « Nous avons participé à une démonstration de deux semaines l’hiver dernier. J’ai participé à des barrages routiers. Nous avons fermé les supermarchés pendant plusieurs heures, à Rivery, à Amiens-Nord. Et tout ça pour quoi ? Hormis la taxe sur le gazole non routier. Maintenant, elle est pour nous directement retiré de la facture. Alors qu’avant, nous devions déposer un dossier, et cette somme nous a été restituée des mois plus tard. Donc ça change un peu la trésorerie, mais pas fondamentalement.»

“Je peux y penser, à part ça”il ajoute, “J’ai un peu l’impression d’avoir fait ça pour rien.” Alors il se demande s’il va vraiment se mobiliser à nouveau. D’autant qu’il dit ne pas vouloir être associé à des manifestations qui, contrairement à l’hiver dernier, Cette fois, cette fois, je pourrais déraper selon lui. Il discute avec de nombreux agriculteurs de la Somme, leur fabrique de l’ensilage et se sent encore plus exaspéré que l’hiver dernier.

« À l’époque, nous n’avions pas causé de dégâts majeurs aux supermarchés. Nous n’avons pas casséet nous avons toujours libéré les ronds-points aux heures de passage de nombreux automobilistes, le matin et le soir.précise-t-il. Nicolas Beugnet a été frappé à ce moment-là par les nombreux chauffeurs qui s’arrêtaient pour leur adresser des messages de soutien. Je ne suis pas sûr qu’on pourra tenir les gars de la même manière cette année quand on va les lâcher sur un rond-point. Quand il y a plus d’argent dans les caisses et que les gens travaillent 80 heures par semaine, ils sont épuisés.»

Journée spéciale ce vendredi sur France Bleu Picardie

Cette mobilisation des agriculteurs sera au cœur d’une journée spéciale, ce vendredi 15 novembre, sur France Bleu Picardie : reportages sur les exploitations agricoles, entretiens avec des dirigeants politiques et syndicauxentre 6h et 9h, puis dans « Bienvenue chez vous », de 9h à 10h30, autour de Joseph Laurin et Florent Vautier. A 13 heures, Michel Barnier, le Premier Ministre, répondra aux questions de nos auditeurs sur cette crise agricole.

Journée spéciale sur France Bleu
Journée spéciale sur France Bleu © Radio-France
Thomas Giraudeau
 
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