le jour où Matignon ne répondait plus

le jour où Matignon ne répondait plus
le jour où Matignon ne répondait plus

La photo de Soazig de la Moissonnière, photographe de l’Élysée, est terrible. Le dos du président est dans la salle des portraits de l’Élysée. Ce dimanche, il vient d’annoncer sa volonté de dissoudre l’Assemblée nationale. Gabriel Attal, face à lui, l’observe. Les bras croisés, le regard sombre. Rien dans l’image ne témoigne de l’esprit de conquête. Tout dit du ressentiment mêlé de colère.

Alors que Gérald Darmanin, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, le conseiller Jonathan Guémas ou encore l’ancien conseiller spécial Clément Leonarduzzi étaient au courant depuis plusieurs jours de l’hypothèse probable d’une dissolution, Gabriel Attal, chef du gouvernement, a été maintenu en détention. l’obscurité jusqu’à ce que la décision soit prise.

Peu avant les résultats dimanche, il s’est isolé avec ses proches dans le pavillon de musique qui lui sert de logement au fond des jardins de Matignon. L’Élysée appelle à alerter. Étonnement. Gabriel Attal va voir ses équipes et les met au courant. L’impensable (l’impensé, diront d’autres) s’est produit. Il faut prévenir les parlementaires qui vont tomber de leur chaise à 21 heures. Le Premier ministre multiplie les appels téléphoniques, contacte Edouard Philippe et les autres chefs de parti. Puis c’est le départ pour l’Élysée vers 19 heures



“Il a une forme de méfiance envers Matignon”

Comme Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, l’ancien porte-parole du gouvernement ne souhaite pas cette dissolution qui, selon lui, pourrait se terminer en catastrophe. Au téléphone avec le président, il a fait sa part, son sacrifice. “ Es-tu sûr ? je peux être LE fusible. » « Non, tu es le meilleur pour mener la campagne », répond Emmanuel Macron. Pourquoi, alors, ne pas l’avoir prévenu du prochain tremblement de terre ?

Cette question taraude toujours, rue de Varenne. Dans un petit monde nourri d’une culture du secret, aux yeux de l’Élysée, Matignon est pire qu’une vieille plomberie. Les fuites sont légion. Mais l’explication pourrait résider dans les relations singulières qu’entretient le chef de l’Etat avec ses Premiers ministres. ” Il a une forme de méfiance envers Matignontémoigne un habitué des lieux. C’était pareil avec Edouard Philippe. Idem pour Élisabeth Borne. 49,3 sur les retraites, jusqu’au dernier moment elle ne le savait pas. » « Je décide, il exécute », aurait rappelé Jacques Chirac.

Gabriel Attal souhaite une explication du texte avec le président de la République. Emmanuel Macron se rend lundi à Oradour-sur-Glane. La réunion attendra jusqu’en fin d’après-midi. En attendant, nous fermons les écoutilles. Plus de son, plus d’image. Pour les journalistes habitués à l’effervescence médiatique du jeune leader de la majorité, c’est comme si tout Matignon était entré sur la face cachée de la Lune.

“Ils nous envoient à l’échafaud”

Cette hésitation est à la hauteur de l’étonnement qui a envahi les équipes. En coulisses, on se relance cependant. Dès dimanche soir, un briefing à destination des communicants ministériels est organisé à 22h30 par les conseillers du président Jonathan Guémas et Jonas Bayard. Les éléments de langage sont jugés si apaisants que les équipes demandent un nouveau rendez-vous à l’Élysée le lendemain.

En attendant, les rencontres se succèdent pour créer des canaux de communication, pour échanger avec les cabinets ministériels et les parlementaires qui, pour beaucoup, ne décollent pas. ” On peut pas mettre la tête du président sur les tracts, ils nous envoient à l’échafaud, sans budget, rien », diront-ils au Premier ministre mardi lors d’une réunion du groupe Renaissance.

Cette colère et ses doutes sont transmis à l’Élysée lundi. En fin d’après-midi, la deuxième réunion des conseillers convoquées n’a guère été plus paisible. On met le pied à terre, les propos sont francs. Il faut se rendre à l’évidence, le président ne vend plus. Alors, comment vendre la campagne ? Que mettons-nous sur les tracts si nous ne pouvons pas afficher notre visage ou les mots « majorité présidentielle » ? L’Élysée semble faire la sourde oreille. Il ne faut pas avoir ” l’esprit de défaite », répète la présidence, comme auprès des journalistes. ” Ils ne parlent pas la même langue que nousnous râlons au sein du gouvernement. Et si ça tourne mal ? Désolé, mais les projections ne sont pas de notre côté ! »

Gabriel Attal va à la fête. Le travail sur les investitures est dans la presse. Une apparition télé lui est proposée dès lundi soir. Refus. Le premier ministre refuse de parler tant qu’il n’a pas vu son patron.

“Nous réglerons cela plus tard.”

Vers 18 heures, Emmanuel Macron le reçoit dans son bureau. Une heure et demie d’échanges calmes mais musclés où les deux hommes se disent des choses. Espèces. Gabriel Attal réaffirme sa position. Le chef de l’État est « agité « . Un étrange adjectif dont la circulation dans le cercle du pouvoir en dit finalement plus sur l’ambiance électrique au sein de l’exécutif que sur l’état d’esprit réel du président.

Mardi matin, Matignon a rallumé les lumières. Les conseillers du Premier ministre ont relayé ses propos aux médias lors d’une réunion de groupe. ” C’est brutal pour vous, vos collègues et ceux qui retournent au combatil admet. Nous ne sommes pas là pour parler de nos ressentis, mais pour avancer. Avancez car la messe n’a pas été dite. » Les maréchaux de l’Empire n’ont pas le temps de se plaindre. Gabriel Attal est depuis revenu sur la bataille existentielle des élections législatives. Comme jamais. ” Même s’il y a beaucoup de ressentiment et d’amertumeemporte un observateur, on se dit qu’on réglera ça plus tard. »

 
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