« La foule a essayé de me tuer, j’ai tout perdu, je n’avais nulle part où aller »

« La foule a essayé de me tuer, j’ai tout perdu, je n’avais nulle part où aller »
« La foule a essayé de me tuer, j’ai tout perdu, je n’avais nulle part où aller »

« Chélé ». Au Cameroun, le mot désigne l’efféminé, l’homosexuel. Celui que nous devons traquer sans relâche. Et qu’on peut tuer sans risque. « J’ai commencé à entendre ce terme dès l’âge de 7 ans, car je ne jouais pas au football. Je préférais la marelle et les poupées. Les autres garçons rirent. Les plus courageux m’ont battu. » Le début du calvaire pour Steve.

Ce jeune homme de 29 ans, originaire de Douala, vit à Bordeaux, où il est arrivé en 2023 après avoir fui l’Afrique pour sauver sa vie. « Le début des vrais problèmes a été la découverte par son frère de ma relation avec un ami de lycée, qui était le fils d’un imam. » Sa tante, avec laquelle il vivait, lui a demandé de quitter le quartier, où tout le monde était informé et où la famille de son ami le menaçait de mort.

“Tu es possédé”

« Dans mon pays, explique Steve, l’homosexualité est interdite. La loi le condamne. La population le condamne. Les religieux le condamnent : les homosexuels sont considérés comme possédés par des esprits démoniaques. Qu’il s’agisse de l’Islam ou du Christianisme, aucune culture ne l’accepte. »

Nouveau quartier, même scénario. « Chez une autre tante, j’ai essayé de faire un spectacle. J’ai dit que j’avais une petite amie. J’évitais les garçons. Mais deux ans plus tard, j’ai rencontré Nicolas. » Ils entament une relation discrète dont le secret ne résistera pas à la curiosité inquisitrice de son cousin. «Elle a fouillé mon téléphone et a trouvé des messages qu’elle a montrés à ma tante. Cela m’a chassé : « Vous êtes possédé et vous venez contaminer ma famille, détruire mes enfants ». »

« Le mari de ma tante, commissaire de police, a localisé mon téléphone. Avec des collègues, ils ont sorti des pneus pour brûler le démon qui est en moi. »

L’histoire d’amour se transforme en descente aux enfers. «Ma mère l’a découvert et a subi un accident vasculaire cérébral. Elle en est décédée en 2018. Le mari de ma tante, commissaire de police, a localisé mon téléphone. Il m’a trouvé. Battez-moi avec des collègues. Je voulais me mutiler avec un couteau. Ils ont sorti des pneus pour brûler le démon qui était en moi, la population a essayé de me tuer. »

Il doit sa vie à une mère du coin qui s’est interposée entre lui et ses lynchers : « On peut encore l’emmener à l’église et le sauver ! » » Il en profite pour s’enfuir, nu, en pleine rue. « J’ai trouvé refuge à Kribi, dans une autre région. Mais un cousin m’a appelé pour me faire savoir que j’avais de nouveau été localisé. »

Il doit se rendre à l’évidence : c’est l’exil ou la fosse commune. « La loi ne punit pas ceux qui tuent des homosexuels au Cameroun. Le 15 juin 2023, j’ai pris un vol pour la France sans nulle part où aller. »

Destin

Dans l’avion, pour la première fois, le destin lui tend la main. «Je pleurais sur mon siège et mon voisin m’a demandé ce qui m’arrivait. Il m’a fait tout lui dire. C’est lui qui m’a parlé du centre LGBT Girofard à Bordeaux. Et deux jours après mon arrivée à Paris, je suis parti pour la Gironde. »

Il précise : « Je n’ai pas fui la pauvreté : j’étais chef d’entreprise de location de voitures. Et j’ai tout perdu. Ma société. Ma mère. Et mon petit frère est en détention provisoire car il est accusé d’avoir su où j’étais. » La France lui a accordé le statut de réfugié. En recherche d’emploi, Steve s’implique activement au sein de la radio Girofard et La Clé des ondes sur les questions de santé, notamment auprès des publics d’origine africaine.

Pour le jeune Bamoun, ce Mois de la Fierté a une signification toute particulière : « Pour moi, c’est nouveau et surprenant qu’un homosexuel puisse se lever et dire : ‘Je ne suis pas content de la façon dont on me traite”. A la maison, je n’avais même pas le droit d’exister. »

 
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