Le Maroc s’interroge sur ses futures relations avec Bruxelles

Le Maroc s’interroge sur ses futures relations avec Bruxelles
Le Maroc s’interroge sur ses futures relations avec Bruxelles

Toute la presse fait la Une : l’extrême droite est la gagnante des élections au Parlement européen qui se sont déroulées du 6 au 9 juin dans les 27 pays de l’Union. Sur 720 sièges, le groupe Identité et Démocratie, qui regroupe les partis dits « nationalistes », en a remporté 58. En incluant les élus du groupe Conservateurs et Réformistes (73 députés), l’extrême droite totalise désormais 131 députés.

Certes, le Parti populaire européen (PPE), la droite classique, conserve la majorité (184 sièges), devant les sociaux-démocrates (139). Mais les récentes élections pourraient avoir une influence dans plusieurs domaines qui dépassent largement les frontières du continent.

Vue du sud de la Méditerranée, la recomposition du Parlement de Strasbourg pourrait avoir un impact sur différents aspects de la politique internationale de l’UE, y compris ses relations avec ses partenaires extérieurs, au premier rang desquels le Maroc. Son économie, fortement intégrée au marché européen, et sa coopération en matière de sécurité et de migration pourraient être affectées par les nouvelles priorités du Parlement récemment élu.

“Cela n’aura pas d’impact considérable sur les opérations en tant que telles”, estimé Zakaria Abouddahab, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat. Et pour cause, « les députés européens, quelle que soit leur couleur, doivent s’appuyer sur les chartes fondatrices, les traités sur le fonctionnement de l’UE, le droit fondamental primaire, le droit dérivé et la pratique qui en découle », justifie ce spécialiste de droit public et de sciences politiques.

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Pour le chercheur associé à l’Institut royal des études stratégiques, rien n’est garanti a priori. L’aspect économique pèse dans l’équation Maroc-UE et la question se focalise désormais sur les jeux d’alliances intra-européennes. Sous cet angle, le Royaume « Espère qu’il y aura une meilleure compréhension de ses attentes, et en même temps une lucidité par rapport aux éventuelles décisions à prendre », affirme Abouddahab.

L’enseignant-chercheur estime néanmoins que, du point de vue du Maroc, c’est l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE (CJUE, sur la légalité des accords conclus entre Rabat et Bruxelles en matière de pêche et d’agriculture) qui conditionne avant tout la prochaines décisions du Parlement. Un procès s’est ouvert le 23 octobre 2023. « Si le tribunal adopte ces accords, je pense que le groupes les parlementaires les valideront à leur tour comme tels», prédit l’expert. Par ailleurs, les alliances nouées au sein de l’hémicycle pourront tracer les contours d’un nouveau partenariat Rabat-Bruxelles.

Souci de bon voisinage Nord-Sud

Professeur de sciences politiques à l’université Hassan II de Mohammedia, Najib Mouhtadi souligne également que ces élections ne doivent pas remettre en cause les relations essentielles entre Rabat et Bruxelles, d’autant qu’elles ne sont pas au beau fixe. Pour le Maroc, « il faut dire que l’accord d’association avec l’UE est globalement en faveur de l’Europe ». Et s’inscrit dans la continuité des échanges inégaux des relations Nord-Sud », souligne le politologue, qui a vu des signes de recul bien avant le scrutin. “Sape le travail qui vient principalement des milieux socialistes et populistes”, commente-t-il.

A l’opposé des relations que le Maroc a établies en Afrique ces dernières années, « un bras de fer s’est installé au Parlement européen – caisse de résonance des groupes d’intérêts économiques », souligne Najib Mouhtadi. «Cependant, les instances dirigeantes de l’UE gardent constamment à l’esprit l’importance de relations équilibrées avec les pays du sud de la Méditerranée, y compris LE Maroc. »

Enfin, le chef du département de droit public et sciences politiques à la Faculté de droit de Mohammedia rappelle l’existence de grands intérêts qui font que la sagesse finit toujours par l’emporter. Par ailleurs, « la nouvelle géopolitique du monde donne plus de discernement aux nouveaux eurodéputés, plus particulièrement en ce qui concerne les relations avec les pays africains ».

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L’accord de pêche Maroc-UE est étroitement lié à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Dans ce dossier, Najib Mouhtadi estime qu’en Europe, “les élus font semblant d’ignorer qu’il y a un mécontentement populaire au Maroc”. a quant au renouvellement même de cet accord pour diverses raisons, dont le sentiment qu’un chantage inacceptable s’exerce dans ce contexte. Il en veut pour preuve le fait que la société civile marocaine plaide notamment pour la redéfinition des choix économiques et de coopération de Rabat.

Sur le plan intérieur, “les armateurs nationaux eux-mêmes se sentent à l’étroit et ne voient pas d’inconvénient à l’idée d’exploiter seuls ces richesses halieutiques, d’autant plus que le Maroc a également des accords de pêche avec la Russie et le Japon”, explique le politologue.

Si la CJUE prononçait une sentence dans Désavantage du Maroc, “c’est l’Espagne qui souffrirait de cet état de fait, car sa flotte est majoritaire dans les eaux marocaines”, anticipe notre interlocuteur qui, dans ce scénario, n’exclut pas un accord bilatéral entre Rabat et Madrid.

L’accord agricole dans « un paquet difficile à refondre »

Constamment contrarié dans ses exportations agricoles et, plus récemment, dans celles de certains produits industriels comme l’automobile, le Maroc “ne souffrirait pas indûment” d’une remise en cause de son accord agricole avec l’UE, juge Mouhtadi, pour qui Rabat s’est occupé de diversifier ses partenaires économiques et commerciaux ainsi que ses marchés extérieurs.

En tout cas, le professeur est convaincu que l’Europe n’a pas toute liberté pour réviser cet accord ou en limiter la territorialité. « Cela fait partie d’un paquet difficile à reconstituer », insiste le politologue. Il s’agit d’une relation vieille de plusieurs siècles. « Si les députés européens nouvellement élus réagissent parfois sous l’influence de l’actualité, leurs gouvernements disposent d’un bilan qui fouille dans les relations avec le royaume au moins depuis le 17.e siècle, et je sais de quoi il s’agit », observe Najib Mouhtadi.

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