Fondée en 1946, l’association des Petits Frères des Pauvres établit depuis 2017 des statistiques sur l’isolement des personnes âgées en France. L’un de ses indicateurs est appelé « mort sociale ». Yann Lasnier, son délégué général, en donne la définition : « La mort sociale, c’est quand on est coupé des quatre grands cercles de sociabilité, à savoir la famille, les amis, la vie associative et le quartier ». En 2021, année de publication du dernier rapport, cette situation alarmante concernait 530 000 personnes de plus de 60 ans dans notre pays contre 300 000 quatre ans plus tôt.
Le nombre de personnes âgées isolées de leurs proches a augmenté dans le même temps, selon ces chiffres qui seront actualisés en 2025, passant de 900 000 à 2 millions de personnes.
Ces données, qui n’ont pas manqué de frapper les esprits, ont incité le Département à mettre en place une série d’actions, 115 sur toute la Gironde, regroupées sous l’intitulé « Semaine de lutte contre l’isolement des seniors ». La première édition se déroule sur six jours jusqu’au 15 juin.
«Souvent, on associe l’isolement à la ruralité et on pense moins aux personnes qui peuvent être isolées dans les hauteurs d’un HLM ou dans des zones diffuses»
« En Gironde, le nombre de seniors isolés est estimé à 40 000 », a déclaré Jean-Luc Gleyze, le président du Département, lors de la conférence inaugurale le 10 juin. Yann Lasnier avait choisi un titre pour son intervention, là encore percutant : « Répondre à l’épidémie de solitude. » A la fin, une charte a été signée entre le Département, les Petits Frères des Pauvres et l’association Monalisa, engagée dans cette même cause, qui était représentée par sa présidente nationale, Françoise Fromageau.
La question de l’identification
L’une des manifestations, le 11 juin de 9h à 17h, a lieu dans le quartier Saint-Michel à Bordeaux. «Souvent, on associe l’isolement à la ruralité, voire à la grande ruralité, et on pense moins aux personnes qui peuvent être isolées dans les hauteurs d’un HLM ou dans des zones diffuses», remarque Romain Dostes, l’un des vice-présidents du Département. A 37 ans, il est en charge de la politique des seniors et des liens intergénérationnels. Cette opération implique tous ceux que Jean-Luc Gleyze appelle les « chasseurs de solitude », comme les bénévoles par exemple.
Dans plusieurs endroits du département, des perquisitions sont également prévues, notamment sur les marchés, afin d’atteindre les personnes isolées. « Il faut travailler sur la question de l’identification, qui est absolument centrale », souligne Yann Lasnier. À cet égard, la société a d’énormes progrès à faire. » Il appelle à « une prise de conscience pour que chacun puisse se dire : ‘Moi, à mon niveau, en tant que citoyen, je peux faire quelque chose’. »
Pour analyser en profondeur les « mécanismes » pouvant conduire à l’isolement social, son association a étendu son champ d’observation à toutes les tranches d’âge. « L’addiction aux écrans des jeunes, même des enfants, est en train de créer les personnes socialement isolées de demain », dit-il. « Vous avez des gens qui ont une relation brisée avec leur famille, poursuit le responsable associatif. Si vous êtes une personne âgée, vous avez votre aide à domicile qui vient vous voir. Mais à part ça, vous n’avez aucune interaction sociale. On peut considérer qu’une personne est socialement isolée lorsqu’elle n’est plus en mesure de répondre à ces questions : ‘Est-ce que je compte pour quelqu’un, est-ce que quelqu’un compte sur moi ?’ »
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