Pour Zachary Siciliani, verrouiller sa voiture ne suffit plus : il doit désormais installer un « tracker » face à la récente hausse phénoménale des vols de véhicules au Canada, avec le port de Montréal comme plaque tournante. Une « crise nationale » qui inquiète les assureurs.
Dans cette plus grande ville du Québec, Zachary Siciliani s’est fait voler sa voiture et aucune effraction n’a été constatée. “J’y ai toujours garé ma voiture et puis un jour elle a disparu”, raconte-t-il à l’AFP. Une opération qui a certainement été réalisée à l’aide d’une unité électronique permettant d’intercepter la fréquence de la clé, a expliqué la police.
Depuis, Zachary Siciliani possède une nouvelle Mazda 3, mais celle-ci, il a décidé de la protéger avec un outil de localisation. « Notre compagnie d’assurance nous a dit que nos tarifs augmenteraient considérablement si nous n’avions pas de tracker dans la voiture », explique-t-il.
Zachary Siciliani est loin d’être un cas isolé. Les grandes villes de l’est du Canada sont frappées depuis plusieurs mois par une explosion du nombre de vols de voitures. Destination : Afrique, Asie, Europe ou Moyen-Orient… où ils sont vendus au marché noir.
“Marchés étrangers”
Selon les derniers chiffres de la police, les deux villes les plus touchées sont Montréal et Toronto, où les vols ont augmenté de 150 % au cours des six dernières années. De 2021 à 2023, le nombre de vols d’automobiles a augmenté de 58 % au Québec et de 48 % en Ontario, les deux provinces les plus peuplées du pays.
“La technologie facilite la vie des conducteurs, mais elle facilite également le vol de véhicules”, a déclaré à l’AFP Scott Wade, inspecteur-détective de la police provinciale de l’Ontario.
Et pour les experts, cette hausse spectaculaire des vols est une conséquence directe de la pandémie, durant laquelle les restrictions ont limité la capacité de production des constructeurs automobiles.
Avec la rupture des chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale, “l’offre était au plus bas” alors qu’il y avait “une demande très forte”, explique Yannick Desmarais, du service de police de la ville de Montréal.
Une situation qui n’a pas échappé au crime organisé : « cela a encouragé les réseaux du crime organisé à se lancer pour approvisionner les marchés étrangers », précise Scott Wade.
En 2023, le nombre de groupes liés au crime organisé à l’origine des vols de voitures a augmenté de 62 % par rapport à l’année précédente, selon la police fédérale.
Le Bureau d’assurance du Canada qualifie désormais ce problème de « crise nationale ». Les assureurs automobiles privés au Canada ont déboursé 1,5 milliard de dollars canadiens (plus d’un milliard d’euros) en sinistres pour vol en 2023, soit une augmentation de 254 % depuis 2018.
“Passoire”
Au Canada, la plupart des “véhicules volés convergeront vers Montréal et son port, qui a une position stratégique”, a expliqué Yannick Desmarais à l’AFP.
«Montréal est considérée comme une passoire», renchérit Georges Iny, directeur de l’association de protection des automobilistes.
Ce port sur le fleuve Saint-Laurent avec accès à la côte atlantique relie l’Est du Canada et le cœur industriel de l’Amérique du Nord à plus de 140 pays. Plus d’un million de conteneurs y transitent chaque année.
«Le défi est d’intercepter le faible pourcentage de marchandises illicites sans nuire à notre économie en ralentissant la fluidité des échanges commerciaux», explique à l’AFP Annie Beauséjour, directrice régionale pour le Québec à l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le gouvernement de Justin Trudeau, qui a organisé il y a quelques semaines un sommet national sur le sujet, a notamment promis d’interdire les importations de ces dispositifs de piratage. Il a également annoncé des sanctions accrues pour les voleurs de voitures et davantage de ressources pour l’agence frontalière.
En attendant, à Toronto comme à Montréal, les groupes se multiplient sur les réseaux sociaux pour s’entraider et localiser les voitures volées.
Mais dans les commentaires, beaucoup disent souvent aux malheureux qu’ils feraient mieux de se résigner, car leur voiture est probablement déjà dans un conteneur à destination de l’étranger.
