Comment les festivals et les grands événements sportifs ou culturels luttent aussi contre les itinérants. – .

Comment les festivals et les grands événements sportifs ou culturels luttent aussi contre les itinérants. – .
Comment les festivals et les grands événements sportifs ou culturels luttent aussi contre les itinérants. – .

Ce deuxième et dernier texte d’une série sur l’itinérance et la culture rappelle comment le développement par les festivals a poussé les sans-abri de Montréal vers l’est du centre-ville.

Culture et sans-abrisme ne cohabitent pas nécessairement très bien. Plus inquiétant encore : les industries des festivals sportifs ou culturels qui recommencent à fonctionner à plein régime en ce moment au Québec, et à Montréal en particulier, peuvent expliquer en partie le triste sort réservé aux sans-abri.

C’est l’un des constats inquiétants que fait le sociologue Michel Parazelli dans sa grande synthèse intitulée Itinérance et cohabitation urbain (PUQ), publié en 2021.

L’enquête montre que la manière d’envisager le sans-abrisme dépend en partie du régime économique qui guide le développement urbain dans un contexte de compétition internationale entre les villes. Dans le cas de Montréal par exemple, une bonne partie de cette attractivité « de marque » passe par le tourisme culturel et sportif, les festivals et surtout le Quartier des spectacles (QDS), inauguré en 2009 en grande partie pour les accueillir au centre. ville.

« Dès lors, toute une série de mesures d’intervention dissuasives et socio-sanitaires seront mises en place pour contenir les nuisances potentielles des personnes en situation de marginalité dans les espaces publics programmés par le [QDS] », écrit Michel Parazelli, de l’UQAM, rappelant notamment la formation concomitante de la Brigade des espaces publics pour « favoriser la cohabitation harmonieuse » dans les espaces publics.

Le choix du développement urbain par le festival peut également être lié à l’adoption d’un plan d’urbanisme pour la métropole des années plus tôt. La proposition reposait sur l’idée d’industrialiser les produits et les offres de divertissement de l’ancien feu rouge de la ville ouverte fréquentée pour ses nuits endiablées depuis au moins la prohibition américaine. Cette réputation sulfureuse de Montréal a été célébrée même dans la pièce Sexe, par Mae West.

« Les enjeux structurels qui pourraient influencer les représentations des sans-abri sont liés au régime économique qui guide le développement urbain », explique Michel Parazelli dans un entretien. L’objectif, dans le cadre du libre-échange international, est de développer une plus grande attractivité des villes. Ils sont sur un marché, dans une compétition, pour attirer les capitaux. Montréal s’est concentrée sur les festivals comme l’un de ses segments de marché. Les personnes auparavant perçues comme des personnes marginalisées extrêmement pauvres ont soudainement commencé à provoquer davantage de perturbations car elles sont devenues un obstacle socio-symbolique au développement. La tolérance à leur égard a donc changé. »

Les mêmes causes produisent presque partout les mêmes effets. Les Jeux Olympiques aggravent toujours l’exclusion sous couvert de « marketing social » dans une logique de village Potemkine. La preuve en a été faite à Montréal en 1976 (avec le démantèlement de Corridart), comme à Vancouver en 2010. Elle est encore visible à Paris, où se prépare une nouvelle orgie touristico-sportive. Le collectif Le Reverse de la Médaille, qui regroupe 80 ONG françaises et internationales, a dénoncé le « nettoyage » urbain de la région parisienne. Les Jeux soi-disant « les plus inclusifs de l’histoire » ont en réalité entraîné le déplacement de milliers de sans-abri de la capitale.

Trois imaginations

Les médias, ces acteurs centraux de la culture et de la communication, contribuent également à forger une vision du sans-abrisme. Michel Parazelli s’est intéressé aux « imaginaires sociaux » qui façonnent les discours médiatiques sur ce monde. Avec Marie-Ève ​​Carpentier, il a décortiqué et classé 390 articles de journaux publiés sur le sujet sur 25 ans (1993-2018).

«On a un peu utilisé les médias comme échantillons du discours social, celui qui circule aussi dans les productions culturelles», précise le professeur. Les médias proposent une lecture de la réalité qui n’est pas homogène. »

Trois imaginaires, relais de théories et d’expériences, émergent et « sont toujours d’actualité ».

Le premier angle, dit écosanitaire, défend une vision naturaliste de l’occupation du territoire urbain. Les sans-abri sont perçus comme une nuisance pour l’équilibre dit « naturel » de la ville, son écosystème fragile. Elle est considérée comme un obstacle à la prospérité, au développement et à la réussite. Les actions répressives qui en résultent visent à rendre invisibles les personnes sans abri ou à les mettre au pas par la judiciarisation et la répression. C’est l’imagination à l’œuvre dans le sucre pur au QDS et en ce moment à Paris.

Le deuxième imaginaire, dit démocratique, s’oppose à la santé. Elle postule une occupation citoyenne de l’espace public et défend des actions de soutien aux victimes de discriminations. Cette perspective conduit notamment à revendiquer le droit au logement. L’approche Logement d’abord, populaire en Amérique du Nord et à Montréal, gagne maintenant l’appui de certains organismes communautaires, des refuges et du milieu des affaires regroupés depuis 2015 au sein du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal.

Le troisième axe est qualifié de bénéfique. Il semble faire des progrès en ce moment. Elle fonde la représentation sur l’impuissance des sans-abri, qu’il faut aider en les responsabilisant, en les réinsérant dans le système pour les sauver. Le discours est pragmatique et vise à sortir de la rue.

Pourtant, en réalité, mettre fin au sans-abrisme semble de moins en moins possible dans le régime socio-économique actuel. Le gouvernement fédéral a cessé de subventionner le logement social depuis les années 1990. Les provinces n’ont pas suffisamment compensé. On se retrouve donc avec cette crise du sans-abrisme multifactorielle et la crise des opioïdes qui s’y ajoute. De plus, le réseau des services sociaux et de santé a réduit l’accès à toutes sortes de ressources.

« Les personnes en situation d’itinérance ne sont pas organisées pour s’exprimer collectivement », conclut Michel Parazelli. Nous le faisons avec des jeunes, des femmes, des personnes vivant avec un handicap ou une santé mentale. Nous ne le faisons pas avec les sans-abri. Oui, de temps en temps, nous en consultons quelques-uns, mais aucune organisation n’est là pour discuter des solutions qui leur sont imposées par d’autres acteurs sociaux. »

Sans-abri et cohabitation urbaine. Perspectives, enjeux et stratégies d’action

Michel Parazelli, PUQ, Montréal, 2021, 288 pages

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