Vendredi, un tribunal de Moscou a ordonné le placement en détention provisoire de Laurent Vinatier, un Français de 47 ans, accusé d’avoir violé la loi sur les « agents étrangers ». Les traits tirés et vêtu d’une chemise noire dans la cage réservée à l’accusé, il a présenté vendredi ses “excuses” pour ne pas s’être enregistré comme “agent étranger” et affirmé avoir “porté la position de la Russie” dans son travail. .
Ce qui s’est passé ?
Laurent Vinatier, collaborateur d’une ONG suisse de résolution des conflits, a été arrêté jeudi. Il est officiellement poursuivi pour violation d’une loi relative aux « agents étrangers ». S’il a été placé en détention provisoire jusqu’au 5 août, il risque jusqu’à cinq ans de prison en raison de cette législation, utilisée par Moscou pour réprimer ses détracteurs.
Son avocat Alexei Sinitsyn a assuré que son client « ne savait pas » qu’il était obligé de s’inscrire sous ce fameux label. Il a demandé son placement en résidence surveillée à Moscou, avec son épouse, et non dans un centre de détention. Selon l’agence Tass, qui cite ses propos devant le tribunal, Laurent Vinatier a indiqué qu’il avait deux enfants mineurs, dont l’un est handicapé et a besoin de soins.
Laurent Vinatier est également soupçonné d’avoir collecté illégalement des informations sur les activités militaires russes. Les termes du communiqué de presse du Comité d’enquête, puissant organe d’enquête russe, font référence à une « collecte ciblée d’informations dans le domaine des activités militaires et militaro-techniques de la Russie », ce qui laisse présager des accusations encore plus lourdes contre le Français placé en détention.
Qui est-il ?
Laurent Vinatier, 47 ans, travaille au Centre pour le dialogue humanitaire (HD), une ONG suisse, en tant que conseiller pour la Russie et l’Eurasie. Cette dernière a demandé sa « libération » jeudi. Selon plusieurs sources, il travaillait depuis de nombreuses années sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, avant même l’assaut de février 2022, dans le cadre d’efforts diplomatiques discrets en parallèle avec les Etats.
Les médiateurs des ONG comme HD travaillent en toute confidentialité et en dehors des contraintes de la diplomatie traditionnelle, ce qui permet des contacts informels entre adversaires mais peut aussi exposer ces acteurs à des accusations d’espionnage.
Titulaire d’un doctorat de l’Institut d’études politiques de Paris axé sur le conflit en Tchétchénie, Laurent Vinatier est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Russie, le Caucase et l’Asie centrale. Avant de rejoindre l’ONG suisse, ce chercheur professionnel avait notamment travaillé avec le Comité international de la Croix-Rouge et le « Small Arms Survey » sur les mouvements islamistes en Syrie et dans le Caucase du Nord.
Un espion pour la France ?
Jeudi, le président français Emmanuel Macron a insisté sur le fait que l’intéressé n’était “en aucun cas (…) quelqu’un qui travaille, qui travaille pour la France”. « Il bénéficiera de toutes les protections consulaires appropriées en un tel cas. Mais ici, j’ai voulu rétablir la vérité face aux ivresses qu’on entend”, a-t-il déclaré.
Selon l’AFP, aucun représentant de l’ambassade de France n’était présent à l’audience qui a abouti à sa détention provisoire vendredi.
Quel est le contexte de cette arrestation ?
Le placement du Français en détention provisoire intervient dans un contexte de tensions russo-françaises croissantes en raison de la guerre en Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky est reçu vendredi à l’Élysée, tandis qu’Emmanuel Macron a annoncé la veille le transfert de plusieurs avions de combat à Kiev ainsi que la formation de 4 500 soldats ukrainiens.
Un Russe-Ukrainien, soupçonné d’avoir planifié des actions violentes en France, moins de deux mois avant le début des Jeux olympiques de Paris, vient d’être arrêté et mis en examen et Moscou est soupçonné de multiples actions d’ingérence, d’intimidation ou de désinformation, accusations qui elle rejette.
La détention provisoire de Laurent Vinatier s’inscrit également dans un contexte similaire à celui de plusieurs Américains, actuellement détenus dans les prisons russes. Moscou est accusé d’avoir procédé à ces arrestations puis négocié des échanges pour libérer ses agents.
C’est le cas du journaliste américain Evan Gershkovich, accusé d’espionnage malgré ses dénégations, celles de ses proches, de son pays et de son employeur. Moscou semble vouloir l’échanger contre un homme condamné en Allemagne pour avoir commis un assassinat pour le compte des services secrets russes.
