cinq siècles de relations entre le Japon et l’Occident explorés à l’abbaye de Daoulas

Entre 1580 et 1620. Bois laqué noir, poudre d’or, garnitures en cuivre. Musée du monastère royal de Brou. Bourg-en-Bresse.Abbaye de Daoulas. Sentiers du Finistère

Cabinet d’écriture Namban

En 1543, les navigateurs portugais furent les premiers à s’échouer, à la faveur d’un typhon, sur l’île de Tanegashima. Le Portugal ajoute ainsi un nouveau comptoir commercial à ceux qu’il contrôle déjà en Asie. Ce caisson à tiroirs, réalisé par des artisans japonais, en bois laqué et incrustations de nacre, est un objet dont la forme et l’usage sont typiquement occidentaux. Il témoigne de l’influence des Portugais au Japon au XVIee siècle. Mais son nom « Namban », qui vient de « namban-jin », c’est-à-dire « barbare du sud » donne une indication sur la manière dont les Japonais considèrent les Occidentaux. Les échanges commerciaux n’en sont pas moins fructueux. « Mais après quelques décennies de présence occidentale, explique la co-commissaire de l’exposition Édith Joseph, le Japon se ferme. L’avènement du régent Hideyoshi Toyotomi, qui unifia le territoire, mit fin à l’influence portugaise et au prosélytisme des jésuites. L’interdiction du christianisme s’est concrétisée avec le massacre de Nagazaki et l’assassinat des franciscains espagnols et des chrétiens japonais en 1597.

Phare de Shinagawa 1870, Emile de Montgolfier, Collection Bernard Champanhet.Abbaye de Daoulas. Sentiers du Finistère

Phare de Shinogawa

Au milieu du 19ème sièclee siècle, tandis que l’archipel japonais, contraint et forcé par les États-Unis, s’ouvre à nouveau au monde, les relations entre la France et le Japon, rétablies depuis 1844, se consolident en 1858 par la signature d’un traité « de paix, d’amitié et de commerce ». . La France devient le partenaire privilégié du shogunat Togukawa. Léon Roches, consul général de France au Japon, obtint notamment l’approvisionnement de l’industrie française en vers à soie et en fils. En échange, le Japon bénéficie de l’expertise industrielle, technique et militaire de la France. Comme le souligne Édith Joseph, l’ingénieur maritime brestois François-Léonce Verny construira l’arsenal militaire de Yokosuka, situé à l’entrée de la baie de Tokyo, dont il deviendra directeur. Il se chargera également d’y faire construire des phares, tous équipés de lentilles de Fresnel. Revers de la médaille, « quelques années plus tard, explique-t-elle, sous l’ère Meiji (gouvernement éclairé), grâce à l’ingénierie transmise par les Français et les Anglais, les Japonais pourront faire la guerre aux Chinois et aux Anglais. Les Russes. »

Série Crépuscule La magie des heures Henri Rivière (1864-1951) 1902 Lithographie. Musée départemental breton.Abbaye de Daoulas. Route du Finistère

Crépuscule de Henri Rivière

« Le Japon, explique Édith Joseph, est né en partie grâce aux militaires. Du 19ème sièclee siècle, les marins rapportaient des objets en France et notamment en Bretagne. « . C’est le cas par exemple du vice-amiral Cécille et de son gendre, le commissaire naval Danguillecourt, qui ont légué, après la mort de son fils unique, plus de 500 objets asiatiques aux musées de Rouen et de Brest. « Ses collectionneurs ou bibelots, explique-t-elle, rapportent entre autres des inrô – des boîtes en laque composées de plusieurs compartiments, des netsuke en bois qui maintiennent ce dernier à la ceinture du kimono, ou encore de nombreuses gravures illustrant l’ukiyo-e. l’art ou l’art du monde flottant, typique de la période Edo (1603-1868) et les estampes. Mais l’événement crucial dans l’essor du japonisme en Europe fut l’Exposition universelle de Paris de 1878 avec son pavillon japonais. Un marchand d’art et collectionneur, Siegfried Bing, jouera également un rôle essentiel. Il publie un magazine, Japon artistique, dans lequel il donne à tous ces objets ramenés en Europe leur place dans l’histoire de l’art japonais. Cette mise en perspective suscitera l’intérêt d’artistes comme les Nabis ou Henri Rivière dont les estampes s’inspirent de l’art japonais.

Kimono de jeune garçon à motif de propagande. Entre 1920 et 1945 Collection Soie Ana Berger /Japon Texte Ile(s)Abbaye de Daoulas. Chemins du Finistère

Kimono pour jeune garçon à motifs de propagande

C’est l’une des pièces les plus impressionnantes de l’exposition.» indique Edith Joseph. Dans les années 1930, le Japon, poursuivant sa modernisation, mène une politique expansionniste très agressive en Asie, puis rejoint en septembre 1940 les forces de l’Axe (Italie fasciste de Mussolini et Allemagne nazie). Les motifs que l’on peut apercevoir sur ce kimono représentent des navires de guerre de la marine japonaise et reflètent à la fois la modernisation du design japonais, qui s’affranchit au moins en partie du registre traditionnel, et la militarisation des vêtements traditionnels, devenus support de propagande patriotique. Le fait que ce kimono soit destiné à un enfant en dit long sur l’endoctrinement auquel sont soumis notamment les jeunes garçons, considérés comme de futurs guerriers.

À noter :

Abbaye de Daoulas, fondée au XIIe sièclee siècle, est, depuis les années 1980, un centre culturel qui accueille des expositions axées sur les cultures du monde. L’exposition « Du samouraï au kawaii », présentée jusqu’au 1er décembre, explore sous différents angles – historique, artistique ou sociologique, six cents ans de relations entre l’Europe et le Japon, du XVIee siècle à nos jours, à travers la culture pop japonaise des années 1970 aux années 1990.
Initialement conçue pour le Musée Dauphinois, sa présentation a été adaptée à la Bretagne, incluant des témoignages de ressortissants japonais résidant dans le Finistère. La co-commissariat est assuré par l’historienne de l’art, Édith Joseph, anthropologue de formation, responsable des expositions des Chemins du Finistère. La programmation autour de l’exposition Abbaye de Daoulas est consultable sur www.cdp29.fr

 
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