Pujol et Castanet, deux prix Albert-Londres au Salon du livre de Brive, deux façons de changer le monde

Pujol et Castanet, deux prix Albert-Londres au Salon du livre de Brive, deux façons de changer le monde
Pujol et Castanet, deux prix Albert-Londres au Salon du livre de Brive, deux façons de changer le monde

Deux journalistes, deux prix Albert-Londres et deux stages extraordinaires. Philippe Pujol et Victor Castanet parlent de leur parcours vers l’indépendance, de leur métier et de l’étape qu’ils ont franchie pour écrire un livre. De l’enquête qui fait bouger les lignes au style percutant et brut… Perspectives croisées.

« Je suis un dégun, le dégun d’un journal qui est en train de mourir. Je ne suis même pas en division 2, je suis en division 3 et ils me donnent le ballon d’or. C’est ainsi que, avec un bel accent marseillais, Philippe Pujol résume ce qu’il a ressenti lorsqu’il a remporté le prestigieux prix Albert-Londres en 2014. Huit ans plus tard, c’est au tour de Victor Castanet d’être récompensé de la même distinction.

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« Cela m’a fait très plaisir d’appartenir à ce collectif de grands journalistes passionnés qui sont de vrais journalistes de terrain », assure-t-il.

Le clic

Le terrain est ce qui motive ces deux-là. C’est lors d’une mission de deux semaines en Algérie en 2014 pour couvrir la quatrième réélection d’Abdelaziz Bouteflika que Victor Castanet a pris conscience de ce qui ressemblait le plus à ce qu’il souhaitait faire.

« Être sur le terrain, être en immersion… J’ai l’impression de donner la parole à des gens qui n’ont pas la possibilité de l’avoir. Et d’avoir une réelle utilité. Là, mon métier prend tout son sens.

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Philippe Pujol, alors fait divers pour le quotidien The Marseillaiseest en désaccord avec un nouveau préfet de police, nommé par Nicolas Sarkozy. Nous sommes en 2011. « Alain Gardère est une sorte de caricature cinématographique, mégalomane, presque fou. Il m’a maltraité une fois parce que je travaillais pour un journal communiste. Je me suis dit (toujours avec l’accent) : ‘tu me traites mal, je vais te rendre malheureux.” Le journaliste enquête et divulgue presque quotidiennement des informations sur le nouveau patron de la police qui sera ensuite traduit en justice. Il a fini par être banni de l’Évêché, le commissariat central de Marseille. « C’est classe ! C’est là qu’il y a un tournant. Je suis un fait divers assez classique. J’ai un rapport qui est à 80 % policier, 20 % sur le terrain. Il se retrouve du jour au lendemain coupé des informations fournies par les autorités.

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« Alors je me range totalement du côté des gangsters, du banditisme. Je me tourne vers le journalisme où j’inverse les choses. Je me rends compte que c’est dix fois mieux. Et je commence à faire ce qui m’amènera au prix Albert-Londres.

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Indépendance. De retour d’Algérie, Victor Castanet se dit : « désormais personne ne me dira ce que je dois faire, comment je dois le faire. J’ai commencé à être indépendant.

Philippe Pujol, lauréat du prix Albert-Londres 2014, et chômeur

A 660 kilomètres de Paris, La Marseillaise, en grande difficulté, « libère » Philippe Pujol après avoir remporté le prix Albert-Londres pour sa série Des quartiers merdiques. « Quand vous avez le Ballon d’Or, vous avez presque toutes les équipes de Ligue 1 ouvertes, même la Ligue des Champions. En fait, je n’y vais pas. Je joue en solo. “

Le livre

Ces deux-là écriront pour des journaux ou des magazines en « freelance ». «Quand j’ai vu ce qu’ils payaient… C’est une blague», raconte Philippe Pujol. “Oubliez ça, je ne vais pas travailler pour un magazine.” C’est dit. Pour lui, le livre est le moyen de son indépendance. Il y vient aussi pour une raison très personnelle.

« Mon père rêvait d’être écrivain. Il est tombé malade. J’ai donc écrit un maximum de livres pour qu’il ait le temps de les lire. Ce qui explique pourquoi j’ai écrit sept livres en cinq ans.

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Brûlés, les enfants du monstrepublié chez Julliard, est son huitième livre.

Le grand-père de Victor Castanet était aussi écrivain. «J’étais très proche de lui. Il m’a donné une curiosité pour le monde et l’actualité. Alerté par Laurent Garcia, cadre soignant, il se lance dans une enquête sur l’Ehpad Orpea de Neuilly, « l’un des plus chers de France ». Victor Castanet découvre alors que « l’ensemble des Ehpad du groupe souffrent de pratiques d’optimisation des coûts, de rationnement et de détournement de l’argent public ».

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Le scandale est immense. Le système est complexe. « Il y a une histoire à raconter. Pour écrire un livre, il ne suffit pas d’avoir beaucoup d’informations, il faut aussi avoir une histoire, un début, un milieu, une fin, un axe narratif. Là, j’avais l’impression qu’il y avait une vraie puissance narrative et que ça valait un livre. Les Fossoyeurs publié le 26 janvier 2022, chez Fayard.

Leur avis

« Victor, il va mener une enquête qui a le pouvoir de changer les choses, estime Philippe Pujol. Crèches, maisons de retraite, ce sont des espaces fermés, et qui touchent directement le quotidien des gens. Nous avons tous des enfants et nous serons tous vieux, même si nous n’avons pas tous des dealers d’enfants.»

Victor Castanet répond : « Les sujets qu’il traite et les miens sont essentiels à traiter. Il est plus difficile d’atteindre les médias nationaux, de faire l’actualité pendant des semaines, car ce sont des sujets qui touchent moins de monde, qui touchent les plus pauvres, les plus misérables… Et parfois, on n’a pas envie de les voir. Mais c’est aussi notre travail de montrer ce que nous ne voulons pas voir.

Pour l’auteur de Ogresles livres écrits par les journalistes sont loin d’être tous bons mais « Philippe, il a une très belle plume. Il a un vrai style. Très souvent, nous sous-estimons cela dans notre métier. Il a une vraie singularité. Il a su redonner ses lettres de noblesse à ce travail de localisation. Il a su sublimer le travail de localisation par son style, par son regard très humain, sans jugement.

Emilie Auffret

 
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