Flammes dévorantes, nuage de fumée, flèche mythique qui s’effondre… Il y a un peu plus de cinq ans, une partie de Notre-Dame de Paris succombait dans un incendie. Après des années de travaux, la cathédrale rouvrira ses portes le 7 décembre. Un mois avant cette ouverture tant attendue, une polémique secoue le monde de l’art et du patrimoine : celle concernant la création de six vitraux contemporains. Ils remplaceraient ceux d’Eugène Viollet-le-Duc, installés en 1864. Alors que le duo d’artistes contemporains vient d’être choisi pour réaliser ces futurs vitraux, cette décision fait débat.
Une grue de chantier jaune surplombe Notre-Dame. Face au bâtiment, en costume impeccable, Didier Rykner, historien de l’art et fondateur de La Tribune des Arts. Il désigne du menton la façade sud, où sont encastrés les vitraux : « Il s’agit de vitraux décoratifs, des vitraux géométriques, qui ont été conçus par Eugène Viollet-le-Duc, pour la cathédrale plus précisément, dans un esprit néo-gothique. »
Les vitraux d’origine se sont échappés l’incendie d’avril 2019. Ils sont en bon état, mais ils ont quand même été restaurés grâce à l’argent des donateurs. Ils seront cependant remplacés par des vitraux contemporains. C’est le souhait deEmmanuel Macron et l’archevêque de Paris, Monseigneur Ulrich, pour garder une trace du XXIe siècle sur la cathédrale. Une décision à laquelle Didier Rykner s’oppose fermement :
« Ce n’est pas contre les vitraux contemporains, c’est contre l’idée de remplacer les vitraux existants, classés monuments historiques, par des vitraux qui peuvent être bons ou peut-être pas bons, peu importe. Ce n’est pas possible, ces vitraux sont de très grandes dimensions, ils ont une superficie de 120 m². Alors, ils vont passer à la caisse, soyons clairs. C’est absurde. »
L’historien a lancé une pétition en ligne pour préserver les vitraux. Elle a récolté plus de 200 000 signatures. Pour Tuviti, touriste tahitien, le patrimoine n’est pas figé. Au contraire, il doit être vivant : « Il faut apporter notre touche à notre époque, c’est très important. Il raconte aussi l’histoire et il garde cette histoire et son charme. »
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Un projet controversé
L’historien et écrivain Camille Pascal fait partie des spécialistes qui défendent ce projet audacieux : « C’est une question de mesure, de logique et de cohérence. Quand on a proposé de mettre une sorte de balise lumineuse au-dessus de Notre-Dame, il est normal que cela choque. Mais qu’on puisse, de temps en temps, laisser une place à l’expression de l’art contemporain français, cela ne me choque absolument pas. »
Huit artistes ont été présélectionnés sur concours. L’installation des nouveaux vitraux pourrait coûter plusieurs millions d’euros : « Si nous avons de grands artistes contemporains qui créent des vitraux qui marquent l’histoire de l’art contemporain, ce sera un excellent investissement. Les plus grands noms de l’art contemporain ont offert des vitraux, Soulages ou Chagall… C’est superbe. »
En juillet dernier, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture s’est prononcée contre l’installation de ces nouveaux vitraux. Certaines associations, comme Site et Monuments, se disent d’ores et déjà prêtes à engager des poursuites judiciaires.
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