Co-organisé par Auzon communauté, dASA et Haute-Loire bio, le forum sur la transmission agricole aura lieu jeudi à Azerat. Focus sur l’événement avec l’une de ses invitées, la sociologue Brigitte Chizelle.
La sociologue Brigitte Chizelle se consacre depuis plus de 20 ans à l’étude de diverses problématiques liées au monde agricole. A la tête, avec son associé Dominique Lataste, de l’organisme de formation Autre dit, elle se spécialise dans les problématiques rurales et agricoles, notamment celle de la transmission agricole. Annoncée au forum Azerat jeudi, elle livre son analyse sur ce sujet et ses enjeux.
Quel est votre avis sur l’installation de transmission dans le monde agricole ?
Ce sujet est souvent interprété à travers le prisme économique.
Le facteur humain est relégué au second plan. Il y a environ 200 exploitations qui cessent leur activité chaque semaine en France. Pourquoi y a-t-il si peu de transmission des exploitations agricoles ? Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une disparité entre ce que voulaient les vendeurs et les attentes des acheteurs.
Quel type d’écart existe-t-il entre les vendeurs et les acheteurs potentiels ?
Nous avons étudié de nombreux cas de transmission de ferme et nous avons constaté que dans la majorité des cas, c’est le cédant qui possède les clés de l’opération. Il existe de nombreux candidats à l’installation. Les cédants doivent être accompagnés, c’est essentiel.
Concrètement, quels sont les points qui posent problème lorsque vous souhaitez vendre votre ferme ?
La question du logement est rarement anticipée. C’est un sujet un peu tabou. Par exemple, si le cédant vit en couple, il y a souvent l’un des deux conjoints qui est plus attaché à la maison que l’autre et qui souhaite la conserver. Si l’acheteur veut absolument vivre sur la ferme, cela va créer des problèmes. L’identité de vie du cédant peut également avoir un impact. A-t-elle développé d’autres activités en parallèle pour continuer à exister ? Sa vie se résume-t-elle à son activité professionnelle ? Tout cela peut être un frein lorsque vient le temps de vendre votre entreprise.
prime Être agriculteur en Haute-Loire et partir en vacances, c’est possible… mais pas donné
Pour le cédant, il peut y avoir un fort attachement à ce qu’il considère comme l’œuvre de sa vie.
C’est le cas des exploitations agricoles qui fonctionnent bien. Pour le vendeur, il est difficile d’envisager qu’un acheteur fasse différemment de lui alors qu’il a lui-même trouvé un équilibre entre rentabilité et confort de travail.
Quels sont les obstacles du côté de l’acheteur ?
Nous sommes dans une société de plus en plus nomade. Les nouvelles générations changent davantage de métier, de lieu de vie et de situation personnelle. La question de l’engagement à long terme constitue un obstacle. Dans 10 ans, aurons-nous encore envie d’être agriculteur ? Le niveau de revenus pose également problème, même si certains jeunes commencent très bien à s’en sortir.
On parle aussi de crise des vocations. Et ça ?
Les enfants d’agriculteurs ne veulent pas nécessairement devenir agriculteurs. Et ceux qui ne sont pas issus du monde agricole se sentent parfois illégitimes ou mal considérés par les acteurs de la profession.
Quelles pistes explorer pour favoriser la transmission ?
Il doit y avoir une volonté politique sur ce sujet. Premièrement, au niveau des communes et des communautés de communes. Ils ont une proximité avec les gens du territoire. Ils peuvent sensibiliser, réserver des terres dans un secteur donné.
Quel est l’enjeu de réussir ce processus de transmission ?
Il est important de maintenir un nombre suffisant d’exploitations agricoles en France. Fermes de taille familiale. C’est aussi une question de souveraineté alimentaire. Si nous avons une alimentation de qualité par rapport aux autres pays occidentaux, c’est grâce à nos producteurs. La transmission est-elle souhaitée au sommet de l’échelle politique ? Nous avons le droit de nous poser cette question.
Depuis 2 ans, les élus de la communauté d’Auzon se penchent sur la question de l’aménagement et du transport agricole. De cette réflexion est né un forum.
Le monde agricole et le grand public se retrouveront jeudi à la salle communale d’Azerat pour débattre du phénomène de vente/acquisition d’exploitations agricoles. Différentes thématiques seront abordées pour éclaircir le sujet : les difficultés, les obstacles mais aussi les outils pour favoriser l’installation d’une nouvelle génération d’agriculteurs.
Pâturages, troupeaux, bâtiments
Une rencontre qui ne se limite pas aux seuls acteurs du monde agricole. Tous ceux qui s’intéressent à la vie de leur territoire, à leur environnement et à une alimentation de qualité sont invités. Les conférences, ateliers, débats, courts métrages et témoignages traiteront entre autres de l’état sauvage des pâturages qui se transforment en ronces, de la disparition des troupeaux, des bâtiments vides qui finissent par être endommagés… Communauté d’Auzon, dASA et Haute-Loire bio a également invité d’autres associations comme Terre de liens ou Îlots paysans, soutiens nationaux du monde agricole local.
Jérémy Virot
Le programme
Toutes les manifestations se déroulent à la salle municipale d’Azerat, sont gratuites, sans inscription et ouvertes à tous les agriculteurs, porteurs de projets, étudiants, élus, propriétaires fonciers, partenaires, etc.
Dans l’après-midi.
13h30. Mot de bienvenue et mot des élus. 14h00 Introduction à la transmission agricole. Par Brigitte Chizelle, sociologue d’intervention dans le domaine agricole et rural, spécialiste de la transmission.
14h45. Ateliers au choix. « Restructurer pour mieux transmettre, oui mais comment ? ou « Se tester pour mieux s’implanter/transmettre », avec les îles paysannes, l’AFOCG et la Chambre d’agriculture.
16H15. Réunion plénière et échanges avec toutes les parties prenantes. 17h00 Temps d’échanges et de rencontres autour d’un verre.
Dans la soirée
20h. Ciné-débat avec les courts métrages Devenir paysan, s’installer dans l’agriculture et Reprises de fermes. Avec le témoignage de Pauline Mercuri, paysanne boulangère à Saint-Privat-du-Dragon, animé par FRICVAM Auvergne et le réseau Amap Aura. Événement gratuit, sans inscription et ouvert à tous.
Information from Cloé Montcher – Haute-Loire Bio on 04.71.02.07.18 or [email protected] et Christine Paques – dASA au 06.33.66.64.80 ou par mail à [email protected].