La guerre contre la drogue, cette obsession d’un Hitler toxicomane

La guerre contre la drogue, cette obsession d’un Hitler toxicomane
La guerre contre la drogue, cette obsession d’un Hitler toxicomane

Berlin est un jeu d’enfant. Continuellement balayées, écrasées et redessinées, ses blessures ne guérissent jamais complètement. Là gravitent des âmes en fuite ou en quête, c’est selon, d’un passé qui les hante. Sans montagnes ni frontières pour la contenir, cette ville du nord reste, pour beaucoup d’entre nous, un lieu de passage. Nous y allons pour nous découvrir ou pour nous dégrader, mais nous avons rarement pour objectif d’y rester.

Je ne me souviens pas exactement de l’ordre des événements. Nous vivions donc à Berlin depuis un certain temps, mon mari, ma fille et moi. Je pense que nous étions inquiets de la montée de l’AfD et peut-être aussi du réchauffement climatique. On se disait que ces grandes villes plates, sans volets ni altitudes pour les abriter, finiraient inévitablement, un jour ou l’autre, à fondre au soleil.

Il est temps de devenir une dame

C’est un après-midi comme les autres. Je suis dans mon bain. Mon mari frappe à la porte. Il entre, s’assoit sur le tabouret et commence à parler. Il me raconte qu’un poste de professeur de lied et d’oratorio s’est ouvert au Mozarteum de Salzbourg, qu’il lui a été proposé et qu’il l’a accepté. Ce n’est que quelques heures par semaine ; il peut facilement faire la navette entre Berlin et Salzbourg sans que rien ne change vraiment.

Il parle ensuite de l’avenir. Pas celui de la fonte des glaciers, mais le nôtre. Celui de notre famille. Il me dit qu’il en a assez du provisoire, qu’il veut s’enraciner, construire une maison, planter des arbres et faire pousser des racines. Ma situation, il en est conscient, est différente. Une horde de chiens sauvages, frères, cousins, oncles et tantes pourrit sous le stratus de Genève et je peux, à tout moment, si je le souhaite, y retourner. Il ne le fait pas. Il n’a nulle part où retourner. Depuis la chute du mur, il ne voyage que pour chanter et il en a assez de cette vie de troubadour. “Je dois dire, me dit-il, avec un clin d’œil à la cantate de Bach sur laquelle il travaille en ce moment. Il me décrit ensuite Salzbourg comme un lieu à la fois sournois et charmant. L’air y est pur, la nature et la musique suintent par tous les pores et par tous les recoins, et on pourrait facilement, pense-t-il, y mener une vie douce et paisible.

  • Oui, pourquoi pas, dis-je en sortant de la baignoire. Ne vous inquiétez pas.

J’enfile mon peignoir, j’essuie la vapeur qui recouvre le miroir et j’examine attentivement les ridules qui apparaissent le long de mes coins. Je ne tarderai pas à fêter mes 35 ans et peut-être, en effet, le moment est-il venu pour moi de tirer ma révérence ; pour dire adieu à mes tenues en cuir, adieu à mes jupes de salope et adieu à mes soirées sous MDMA. Je prends un sein dans chaque main, je les relève d’un demi-centimètre et je conclus, à voix haute cette fois, qu’il est temps.

Je baisse la tête pour enrouler une serviette autour.

  • Il est temps aussi, ajoutai-je, courbée en deux, d’arrêter de me teindre les cheveux et de toutes ces choses qu’on fait quand l’élégance ne compte pas encore.

Je me lève, je lui dis que je l’aime et que s’il veut aller à Salzbourg, nous irons à Salzbourg.

“Extase totale”

Les semaines suivantes, il les a passés à me parler d’immobilier, d’hypothèques et de mètres cubes à déménager. Je partage avec lui toutes mes ambitions et mes résolutions les plus folles.

  • Vous verrez, une fois à Salzbourg, j’arrêterai de vapoter, je ferai plus de 10 000 pas chaque jour, je me baignerai dans l’eau froide et peut-être même que je reprendrai l’équitation.

Lorsque nous atterrissons enfin tous les trois là-bas, dans cette ville située à une soixantaine de kilomètres de Braunau, la ville natale d’Adolf Hitler, un microbe chinois paralyse le progrès du monde. Des dispositifs d’isolement des sujets contaminés et des contaminants sont mis en place. Les couvre-feux et les états d’urgence sanitaire sont instaurés, abrogés, puis rétablis. Pendant que mon mari est projeté dans les hangars, sous respirateur, je m’abonne à Netflix. je regarde Peu orthodoxe, série inspirée du roman de l’écrivaine américaine Deborah Feldman, qui vit à Berlin. Elle fut la première à me prévenir :

  • Malka, si tu déménages là-bas, tu vas pourrir.

Je me rabats alors sur Disney Plus. Je teins mes cheveux de toutes les couleurs, je vape sans cesse des parfums de plus en plus dégoutants et je me mets à feuilleter des livres non ouverts qui traînent encore dans les cartons de déménagement. Parmi eux, Le Total Rausch (traduit sous le titre Extase totale, éd. La Découverte, 2016), une enquête de l’écrivain allemand Norman Ohler qui raconte, archives à l’appui, les pratiques de toxicomanie des nazis. On découvre par exemple qu’Adolf Hitler, ce messie de la destruction, était non seulement végétarien, anti-tabac, obsédé par la propreté et la performance, mais aussi complètement ravagé par la drogue et l’addiction.

Les seringues du célèbre Dr Morell

 
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