Sénégal, le gentil Président Faye contre le mauvais Premier Ministre Sonko

L’opposition rêve de désagréger la relation Ousmane Sonko-Diomaye Faye, le duo qui a pris le contrôle du Sénégal après une présidentielle sans fraude ni contestation.

Bati Abouè à Abidjan et Nicolas Beau à Paris

L’ancien président Macky Sall, qui bénéficie de solides soutiens à Paris, dont celui d’Emmanuel Macron, est déterminé à tout mettre en œuvre pour revenir au pouvoir.

Entre une retraite dorée à Marrakech et les bureaux qu’il envisage d’installer à Paris, l’ancien président Macky Sall n’est pas resté inactif depuis la dernière présidentielle sénégalaise qui a vu ses partisans essuyer une défaite spectaculaire. Pour ceux qui se demandent qui est désormais le leader de l’opposition au Sénégal, la réponse surgit immédiatement. «C’est lui et lui seul», assure l’un de ses principaux soutiens à Paris.

Non sans habileté, Aky Sall distille les éléments de langage à ses partisans. Toutefois, pour revenir au pouvoir au Sénégal, l’ancien parti au pouvoir mise sur une stratégie de désintégration du nouvel exécutif. L’entourage de « Macky » se plaît à dépeindre Diomaye Faye comme un homme mesuré, instruit et responsable, alors qu’Ousmane Sonko ne serait qu’un leader sectaire prêt à marcher sur les traces de JeanLuc Mélenchon qu’il a reçu avec les honneurs à Dakar. « Si Sonko suit les conseils de son gourou idéologique Mélenchon, confie l’ancien ministre et ancien porte-parole de Macky Sall Yoro Dia, le Sénégal deviendra le Venezuela »

« Le pas en avant » de Faye

La deuxième visite du nouveau président sénégalais était celle du président ivoirien Ouattara, adoubé par la vieille garde des chefs d’Etat conservateurs.

Brillant et farouche éditorialiste, Yoro Dia exprime clairement la volonté du clan de Macky Sall de creuser la brèche entre les deux têtes de l’exécutif. « En matière de politique étrangère, confie-t-il au journal l’Aurore, le duo Diomaye-Sonko danse le tango, c’est-à-dire un pas en avant, deux pas en arrière. Le président Faye a également fait un pas en avant en réservant sa première sortie à l’étranger à la Mauritanie, signe d’avant-garde car avec le pétrole et le gaz, le Sénégal peut accélérer sa marche vers l’émergence. Donc être à l’avant-garde économique après avoir été à l’avant-garde politique (exception démocratique).»

Et le même brillant éditorialiste de poursuivre : « Alors Sonko, avec sa tournée pompeusement annoncée dans l’alliance des États putschistes (Guinée et Alliance des États du Sahel, à savoir le Mali, le Burkina et le Niger), prend deux pas en arrière en réservant sa première sortie à les pays de l’arrière-garde démocratique. Même s’ils sont à peu près de la même génération, il existe un fossé politique entre le président Faye et ces présidents de l’alliance des Etats putschistes. Diomaye a été élu démocratiquement, les autres ne sont donc que des putschistes qui cherchent à légitimer leurs crimes par la manipulation idéologique d’un souverainisme dépassé et anachronique.»

Ousmane Sonko, sans état d’âme

Au Sénégal, les partisans de Macky Sall rêvent d’exacerber la rivalité entre le président et son premier ministre. P.Plusieurs sites sénégalais critiquent le Premier ministre Ousmane Sonko pour sa résistance à la liberté d’expression. Celui-ci cherche à établir une sorte d’affiliation répressive entre le Premier ministre et l’ancien président Macky Sall.

Il est vrai que deux militants sénégalais, dont un marabout, ont été emprisonnés. Mais ils avaient accusé le nouveau premier ministre sénégalais d’être homosexuel afin de le discréditer auprès de la grande majorité de l’opinion publique sénégalaise. Ousmane Sonko a clôturé le débat en affirmant que son pays tolère l’homosexualité mais résiste à la propagande LGBT que l’Occident voudrait lui imposer.

Sénégal, cimetière des cohabitations

Les proches de Macky Sall se plaisent à rappeler que l’histoire du Sénégal est pavée de querelles entre les deux chefs de l’exécutif, dont l’amitié n’a pas résisté au temps. Peu après l’indépendance, on assiste à la rupture retentissante du duo Senghor-Dua qui se solde par l’incarcération du deuxième, alors premier ministre, accusé de vouloir renverser le président Senghor.

Plus tard, la bonhomie apparente du président Diouf n’a pas pu résister aux germes de division entre lui et son premier ministre, Habib Thiam, son ami d’enfance. Les deux hommes se sont séparés pour des raisons de divergences politiques, le Premier ministre revendiquant son indépendance face aux dérives présidentialistes du régime. Il en fera les frais en 1983. Cette année-là, le président Abdou Diouf supprime d’ailleurs le poste de Premier ministre créé en 1970 par Senghor.

La relation initialement très filiale entre Abdoulaye Wade et son Premier ministre Idrissa Seck s’est également rapidement dégradée, Wade ayant même limogé Seck avant de l’accuser de détournement de fonds publics. Dans l’ensemble, les duos en politique sont fragiles. D’autant que le nouveau président a promis des réformes pour mettre fin à la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat, ce qui devrait rendre la cohabitation encore plus délicate si les liens entre les deux hommes se dégradent.

Ousmane Sonko, l’icône

Lors de son investiture, le président Bassirou Diomaye Faye a clairement remis en cause en dénonçant « une judiciarisation de l’espace politique qui a fait de la justice un levier entre les mains du président de la République ». Les récentes journées de dialogue national sur la justice au Sénégal constituent un premier pas vers cette réforme qui laisse entendre « qu’il n’y aura pas de dualité au sommet de l’Etat » et que même si ce risque existe, il « peut être évité si chacun a un une conscience claire de l’étendue de leurs compétences et (…) une concertation permanente entre les deux », a expliqué Maurice Soudieck Dione.

Porté au pouvoir grâce à un score de 54,28% au premier tour de la présidentielle, Bassirou Diomaye doit tout, aux yeux de la majorité des Sénégalais, à Ousmane Sonko qui n’a pas pu se présenter en raison de ses ennuis judiciaires. Le président de Pastef est également considéré comme le prochain président du pays, Diomaye Faye devenant alors son premier ministre.

Les deux hommes sont liés par une aventure politique inédite. Pourtant, rien n’est gravé dans le marbre. Car en cinq ans, il peut se passer beaucoup de choses.

 
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