LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ SÉNÉGALAIS, UN DÉFI POLITIQUE, ORGANISATIONNEL ET CULTUREL – .

LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ SÉNÉGALAIS, UN DÉFI POLITIQUE, ORGANISATIONNEL ET CULTUREL – .
LA RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ SÉNÉGALAIS, UN DÉFI POLITIQUE, ORGANISATIONNEL ET CULTUREL – .

Le système de santé sénégalais est à la croisée des chemins. Confrontée à des défis majeurs, elle nécessite une transformation profonde pour répondre aux besoins croissants de sa population. Une vision stratégique actualisée et une réglementation solide sont essentielles pour améliorer les conditions sanitaires du pays. Cet article propose une évaluation critique des politiques actuelles, met en évidence les problèmes liés à la gestion des données de santé et aux aspects culturels influençant la pratique médicale, et appelle à des réformes substantielles pour garantir un système de santé plus efficace et plus accessible pour tous. .

Défis politiques

Au Sénégal, les problèmes politiques sont au cœur des dysfonctionnements du système de santé. Le manque de ressources adéquates dans les hôpitaux conduit à des conditions d’hygiène déplorables, favorisant la propagation des infections nosocomiales, des bactéries multirésistantes et d’autres maladies associées aux maladies iatrogènes. Selon le rapport 2022 de l’OMS, environ 15 % des patients hospitalisés dans les pays à faible revenu, dont le Sénégal, contractent des infections nosocomiales, et 10 % de ces patients décèdent.

Des questions cruciales, comme le nombre d’accidents médicaux et d’erreurs de diagnostic, restent sans réponse faute de données fiables et accessibles. Cette situation est exacerbée par le manque de priorité accordée à la santé par les gouvernements successifs. En 2016, le taux de couverture médicale était d’un médecin pour 13 575 habitants, selon le Plan National de Développement Sanitaire et Social (PNDSS) 2019-2028. Même si les équipements s’améliorent progressivement, les établissements de santé fonctionnent encore avec des moyens vétustes. Pour remédier à cette situation, il est indispensable d’augmenter le budget de la santé et d’encourager les partenariats public-privé pour financer les projets d’infrastructures et d’équipements.

Difficultés de mise en œuvre du projet Diomaye Président

Le « Projet Diomaye Président » vise à transformer et moderniser le système de santé sénégalais, mais rencontre des obstacles importants. Plusieurs préalables manquent actuellement pour assurer sa réussite, notamment un projet national de santé pluriannuel à moyen terme avec des objectifs raisonnables et mesurables. Le PNDSS 2019-2028, bien qu’ambitieux et holistique, reste déconnecté de la réalité du terrain et manque de propositions réalistes et d’un modèle de financement viable.

La mise en place des Entrepôts de Données de Santé (EDS), prévue dans le cadre du programme présidentiel, constitue un défi technique et logistique majeur. Ces EDS nécessiteront non seulement un équipement adéquat et des compétences informatiques avancées, mais également des mesures de sécurité, organisationnelles et juridiques robustes. Actuellement, les établissements de santé ne disposent pas de systèmes d’information efficaces pour enregistrer et stocker les données de santé, ce qui rend difficile le suivi et la coordination des soins ainsi que le partage des dossiers médicaux entre établissements via un canal unique et sécurisé. Les données médicales, extrêmement sensibles, doivent être protégées par des procédures garantissant leur anonymisation, leur confidentialité et leur sécurité. Or, cette infrastructure informatique n’existe pas encore au Sénégal.

Problèmes d’organisation

Les événements indésirables graves associés aux soins, y compris les « événements jamais prévus », sont fréquents mais rarement médiatisés en raison des fortes croyances religieuses de la population, qui préfère s’en remettre à Dieu. Lorsque ces événements sont imputables à des fautes professionnelles, ils restent souvent méconnus en raison de l’absence de cadre réglementaire permettant aux autorités de mener des enquêtes systématiques. Les événements «jamais» sont des incidents médicaux graves et évitables qui ne devraient jamais se produire dans le domaine des soins de santé. Elles incluent des erreurs catastrophiques et irréversibles telles que la réalisation d’opérations chirurgicales au mauvais site (erreur latérale), l’administration d’une dose incorrecte de médicament ou le fait de laisser des objets chirurgicaux dans le corps après une opération. Ces événements révèlent de graves défaillances dans les systèmes de sécurité et de qualité des soins.

Un exemple tragique de ces échecs est la mort de 11 bébés à l’hôpital de Tivaouane. Cet incident choquant met en évidence de graves insuffisances dans les infrastructures et les protocoles de sécurité dans les établissements de santé du Sénégal. L’absence de systèmes solides de gestion et de surveillance des risques a contribué à ce désastre. Il est impératif que des mesures rigoureuses soient mises en place pour garantir la sécurité des patients et prévenir la répétition de telles tragédies.

Il est crucial de revoir la politique de santé actuelle, de la repenser et de défendre les droits des patients. L’objectif est d’instaurer une confiance, qui n’a jamais existé, parmi les Sénégalais dans la médecine moderne, mais surtout dans la médecine locale. Les hôpitaux publics et privés doivent être fondamentalement réformés, ainsi que l’organisation de l’offre de soins. Conformément à la pyramide de Bird, les professionnels ne sont pas les seuls responsables des événements indésirables, 80 % sont organisationnels. En France, une enquête nationale sur les iatrogènes réalisée en 2009 estimait qu’entre 315 000 et 440 000 hospitalisations étaient dues à des événements indésirables graves, dont 46 % étaient évitables. Si l’État sénégalais ne mène pas une politique de santé publique cohérente et responsable, l’hôpital continuera à tuer de plus en plus de personnes pendant les décennies à venir.

Problèmes culturels

Les problèmes culturels qui affectent le système de santé sénégalais sont multiples :

Manque de culture de traçabilité : les procédures ne sont pas écrites et suivies, ce qui empêche le traçage et la correction des erreurs. Le circuit de la drogue n’est ni contrôlé ni réglementé. Il s’agit du court-circuit entre la prescription et l’administration des médicaments. La loi n° 2023-06 du 13 juin 2023, ainsi que ses décrets d’application créant l’Agence sénégalaise de réglementation pharmaceutique, visent à moderniser et renforcer la régulation du secteur pharmaceutique et des produits de santé au Sénégal. L’agence se concentre sur la sécurisation du circuit du médicament et de son conditionnement en ce qui concerne le transport, mais pas en ce qui concerne l’administration dans les établissements de santé et à domicile.
Manque d’empathie de la part des professionnels de la santé : Le manque d’empathie des professionnels de la santé envers les patients est un problème culturel majeur. Avant de prodiguer des soins, il faut savoir prendre soin. Le but de la guérison est, comme le disait Hippocrate, « Primum non nocere » – avant tout, ne pas faire de mal.
Accueil des patients : L’accueil des patients est souvent médiocre, avec des traitements parfois méprisants et des exigences de paiement immédiat, même en cas d’urgence. Des réformes sont nécessaires pour améliorer ces aspects, notamment la formation des professionnels de l’hôtellerie et l’introduction de modules de qualité tels que l’identitévigilance. Les nouvelles autorités de l’État proposent dans leur plan gouvernemental de faire appel à des professionnels de l’hôtellerie bien formés et, éventuellement, de privatiser ce secteur.
À terme, il est impératif d’élaborer un code de santé publique complet qui regroupe toutes les réglementations liées à la santé. Ce code doit comporter des lignes directrices sur la qualité des soins, la gestion des risques et la responsabilité civile et pénale des professionnels et des établissements de santé. La mise en œuvre de ce code devrait s’accompagner de programmes de formation du personnel de santé et de campagnes de sensibilisation auprès des patients.

Par ailleurs, une enquête nationale auprès de la population des professionnels de santé est nécessaire pour résoudre les « déserts médicaux ». La région de Dakar est surdotée tandis que le reste du pays est sous-doté. La liberté d’installation des professionnels de santé doit être encadrée par des contrats de prestations obligatoires dans les zones sous-financées. L’objectif sera de servir l’Etat pendant 10 ans par exemple dans les zones dites « déserts médicaux » sous peine de rembourser l’argent investi pour la formation. D’autres propositions seront faites dans un prochain article, qui abordera plus généralement la protection sociale.

Le Sénégal dispose des ressources et du potentiel nécessaires pour construire un système de santé solide et inclusif. Il est temps d’agir avec détermination et responsabilité pour garantir des soins de qualité à tous les Sénégalais.

 
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