CChaque matin, c’est le même rituel pour Francis Geoffroy. Avant de commencer sa journée, il consulte Légifrance, le site sur lequel sont publiées les nouvelles lois, réglementations et décisions de justice. « Cela pourrait arriver à tout moment », s’inquiète celui qui guette chaque arrêté interministériel reconnaissant (ou non) l’état de catastrophe naturelle pour les mouvements terrestres en Charente-Maritime.
Cette année, il a chuté à deux reprises, le 3 août et le 19 octobre. Résultat : 62 communes du département qui avaient demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour des épisodes de sécheresse – et par conséquent des mouvements de terrain – en 2023, n’ont pas obtenu satisfaction. Conséquence : comme Francis Geoffroy, des dizaines de propriétaires de maisons fissurées ne pourront pas obtenir de prise en charge des réparations auprès de l’Etat et de leur assurance.
Pavillon criblé de fissures
Pourtant, à Chermignac, dans la maison familiale de Francis Geoffroy, on a du mal à imaginer qu’il ne s’est rien passé. Du sol au plafond, en passant par les murs, la maison est criblée de cicatrices. « Certes, toutes les fissures ne sont pas apparues du jour au lendemain en 2023 », concède l’homme. Les premières petites fissures sont apparues en 2018, mais chaque été de nouvelles fissures apparaissent et chaque été les anciennes s’agrandissent dangereusement. »
En cause, le sol argileux sous cette maison construite en 1979, qui s’assèche profondément en été et se remplit soudainement d’eau lors des premières pluies. En surface, il craque. Depuis les années 1990, Chermignac a été reconnue en état de catastrophe naturelle en raison de mouvements de terrain consécutifs à des sécheresses une dizaine de fois, mais plus depuis les premières fissures de cette maison familiale.
Plus de 100 000 euros de travaux
Dans ce petit pavillon de 80 m², le plafond en plâtre menace de tomber sur la tête de ses occupants et des étais ont été placés à divers endroits. Même constat à l’extérieur. « Ici, j’ai dû mettre un bâton et du silicone pour éviter les infiltrations d’eau », raconte l’apprenti bricoleur. A côté, la maison des voisins est dans le même état.
Même si le pavillon reste pour le moment habitable, ces fissures ont de lourdes conséquences. « Normalement, une maison comme celle-là vaut plus de 150 000 euros. Là, on pouvait à peine le vendre 80 000 ! », crie Francis Geoffroy. Il faut dire qu’entre la pose de pieux au niveau des fondations et la réparation des fissures, “il en coûterait entre 120 000 et 150 000 euros de réparations” et plus d’un an de travaux.
Les rebondissements administratifs
Sans la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, rien ne sera réglé. «Même si Chermignac était déclaré sinistré, le chemin serait encore long», estime le spécialiste. « Les experts en assurance pourront toujours dire que les fissures ne sont pas causées par des mouvements de terrain mais par un arbre à proximité, une gouttière mal placée ou autre », s’agace-t-il.
A Chermignac, 61 autres dossiers étaient en attente de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour 2023 selon le propriétaire. De nombreuses personnes se retrouvent désormais sans solution. « C’est un phénomène assez compliqué, dont les critères de reconnaissance ont été durcis depuis 2019, notamment sur la question de l’hydrométrie », regrette Francis Geoffroy. Et pourtant, le problème n’est pas près d’être résolu. Selon l’Office de recherches géologiques et minières, 2,8 millions d’habitants de Nouvelle-Aquitaine sont moyennement ou fortement exposés à ce phénomène.
L’Association des Victimes de la Sécheresse
Francis Geoffroy est membre du bureau de l’Association des sinistrés de la sécheresse des propriétés bâties en Charente-Maritime. Il est également le conseiller technique. « Cette association existe depuis 2003 et a été créée suite à l’épisode de sécheresse vécu en 2002. Elle a pour but d’aider et de soutenir les sinistrés qui, à cause de ces épisodes, se retrouvent avec des maisons fissurées. Généralement, l’immobilier est situé sur un sol argileux», explique celui devenu spécialiste.
L’association compte aujourd’hui près de 600 membres. « Je vois des gens d’un certain âge dévastés. Pour eux, c’est un héritage de toute une vie qui part en fumée. Mon rôle est de rassurer et de trouver des solutions. Il faut se battre avec les assureurs. Nous pouvons proposer une contre-expertise au rapport d’expertise. Depuis septembre 2023, sur une cinquantaine de dossiers évalués en Charente-Maritime, seuls cinq ont été retenus », précise-t-il.
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